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l'humanité; et qu'en parlant des Parguinotes on dise à l'avenir :

Extrema per illos

Religio excedens terris vestigia fecit.

Après mille injustices nouvelles (1), campés sous les oliviers de Corfou, où ils ont été visités par un enfant des Grecs ministre d'un grand roi (2), les Parguinotes, comme les enfants d'Israël assis autrefois sur les rives des fleuves de Babylone, pleins des souvenirs et des regrets qui remplissent leurs pensées, redisent leurs malheurs à l'étranger qui les interroge. La lyre de Xénoclès accompagne la plaintive élégie des nouveaux Messéniens; élégie destinée à perpétuer, avec l'amour qu'ils conservent à leur douce patrie, la honte ineffaçable attachée à leurs oppresseurs.

(1) A leur arrivée à Corfou, le parlement ionien donna le titre de citoyens des sept îles aux Parguinotes, qui en jouissaient depuis le quinzième siècle, au lieu de s'occuper à leur fournir les logements et le pain de l'hospitalité. Le lord haut commissaire leur signifia ensuite que la somme de cent cinquante mille livres sterling ou 666,666 gourdes était réduite à 633,000, parce que S. E. s'était arrangée avec Ali pacha pour être payée en monnaie espagnole plutôt qu'en monnaie turque; qu'ensuite il serait opéré une retenue de 1 p. 100 pour le nolis de la frégate la Ganymède, qui avait transporté les espèces à Corfou, ainsi que pour les négociations, sauf à statuer relativement aux émigrés Parguinotes sur les dommages et prétentions élevés contre eux par Ali pacha. De nouvelles difficultés s'étant ouvertes à ce sujet, les Parguinotes refusèrent toute espèce d'indemnité. Enfin le 19 décembre 1819, le haut commissaire ayant annoncé que S. M. B. faisant remise aux émigrés du droit de 1 p. 100 exigé pour le fret de la Ganymède, ils rejetèrent unanimement cette grace mercantile, et contraints par la misère, ils acceptèrent depuis ce qu'on voulut leur donner du prix d'une vente faite contre toute justice et tout droit. (Voy, l'ouvrage du 1. col. de Bosset déjà cité. )

(2) Le comte Capo d'Istria.

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CHAPITRE IX.

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Vieillesse d'Ali. Sa rapacité. Incendie du palais de Tébélen; noncé par le cheik Jousouf. - Son désespoir. — Quête qu'il fait à ce sujet.— Dons. — Héritage des pestiférés d'Arta. — Albanais plongés dans l'huile bouillante. Cruautés diverses. - Ismaël Pachô bey se réfugie auprès du nazir de Drama.-Danger auquel il échappe. - Ses aventu-Son portrait. — Lettre qu'il reçoit de son épouse; s'associe avec l'Étolien Paléopoulo. —Leurs plans contre Ali. Mort de Paléopoulo. -Famille d'Ali pacha.

res.

Si la vieillesse des bons princes est un temps de langueur pour leurs états, celle des tyrans devrait être, dans l'ordre de la nature, une époque du calme propice au pays agité par les caprices orageux de leur jeunesse. L'Épire aurait éprouvé, dans cette dernière hypothèse, quelque repos ; mais la providence semblait l'avoir livrée sans retour au génie du mal. Irrité de voir échapper la vie, le satrape, chaque jour plus intraitable, croyait en renouer le cours en envahissant toutes les propriétés, comme s'il avait vou. lu dévorer la terre prête à l'engloutir. Indifférent à l'estime des hommes, ils dédaignait également de les tromper par des serments, et de leur déguiser ses coupables desseins. Bravant la satire (1), le mépris, les reproches, les remords, la renommée, l'impie Salmonée défiait les foudres du ciel et de l'opinion publique. Ses volontés, ses passions, ses emportements ne connaissaient plus ni frein ni mesure. La

(1) Ali ne manquait jamais de faire venir les aveugles qui chantaient les couplets satiriques que les Grecs composaient contre lui, et de les leur faire répéter en sa présence. Il lui est même arrivé de leur révéler de nouveaux traits de sa cruauté, en disant : Chantez encore cela, afin qu'on sache bien de quoi je suis capable, et que rien ne me coûte pour écraser mes ennemis: je ne me reproche que le mal que je ne peux pas leur faire.

multitude du peuple, qui est la gloire du roi (1), l'importunait; et il souhaitait, comme Caligula, que les hommes qu'il haïssait, dans la pensée qu'ils se réjouiraient de sa mort, n'eussent qu'une tête pour l'abattre. Malheureux des jouissances d'autrui, malheureux par le désir violent d'envahir, il s'agitait tel qu'un être menacé des besoins de la vie. Il voulait de l'or avec l'ardeur impatiente d'un hydropique qui désire de l'eau pour étancher sa soif; et succombant sous le poids des richesses, plus il en accumulait, plus il prétendait en entasser encore. Un dieu vengeur l'avait condamné aux plus cruels des supplices, l'envie et la crainte de l'avenir.

N'osant croire à la religion mahométane, qui punit le crime, ni la rejeter, parce qu'il en puisa les principes avec son éducation, il ne voyait aucun port assuré au-delà du terme de sa vie. L'éternité lui apparaissait sous des formes terribles; il frémissait au nom de l'Alsirat (2), pont jeté sur une mer de feu; les remords ne lui montraient, sous le voile du tombeau, que le Tartare réservé à ses semblables. Éblis (3) avait cessé d'ètre le sujet de ses plaisanteries. Vainement, pour conjurer la marche du temps, il avait eu recours aux secrets de l'alchimie, afin de trouver un breuvage qui devait le rendre immortel (4) et lui procurer les moyens de convertir les métaux en or. Déçu, sans être dé

(1) La multitude du peuple, dit le sage, fait la gloire du roi, et le petit nombre des sujets est la honte du prince.- Proverb. XIV. 18.

(2) Alsirat, pont de la largeur du fil d'une toile d'araignée, suspendu au-dessus des brasiers de l'enfer, sur lequel les Musulmans doivent passer pour arriver au Paradis.

(3) Éblis, le Diable.

(4) Ce fut en 1812 que ses alchimistes commencèrent les travaux qui avaient pour but de lui procurer l'eau immortelle, au moyen de laquelle il devait, disaient-ils, s'envoler dans les planètes, et trouver la pierre philosophale. Il avait fait venir un laboratoire complet de Venise; et après qu'un nommé Sergios, qui était associé un derviche, eut brûlé du charbon pendant cinq ans, le visir, ne voyant aucun résultat, le fit pendre, et noyer son compagnon en sorcellerie.

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