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bua à le rendre maître en peu de jours des deux provinces de Valachie et de Moldavie. Vainement un homme destiné à jouer bientôt un rôle important dans l'empire, Mousta pha Baïractar, de concert avec Passevend-Oglou, voulurent s'opposer à la marche des Russes: battus à Foksan, ils durent se replier sur la ligne des places fortes du Danube.

>> maintenir la sûreté du clergé, de la poblesse et des habitants de la Mol» davie et de la Valachie; le soin qu'ils ont pris lors de la conclusion des » traités, d'assurer votre bien-être et votre prospérité, ont engagé le souve>> rain de Russie à se nommer, et à être effectivement le protecteur de votre » pays. Du moment où nous sommes montés sur le trône, nous avons suivi >> l'exemple de nos ancêtres, et nous n'avons rien négligé pour maintenir les » droits que vous aviez acquis et vous faire prospérer de plus en plus. >> Chacun de vous sait que les priviléges par lesquels vos biens et même vos » personnes ont été assurés, autant qu'il était possible, sous le gouverne>>ment où vous vous trouviez, ont fait l'objet de l'attention de nos ancêtres » et de la nôtre. Les préparatifs que la Porte fait depuis quelque temps, et >> les entreprises qu'elle forme arbitrairement en violation des traités subsis>> tants, ont nécessité l'entrée de nos troupes dans la Moldavie et la Vala» chie, et ces troupes vous garantiront de tous les maux auxquels votre » pays était ordinairement exposé; elles assureront le libre exercice de votre >> religion et de vos droits.

» L'unité de communion et d'usages, les services rendus réciproquement, » le dévouement et l'attachement que vous avez montrés de tout temps, >> vous porteront à regarder nos guerriers comme des frères. Nous avons pris >> toutes les mesures pour empêcher que nos troupes ne se permettent rien >> qui vous soit contraire. Nos généraux et les autres agents chargés de nos » ordres, ne manqueront pas de faire les meilleures dispositions, et, en se » concertant avec les autorités civiles, de vous donner, chaque jour, des >> preuves que la mission de nos troupes n'a aucun but hostile et nuisible, >> mais tend uniquement à l'accomplissement des vues qui sont dirigées >> vers le bien-être général. Notre volonté est que toutes les autorités civiles >> et les employés soient maintenus dans l'exercice de leurs fonctions, d'après » les coutumes existantes; nous nous attendons aussi que les autorités et » les employés faciliteront la marche de nos troupes et la prise de possession » de ces pays, et répondront à notre désir, qui est uniquement que lesdits >> pays soient protégés dans l'exercice de leurs droits.

>> Nous vous accordons notre protection; et si vous vous en rendez dignes, >> nous vous assurerons le sort que nous vous préparons.

>> Par ordre de l'empereur :

» Signé MICHELson. »

Cette invasion inattendue ayant ranimé la haine des Turcs contre les Russes, M. Italinski eut le bonheur d'échapper à la prison des Sept-Tours. Il passa à bord d'un vaisseau anglais qui le porta à Ténédos, d'où il se rendit à Malte, et ensuite en Italie, en laissant à M. Arbuthnot le soin de s'opposer aux négociations de l'ambassadeur de France.

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La lutte fut violente; les firmans de guerre étaient clamés dans l'empire, tandis qu'on se perdait en échanges de notes, et quoique ni l'Angleterre ni la Turquie n'eussent intérêt à une rupture qu'ils déploraient également. M. Arbuthnot, après avoir épuisé toutes ses ressources diplomatiques, dut songer à quitter secrètement Constantinople avec tous les négociants anglais établis dans cette capitale, en recommandant leurs familles à la protection du général Sébastiani.

Il ne pouvait pas s'adresser à un plus loyal adversaire. La frégate l'Endymion, sur laquelle M. Arbuthnot avait invité tous les négociants anglais à dîner, coupa ses câbles le 29 janvier 1807, à huit heures du soir. Elle faillit échouer sur la pointe du sérail, où les courants du Bosphore l'entraînèrent; mais on manoeuvra avec tant d'ordre et de silence qu'elle sortit du port avant que les Turcs eussent connaissance de ce qui se passait. L'Endymion franchit avec un égal succès le détroit des Dardanelles ; et l'ambassadeur, arrivé à Ténédos, écrivit pour reprendre le cours de ses négociations.

Le moment favorable à l'accomplissement des desseins que le visir Ali pacha avait manifestés s'annonçait ainsi, lorsqu'on reçut l'ordre d'entrer en campagne. Le satrape, au lieu de voler à la rencontre des ennemis de l'état, occupa aussitôt Prévésa, d'où il chassa Abdoulla bey vaivode du Grand-Seigneur; et les Moscovites, avec la même célérité, ayant mis garnison à Parga, sauvèrent ainsi, pour la seconde fois, la population chrétienne de cette ville. A ce

signal, le consul de Russie à Janina fut arrêté, et on se prépara à la guerre, sans que les Grecs prissent aucune part à la querelle politique qui se manifestait dans l'Orient; circonstance digne d'une attention particulière, que nous allons essayer d'expliquer.

On aurait tort d'imaginer que les habitants de la Morée et de l'Archipel, excités par le cabinet de Pétersbourg dans les différentes circonstances où sa politique les appela à l'indépendance pour les sacrifier, aient été tout-à-coup détrompés des espérances de tradition qu'ils fondaient sur les Moscovites. Les impressions populaires ne s'effacent pas aussi facilement que les amitiés et les inimitiés des princes. Les Grecs furent long-temps Russes, quoique ceux-ci les eussent inhumainement trompés; ils ne tenaient pas compte de leur sang répandu, et l'illusion ne commença à s'affaiblir que lorsqu'ils virent que la cause de la religion, qui est tout pour les Hellènes, n'était pas l'idée suprême de celui qu'ils appelaient leur autocrate.

