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nouvelle ardeur pour réciter chaque heure avec un plus grand recueillement, et excitent l'âme à s'appliquer à la prière avec plus d'attention (1). Nous voyons également dans Cassien la prière publique, pratiquée dans les Monastères de la Palestine et de l'Egypte. Les Religieux se levaient vers le milieu de la nuit pour prier et louer Dieu; ils se livraient encore à cet exercice vers l'aurore, d'où est venu le nom de Laudes matutinales. Dans le jour, ils s'occupaient aussi de la prière et récitaient des psaumes aux heures de tierce, de sexte, de none, et à la fin du jour ou vêpres. L'heure de prime n'était pas en usage chez les Moines de l'Egypte; mais elle l'était en Occident dans le ve siècle, selon le récit de Cassien, qui nous assure même qu'elle avait commencé dans un Monastère de Bethleem (2). Les sept heures canoniales, telles que nous les avons, sont prescrites par la Règle que S. Benoît donna à ses Religieux dans le vie siècle (3). S. Isidore de Séville nous apprend aussi, que l'Office divin était composé des sept heures; seulement il donne à Prime le nom de Matines, et à nos Matines le nom de Vigiles (4). La pratique, de se lever dans la nuit pour prier, était observée même par le Clergé des paroisses; de là ces paroles de S. Fortunat, Evêque de Poitiers: Dum vigilias officio solito celebrarent clerici (5). C'est aussi ce que nous apprenons de S. Grégoire de Tours, racontant ce qui lui arriva, lorsque se trouvant à Paris, il se rendit dans l'Eglise au milieu de la nuit pour assister à la célébration de l'Office (6). Cette coutume était même en usage parmi les simples chrétiens, selon le témoignage de S. Jérôme : « Quoique S. Paul, disait-il, nous ordonne de prier sans cesse, et que le sommeil même soit pour les Saints

(1) S. Basil. tom. 11, Regul. fusiùs tract. interr. 37, pag. 381, Edit. Paris 1722.

(2) Patrol. tom. XLIX, Cassian. instit. lib. 3, cap. 4, pag. 126.

(3) Patrol. tom. LXVI, S. Bened. Regul. cap. 16, pag. 455.

(4) Patrol. tom. LXXXIII, S. Isıd. lib. 1 de Offic. eccles. cap. 19 et seq.

pag. 757.

(5) Patrol. tom. LXXXVII, Fortun. in Vit. S. Hilar. lib. 2, n. 6, pag. 451. (6) Patrol. tom. LXXI, S. Greg. Tur. lib. 9, Hist. Franc. cap. 6, pag. 485. Ailleurs à l'occasion d'un fait dont il parle, il ajoute: Juxla morem sacerdotum, · nocle a stratu suo consurgens. Ibid. lib. Glor. Conf. cap. 31, pag. 851.

une espèce d'oraison, nous devons néanmoins partager, en plusieurs heures différentes, le temps que nous voulons donner à la prière; et lorsque l'heure destinée à cet exercice est venue, nous devons quitter tout pour y vaquer: il n'est personne qui ne sache que les heures de tierce, sexte, none, le matin et le soir, vesperam, sont consacrées à la prière» (1). Ecrivant à Léta sur l'éducation de sa fille Paule: << Proposez-lui pour modèle de sa conduite, lui disait-il, une fille d'un âge déjà avancé, d'une foi pure, d'une vie irréprochable, d'une chasteté reconnue, qui l'instruise par ses exemples, et qui l'accoutume à se lever la nuit pour vaquer à la prière et à la psalmodie, à chanter des hymnes dès le matin, à se présenter comme une guerrière de Jésus-Christ aux heures de tierce, sexte et none, et à aller à l'heure de Vêpres, la lampe allumée, offrir à Dieu le sacrifice du soir» (2). Les vierges chrétiennes sont encore dans la même coutume. S. Chrysostôme augmenta les prières qui se faisaient dans la nuit, et leur donna plus de solennité. Les Ariens cherchaient à attirer à eux des partisans, par le moyen des cantiques et des solennités religieuses; le saint Docteur crut qu'il était aussi à propos de mettre plus de splendeur dans le chant et les cérémonies, afin que les fidèles ne fussent pas en danger de perdre la foi, en allant aux pompes religieuses de ces hérétiques (3). Les fidèles firent des fondations et donnèrent des biens aux Eglises, mettant pour condition, que l'Office divin y serait chanté tous les jours par les Ecclésiastiques; la célébration devait avoir lieu dans la nuit, le matin et le soir, nocturna, matutina, vespertina, que nous appelons présentement, Matines, Laudes et Vêpres: c'est ce qui est dit dans une des lois du Code de Justinien (4). Dans le Ix siècle, la discipline était encore, que les Prêtres devaient se lever dans la nuit pour réciter l'Office: Omni nocte, leur disait le Pape Léon IV, ad nocturnas

