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INTRODUCTION.

It would be extremely interesting, did time and space allow, to study the influence which Biblical literature had upon the French drama, and to see with what success both before and since Racine the tragic muse amongst our neighbours caught its inspiration from the Sacred Scriptures.

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The medieval miracle plays, described in a previous volume of this series, may be left unnoticed; if we wish to find a dramatic production really deserving to be called a work of art, and the subject of which is borrowed from Christian traditions, we must come down as late as Corneille's Polyeucte; 10 for the Saül of Du Ryer and the Saint Eustache of Balthazar Baro, both brought out in 1639, are absolutely worthless. 'À la renaissance vraie du théâtre au temps de Henri IV,' says M. Sainte-Beuve, '(car à cette époque, université, religion, société polie, théâtre, il y eut sur tous les points toutes les 15 sortes de renaissance), sous Hardi et ses successeurs immédiats, le genre des sujets religieux et Chrétiens ne s'était pas reproduit, ou l'avait été sans aucun éclat.'

Rotrou's Saint Genest (1646) was suggested to its author' by Corneille's masterpiece: it is an episode of the Acta 20 Sanctorum, treated with considerable vigour and talent by a man of real genius, and the excellent analysis which M. SainteBeuve has given of it in his Port-Royal (i. 151-170) proves sufficiently that Rotrou deserves the reputation he still enjoys at the present day.

The author of Polyeucte made another attempt to dramatize religious themes, but the performance of Théodore Vierge et

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Martyre (1645) was a signal failure, and, as the illustrious causeur already quoted remarks, 'alla presque au scandale.' The selection of the subject displayed great want of taste, and some of the incidents were quite repulsive.

Racine's Esther and Athalie form the next two links in the chain of what the French critics call 'tragédies sacrées ;' and then we come to Duché, whose Absalon, composed also for the school of Saint Cyr, is almost worthy to be ranked amongst the chefs d'œuvre of French dramatic literature. After him, 10 so far as our subject is concerned, the reign of dull mediocrity begins, and we need only allude to Boyer's tragedy of Judith, amusingly characterised by Racine himself in the following epigram:

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A sa Judith, Boyer, par aventure,
Etait assis près d'un riche caissier;
Bien aise était; car le bon financier
S'attendrissait et pleurait sans mesure.

"Bon gré vous sais," lui dit le vieux rimeur;
"Le beau vous touche, et n'êtes pas d'humeur
A vous saisir pour une baliverne."

Lors le richard, en larmoyant, lui dit:

"Je pleure, hélas! de ce pauvre Holoferne,
Si méchamment mis à mort par Judith.""

The illustrative matter I had to dispose of for my notes 25 on Athalie is so copious, that the difficulty was to make a selection. Besides introducing the various readings, &c., given by M. Paul Mesnard, in the beautiful edition prepared for Messrs. Hachette's 'Grands Écrivains de la France,' I have borrowed largely from the best commentators, and I am quite sure that 30 my readers will thank me for placing before them, by way of preface, M. Sainte-Beuve's reflections on Racine's last and best tragedy. Two separate editions of Athalie were published during the poet's life-time: one in quarto in 1691 (chez Denys Thierry, avec privilège du Roy), and one in octavo 35 in 1692.

GUSTAVE MASSON.

NOTICE SUR ATHALIE.

Athalie est surtout une œuvre merveilleuse d'ensemble. C'est l'éloge, je le sais, qu'il faut donner à presque toutes les pièces de Racine; mais l'éloge s'applique ici dans une inconcevable rigueur. Depuis le premier vers d'Athalie jusqu'au dernier, le solennel mis en dehors et en action, le 5 solennel-éternel, articulé dès la première rime, vous saisit et ne vous laisse plus. Rien de faible, rien qui relâche ni qui, un seul instant, détourne; la variation n'est que celle d'un point d'orgue immense, où le flot majestueux monte plus ou moins, mais où il n'est pas un moment du ton qui ne concoure à la 10 majesté souveraine et infinie.

Aussi est-ce surtout à propos d'Athalie qu'il faut répéter ce que j'ai avancé en général de l'œuvre de Racine: tout ce qu'on en peut détacher est moindre et inférieur, si beau qu'on le trouve, et a dans l'ensemble une autre va- 15 leur inqualifiable, indicible. L'auteur arrive par des moyens toujours simples à l'effet le plus auguste; une fois entré, on suit, on se meut dans le miracle continuel, comme naturellement.

