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Dieu leur refuse ses communications? Ne doivent-elles pas avouer que ce sont leurs péchés, selon le terme de l'écriture (1), qui ont formé un épais nuage entre le ciel et elles, et que Dieu s'est justement caché à leurs yeux ?

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Cent fois Dieu ne nous a-t-il pas recherchés dans nos égaremens ? cent fois, ingrats que nous sommes n'avons-nous pas été sourds à sa voix, et insensibles à ses bontés? Il veut nous faire sentir à son tour combien nous étions aveugles et misérables en le fuyant; après s'être lassé à nous prévenir il veut enfin que nous le prévenions; il nous réduit à acheter par notre patience les faveurs qu'il nous prodiguait autrefois, et dont nous ignorions le prix. N'est-ce pas une vanité et une délicatesse honteuse que de supporter impatiemment un tel procédé que nous avons eu nous-mêmes à son égard? Combien nous a-t-il attendus ? n'est-il pas juste qu'il se fasse attendre ?

Qui est celui qui peut se vanter d'avoir fait sans réserve tout ce qu'il doit, d'avoir réparé toutes ses négligences passées, d'avoir purifié son cœur, d'être en droit d'attendre que Dieu l'écoute favorablement? Hélas! tout notre orgueil, quelque grand qu'il soit, ne saurait suffire pour nous inspirer cette pré

(1) Jérém. 3,

somption, tant le sentiment de notre misère nous presse! Si donc le Seigneur nous soustrait les graces sensibles, adorons sa justice, taisons-nous, humilions - nous devant lui, prions sans cesse.

C'est cette humble persévérance qui l'apaisera, c'est cette espèce d'importunité qui obtiendra de lui ce que nous ne méritons pas d'obtenir nous-mêmes, et qui nous fera heureusement passer des ténèbres à la lumière. Car sachez, dit saint Augustin, que Dieu est présent, lors même qu'il paraît éloigné de nous. Il se cache pour faire augmenter nos desirs; et il ne diffère, lui qui est le père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, à adoucir toutes nos peines, que pour ne point fonder l'ouvrage de notre perfection sur une volonté faible, impatiente et attachée aux choses sensibles.

Qu'il est facile d'aimer Dieu lorsqu'il se montre à nous dans toutes ses beautés, et qu'il nous soutient par le plaisir même dans cette union étroite avec lui! Combien voyonsnous d'ames lâches qui ne veulent le servir que par intérêt, et qui se découragent dès que Dieu cesse de les flatter! Loin de nous une piété si faible et si mercenaire ! attachons-nous à Dieu pour Dieu même.

Souvenons-nous que c'est dans l'état d'obs

curcissement et de privation que la solide charité s'éprouve et se soutient elle-même; sans cela les consolations intérieures anéantiraient le mystère de la croix qui doit s'accomplir en nous; sans cela en vain JesusChrist serait monté au ciel pour dérober à ses disciples sa présence. Hé! que peut-on attendre d'une ame qui attend elle - même que Dieu la console pour se donner à lui?

Enfin il faut prier avec pureté d'intention. Il ne faut point, dit saint Bernard, mèler dans nos prières les choses vaines avec les véritables, les périssables avec les éternelles, des intérêts bas et temporels avec ceux de notre salut. C'est bien prier, dit saint Augustin, que de ne chercher que Dieu seul ; c'est mal prier que de chercher par lui d'autres biens. Ne prétendez pas, dit-il, rendre Dieu le protecteur de votre amour-propre et de votre ambition, mais l'exécuteur de vos bons desirs. Vous recourez à Dieu afin qu'il satisfasse vos passions, et souvent afin de vous garantir des croix dont il connaît que vous avez besoin. Quand il vous aime, dit encore ce père, il vous refuse ce que votre amourpropre vous fait demander; dans sa colère il vous accorde ce qu'il est dangeureux que vous obteniez. N'allez donc point porter aux pieds des autels des vœux indécens, des desirs mal réglés, et des prières indiscrètes. Ne deman

dez rien qui ne soit digne de celui à qui vous le demandez. Gardez-vous bien de soupirer après des biens faux et nuisibles; répandez votre cœur devant le Seigneur, afin que son Saint-Esprit demande en vous par des gémissemens ineffables les véritables biens qu'il veut que vous demandiez.

Comment Dieu, dit saint Augustin, vous accorderait-il ce que vous ne voulez pas vousmême qu'il vous accorde ? Vous lui demandez tous les jours l'accomplissement de sa volonté, et l'avènement de son règne. Pouvez-vous lui faire cette prière de bonne foi, vous qui préférez votre volonté à la sienne, qui sacrifiez ses intérêts aux vôtres, et qui faites céder sa loi aux vains prétextes dont votre amour - propre se sert pour l'éluder ! Pouvez-vous lui faire cette prière, vous qui troublez son règne dans votre ame par tant d'infidélités, par tant de vains desirs, par tant d'amusemens indignes du christianisme; vous enfin qui craignez l'arrivée de ce règne, et qui ne voudriez pas que Dieu vous accordat tout ce que vous faites semblant de souhaiter? Car lorsque vous lui demandez qu'il change votre cœur, s'il vous prenait au mot, et s'il vous offrait de vous rendre humble, mortifié, ennemi des plaisirs et des consolations, empressé pour les croix et pour son amour, votre amour-propre et votre orgueil se révolteraient pour vous empêcher d'ac

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cepter cette offre ; et consentant au retranchement de certains défauts qui vous incommodent, vous voudriez réserver vos passions dominantes, et faire vos conditions pour accommoder la piété à votre humeur et à vos

vues.

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Au reste, quoique les méthodes pour prier, qui nous viennent des personnes pieuses et expérimentées, méritent beaucoup de respect, et que nous les devions suivre autant que nos expériences et le conseil des gens sages que nous consultons nous en découvrent l'utilité pour nous soulager et faciliter notre application à Dieu, nous devons regarder comme l'essentiel dans la prière de demander à ce Dieu de miséricorde, qui connaît mieux que nous nos besoins ce qu'il faut que nous lui demandions. Son Esprit Saint, à qui il appartient véritablement de nous enseigner à prier, donne quand il lui plaît des conduites particulières mais ce qui est très-important, est de se persuader que la manière de prier la plus simple, la plus humble, et la plus éloignée des raisonnemens et des vues -abstraites, est sans doute la plus assurée, et la plus conforme aux paroles du Fils de Dieu et des apôtres. Dans cette prière nous trouverons de la lumière et de la force pour remplir nos devoirs avec paix et humilité, dans quelque condition où nous soyons. Sans

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