(1) Patrol. tom. xxi, S. Hieron. Epist. 22, ad Eustoch. n. 37, pag. 421. (2) Ibid. Epist. 107, ad Lætam, n. 9, pag. 875.

(3) Socrat. Hist. eccl. lib. 6, cap. 8, pag. 312, Edit. Paris 1668.

(4) Patrol. tom. LXXI, Justin. leg. lib. 1, titul. 3, lex. 43, § 10, pag. 1056.

horas surgite, cursum vestrum horis certis decantate (1). Dans le siècle suivant, Rathérius, Evêque de Vérone, recommandait la même chose à ses Prêtres (2). Dans le x1° siècle, les Complies ne se disaient point avec les Vêpres, mais immédiatement avant le coucher, et elles étaient comme la prière du soir, ainsi que nous le lisons dans le Livre de la Discipline ecclésiastique de Jean, Evêque d'Avranches (3).

La prière publique a été appelée Office divin, parce qu'elle est le devoir à remplir envers Dieu, qu'elle a pour but de l'honorer, de le glorifier, et d'obtenir de sa miséricorde les grâces dont nous avons besoin. La partie de l'Office, qui se disait dans la nuit, comme on le fait encore la veille de Noël, fut appelée Officium nocturnum, ou Vigiliæ nocturne, plus tard on crut devoir la placer de grand matin, et elle prit le nom de Officium matutinum, ou Matines, comme nous la nommons. Dans l'Eglise latine, on donna le nom d'Heures, horæ diurnæ, à l'autre partie de la prière publique qui a lieu pendant le jour, parce qu'elle était fixée à certaines heures de la journée: ces heures sont, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Les Grecs appelèrent la prière publique Canon de la psalmodie et de la prière (4), c'est-à-dire, règle ou mesure; sans doute à cause qu'elle fut fixée par les Evêques, ou bien parce qu'elle était la mesure du tribut de louanges, que les pieux fidèles devaient offrir à Dieu. Cassien donnait à l'Office divin le nom de Preces canonicæ. Dans le vie siècle, on l'appelait aussi Cursus; c'est ainsi que dans la vie de S. Domnole, Evêque du Mans, écrite par un Prêtre contemporain, il est dit qu'il n'omettait jamais de terminer son cours, c'est-à-dire, de réciter les prières canoniales prescrites: Cursum verò suum (id est pensum precum canonicarum) per horas legitimas persolvens (5). Dans le vie siècle, l'Office divin portait encore ce nom, et il est à

(1) Conc. Labb. tom. vii, Leo. Pap. IV, hom. pag. 33.

(2) Patrol. tom. cxxxvi, Rath. Synod. n. 6, pag. 559. En parlant de l'Office divin et de la célébration de la Messe, les Ecrivains du moyen-âge se servent souvent du terme cantare, pour exprimer la récitation de ces prières.

(3) Patrol. tom. CXLVII, pag. 30.

(4) S. Basil. tom. 11, Regul. brev. 147, pag. 464, Ed. Paris 1722.

(5) Patrol. tom. LXXI, S. Domnol. Vita, cap. 1, n. 6, pag. 641.

Ses noms.

Composition de l'Office.

Psaumes.

remarquer qu'il devait même être récité dans toutes les Eglises, selon le Concile de Calchute en Angleterre: Ut omnes Ecclesiæ canonicis horis cursum suum habeant (1). S. Egbert appelle l'Office divin les Heures canoniales (2). Raban Maur lui donne le même nom (3). Le Cardinal Drogon, Ecrivain du XIIe siècle, dit que l'Office est composé des Laudes matutinales, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, qu'il appelle Hymnos vespertinos, et des Complies (4). L'Abbé Rupert nous apprend la même chose dans son Traité des Offices, donnant la raison des Heures canoniales et du temps de les réciter (5). L'Office divin ayant été abrégé, comme nous le dirons plus tard, il fut nommé Bréviaire, Breviarium (6).