Cet ordre, ce dessein avant tout, cet aspect d'ensemble qui 20 est beau de toute beauté dans Athalie, nous est figuré dans le temple, et quel temple! On a fait (et je le sais trop bien), on a fait des objections au temple d'Athalie; on lui a opposé les mesures colossales de celui de Salomon, la colonne de droite nommée Jachin et celle de gauche nommée Boox, les deux 25 Chérubins de dix coudées de haut, en bois d'olivier revêtu

d'or, tout ce cèdre du dedans du temple rehaussé de sculptures, de moulures, et la mer d'airain et les bœufs d'airain, ouvrage d'Hiram. Racine, il est vrai, a peu parlé de l'œuvre d'Hiram et des soubassements de cette mer d'airain; il n'a 5 pas pris plaisir à épuiser le Liban comme d'autres à tailler dans l'Athos; son temple n'a que des festons magnifiques, et encore on ne les voit pas; la scène se passe dans une sorte de vestibule: et cependant ce qui fait la suprême beauté et unité d'Athalie, c'est le temple, ce même temple juif de Salomon, 10 mais déjà vu par l'œil d'un Chrétien.

Ce que Racine n'a pas décrit, et ce qu'aurait d'abord décrit un moderne plus pittoresque que Chrétien, est ce qui devait périr de l'ancien temple, ce qui n'était que figure et matière, ce que ce temple avait de commun sans doute, au moins à 15 l'œil, avec les autres qui n'étaient pas le vrai et l'unique. Si notre grand Lyrique moderne avait eu à décrire le temple de Jérusalem, il eût pu y mettre bon nombre de ces vers de haute et vaste architecture qu'il a prodigués dans le Feu du Ciel à son panorama des villes maudites.

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Mais ce n'était qu'au dehors que ces descriptions eussent convenu; au fond du temple il n'y avait rien: il y avait tout. Lorsque Pompée, usant du droit de conquête, entra dans le Saint des Saints, il observa avec étonnement, dit Tacite, qu'il n'y avait aucune image et que le sanctuaire était vide. C'était 25 une opinion reçue en parlant des Juifs:

Nil præter nubes et coeli numen adorant.

Si Racine, dans le temple d'Athalie, a moins rendu le vestibule, ç'a donc été pour mieux rendre le sanctuaire.

Trop de décors eussent nui à la pensée; trop de de30 scriptions présentées avec une saillie disproportionnée nous eussent caché le vrai sujet, le Dieu un, spirituel et qui remplit

tout.

Le grand personnage ou plutôt l'unique d'Athalie, depuis le premier vers jusqu'au dernier, c'est Dieu. Dieu est 35 là, audessus du grand-prêtre et de l'enfant, et à chaque point de cette simple et forte histoire à laquelle sa volonté sert de loi; il y est invisible, immuable, partout senti, caché

par le voile du Saint des Saints où Joad pénètre une fois l'an, et d'où il ressort le plus grand après Celui qu'on ne mesure pas.

Cette unité, cette omnipotence du Personnage éternel, bien loin d'anéantir le drame, de le réduire à l'hymne continu, 5 devient l'action dramatique elle-même, et en planant sur tous elle se manifeste par tous, se distribue et se réfléchit en eux selon les caractères propres à chacun: elle reluit en rayons pleins et directs dans la face du grand-prêtre, en aube rougissante au front du royal enfant, en rayons affaiblis et 10 souvent noyés de larmes dans les yeux de Josabeth; elle se brise en éclairs effarés au front d'Athalie, en lueurs bassement haineuses et lividement féroces au sourcil de Mathan; elle tombe en lumière droite, pure, mais sans rayon, au cimier sans aigrette d'Abner. Tous ces personnages agissent, se 15 meuvent selon leur personnalité humaine à la fois et selon le souffle éternel: le grand-prêtre seul est comme la voix calme, haute, immuable de Dieu, redonnant le ton suprême, si les autres voix le font par instants baisser.

Malgré donc tout ce qu'il y a de lyrique et dans cette voix 20 sans cesse ramenée du chœur et dans certains moments du grand-prêtre, nul drame n'est plus réalisé que celui d'Athalie et par des personnages mieux dessinés; nul plus saisissant, plus resserrant à chaque pas, et mieux poussant à l'intérêt, à la grande émotion, aux larmes, malgré la certitude du divin 25 décret. On est jusqu'au bout dans une transe religieuse; on est comme le fidèle Abner, dont l'esprit n'ose devancer l'issue; on est muet et sans haleine comme ces Lévites immobiles sous les armes et cachés; on sent dresser ses cheveux à cet instant ou, tout étant prêt, et Athalie donnant dans le piége, 30 le grand-prêtre éclate:

Grand Dieu! voici ton heure, on t'amène ta proie;

et bientôt, s'adressant à Athalie elle-même:

Tes yeux cherchent en vain, tu ne peux échapper,
Et Dieu de toutes parts a su t'envelopper.

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