Ce refroidissement des hommes éclairés remonte à l'année 1798, lorsque l'église d'Orient fut témoin d'une triple alliance entre les Turcs, les Russes et les Anglais, unis pour combattre les Français qui avaient envahi l'Égypte. Les Grecs comprirent qu'ils ne seraient désormais dans la main des puissances européennes que des instruments de leur ambition. Ainsi, à cette époque, ils ne firent aucune attention à notre apparition dans le Levant, et un écrit intitulé la Trompette guerrière (1), qui parut alors pour appeler les enfants des Hellènes aux armes, fut une voix perdue dans le désert. Leur indifférence ne fut pas moins marquée, lorsles Russes maîtres de îles Ioniennes, ayant une escadre formidable dans la mer Égée, déclarèrent en 1806 la guerre à la Turquie. On ne trompe pas impunément un peuple entier; aussi vit-on les Hydriotes formant les équipages de la marine du sultan, se distinguer contre l'amiral (1) Σάλπισμα πολεμιστήριον.

que

Sinavin à la bataille de Ténédos en 1807, et le patriarche Grégoire se montrer à la tête des Grecs, sur les remparts de Constantinople, quand l'escadre anglaise franchit le détroit de l'Hellespont pour intimer des lois au divan. Le sérail fut plus heureux alors que Copenhague, et pas un Grec, ni une seule des îles de l'Archipel, ne manifestèrent l'apparence d'une rébellion.

Le seul Cadgi Antonis, fidèle à son serment, essaya de ranimer le zèle des peuplades de l'Étolie. Parvenu en 1807 à réunir soixante-dix hommes, il entrait dans la chaîne du Pinde avec ce projet, lorsqu'une maladie l'obligea à se réfugier dans une caverne, où bientôt découvert, il fut saisi par un détachement albanais avec son frère Georges, et conduit à Janina. Amenés devant le satrape, ils furent condamnés à avoir les jambes et les cuisses écrasées à coups de marteau de forge. Quel moment! Le soin du supplice avait été laissé à un neveu de Véli Guègas; Cadgi Antonis, affaibli par la maladie, poussa des cris lamentables. Georges, qui l'encourageait en lui reprochant de crier comme une femme, reçut, sans articuler une plainte, autant de coups qu'il en fallait pour broyer ses os depuis l'orteil jusqu'à la hanche, et son courage apprit à l'Épire qu'il renaîtrait des vengeurs de sa cendre.

Ali pacha, croyant avoir anéanti la ligue des armatolis, ne craignit pas d'appeler un grand nombre de chrétiens dans son armée, et il s'abstint de mettre à exécution le conseil de désarmer les Grecs, qui lui avait été donné peu de temps avant par quelques émissaires anglais. Il ne voyait devant lui que les Russes, auxquels il aurait voulu succéder dans la possession des îles Ioniennes. La France lui avait envoyé des canonniers ; notre ambassadeur, le général Sébastiani, celui de tous nos plénipotentiaires qui joua jamais le plus beau rôle dans le Levant, venait de faire nommer Véli au visiriat de Morée, et Mouctar au pachalick de Lépante. On attendait de leur père des prodiges; mais le mal

n'engendre que le mal, et il ne résulta de ces calculs diplomatiques qu'une série d'intrigues qui ouvrirent un vaste précipice sous les pas du tyran et de sa famille.

Véli, charmé de sortir d'une position dépendante, reçut sa nomination avec une joie dissimulée, tandis que Mouctar moins favorisé, puisqu'il n'était nommé que pacha à deux queues d'un sangiac insignifiant, ne considérait son éloignement de Janina que comme une disgrace d'autant plus humiliante qu'elle rehaussait le triomphe de son frère. Ali, qui le sentait, loin d'adoucir son chagrin, voulut qu'il n'emmenât avec lui que des officiers de son choix; et, absolu dans ses moindres volontés, il en agit de même avec Véli, dont il retint en otage les femmes, les enfants, et jusqu'au mobilier, sous prétexte qu'il ne fallait pas se charger de bagages en temps de guerre.

Pour se débarrasser des personnes qui lui déplaisaient, il composa la cour de ses fils de ceux qu'il voulait réformer de la sienne, et ce fut à cette occasion qu'il éloigna de Janina Ismaël Pachô bey, auquel il feignit d'accorder une grace, en le créant selictar de Véli, mais au fond, afin de le dépouiller des biens considérables qu'il possédait. Les avancements que causait la promotion des deux nouveaux satrapes consternèrent donc tout le monde, et Pachô bey ne put taire les sentiments qui l'agitaient. Il m'éloigne le scélérat, s'écria-t-il en me montrant Ali assis à une fenètre de son palais, il m'éloigne, mais je l'en punirai, quelque chose qui en puisse arriver, et je mourrai content, prix de ma tête je parviens à faire tomber celle d'un pareil

monstre.

si au

Les deux pachas partirent, et leur père, après avoir expédié un agent chargé de se rendre en Pologne auprès de Napoléon, parut entièrement accablé de l'importance qu'on avait donnée à sa coopération. Ses armements furent lents; et il sembla même applaudir à la tentative des Anglais contre Constantinople, parce qu'il se flattait d'être respecté

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