II. DE QUOI EST COMPOSÉ L'OFFICE? Il renferme des Psaumes, des Leçons, et des Oraisons.

4o Le nombre des Psaumes n'était pas uniforme partout. Cassien, traitant ce sujet dans le II et IIIe livres de ses Institutions monastiques, fait observer, que le mode de la prière publique n'était pas le même dans tout les lieux (7). Quelques Communautés religieuses avaient la coutume de chanter ou réciter, chaque nuit, vingt psaumes; d'autres trente, en les faisant précéder d'une antienne; d'autres en chantaient un plus grand nombre; quelques-unes se bornaient à dixhuit; il y avait presque autant de coutumes différentes que de Maisons. La même variété existait pour l'Office du jour, c'est-àdire, de Tierce, Sexte, et None. Quelques Monastères proportionnaient le nombre des psaumes au terme de l'heure; de sorte qu'à Tierce, ils en disaient trois; à Sexte, six; à None, neuf: d'autres en disaient six à chaque heure. Ce n'était point l'usage en Egypte,

(1) Conc. Labb. tom. vi, Conc. Calchuthense, can. 7, pag. 1865.

(2) Patrol. tom. LXXXIX, Excerpt. n. 28, pag. 383.

(3) Ibid. tom. cv, Inst. cler. lib. 2, cap. 1, pag. 325.

(4) Ibid. tom. CLXVI, de Off. div. pag. 1558.

(5) Ibid. tom. CLXX, de Off. pag. 13.

(6) Nous avons trouvé ce terme, employé pour désigner un livre d'Eglise, dans une lettre de Hugues, Archevêque de Lyon et Légat du Pape dans le x siècle. Patrol. tom. CLVII, Hug. Epist. 23, pag. 524.

(7) Patrol. tom. XLIX, Cassian. Inst., lib. 2. pag. 77.

comme dans les Gaules, de finir le psaume par le verset: Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, mais par une courte prière; à la fin du douzième psaume on disait Alleluia. S. Colomban, dans sa Régle, désigne les psaumes qu'il faut réciter, selon qu'il l'avait appris de ses Pères, c'est-à-dire, des Religieux d'Irlande; à Tierce, Sexte, et None, il y avait trois psaumes avec des versets; au commencement de la nuit ou à Vêpres, douze psaumes; à l'Office de la nuit, les jours ordinaires, pendant l'hiver, trente-six psaumes, sous douze antiennes; pendant l'été, vingt-quatre psaumes sous huit antiennes; les Offices du samedi et du dimanche étaient encore plus longs, puisque ces jours-là on y récitait le Psautier (1). Le Concile de Tours, de l'an 567, nous apprend que Sexte devait avoir six psaumes; Vêpres douze; Matines également douze, selon qu'il avait été prescrit par les statuts des Pères à quelques époques de l'année, le nombre était de trente (2). Ces faits nous font voir, qu'il était nécessaire que l'Autorité intervînt pour fixer l'Office divin; c'est ce qui a été fait, comme nous le verrons. Les psaumes font partie de toutes les prières publiques pour les besoins des hommes, et en les proposant, l'Eglise agit avec sa sagesse ordinaire, parce que ces saints cantiques excitent notre dévotion, par la considération de nos misères et par la vue de la miséricorde de Dieu, comme le faisait remarquer Hugues de St-Victor. Quand nous prions les hommes, il est nécessaire de réclamer en termes exprès ce que nous voulons, parce qu'ils ne connaissent pas autrement nos besoins; mais lorsque nous nous adressons à Dieu, il sait mieux que nous ce qu'il nous faut, et il fait plus d'attention à nos sentiments qu'à nos paroles. En considérant nos misères dans la récitation des psaumes, nous devenons plus humbles; et en nous rappelant les miséricordes de Dieu, nous l'aimons davantage, et ces dispositions nous rendent dignes d'être exaucés (3).

2o Des Leçons de l'Ecriture ont toujours fait partie de l'Office. Primitivement il y en avait deux, une de l'Ancien, et l'autre du Nouveau

(1) Patrol. tom. Lxxx, S. Columb. reg. cap. 7, pag. 212.
(2) Concil. Labb. tom. v. Conc. Turon. can. 18, pag. 857.
(3) Patrol. tom. CLXXVI de modo orandi, cap. 4 et 5, pag. 981.

Leçons

de l'Ecriture

et des Pères.

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