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reproduire, afin d'y donner suite. On y rappelait qu'indépendamment des trésors sauvés dernièrement de l'incendie de Tébélen, le pacha en avait d'autres plus considérables déposés à Argyro Castron et à Janina, ce qui était probablement exagéré. Mais ce qu'on ne pouvait contester, c'était le budget détaillé de ses revenus, montant à douze millions de francs, en y comprenant les bénéfices qu'il faisait sur les fermes de la couronne. Ce qu'on pouvait déduire, au milieu du chaos de l'administration d'Ali, c'est qu'il ne payait au trésor du sultan que deux millions; qu'une somme égale était employée en dépenses secrètes, et qu'il lui restait huit millions sur lesquels il en prélevait deux environ pour la solde de cinq mille hommes (1) qu'il tenait habituellement à son service. Passant aux revenus de ses trois fils (2), on les évaluait à dix millions. A ces considérations, les plus séduisantes pour un prince tel que le sultan Mahmoud, Pachô bey, s'énonçant en homme au fait des localités, affirmait et répondait sur sa tête, malgré les troupes et les places fortes du visir Ali, d'arriver avec vingt mille hommes, en face de Janina, sans brûler une amorce.

Les plans des ennemis d'Ali pacha, tout sages qu'ils pa

(1) Ali pacha pouvait porter ses troupes jusqu'à quatorze mille hommes, en ramassant les Albanais chrétiens et mahométans. Quant à ses dépenses intérieures, telles que celles de sa table, de ses harems, et le pain de munition de ses troupes, cela se prenait sur le produit en nature de ses terres, et il payait par des bons à vue sur les marchands qui ne lui devaient rien, les Grecs employés à son service.

(2)

Ali Tébélen Véli Zadé, âgé de 78 ans.

Famille d'Ali pacha, 1819.

Ses fils issus d'Éminé : {

Mouctar, beglier bey de Bérat, 50 ans.
Véli, visir de Thessalie, 46 ans.

Fils issu d'une esclave: Salik, pacha de Lépante, 18 ans ; a laissé un fils

en bas âge.

Famille de Mouctar pacha.

Deux fils : {

Hussein pacha, marié.

Mahmoud bey.

Méhémet pacha, Sélim bey, Ismaël bey, et six filles.

raissaient, et peut-être parce qu'ils l'étaient effectivement, ne se trouvaient pas du goût des ministres de Sa Hautesse, parce qu'ils recevaient de fortes pensions du moderne Jugurtha, qui se vantait, comme le Numide, que, si Cons-tantinople trouvait un acheteur, elle se vendrait, sans penser que cet or sur lequel il comptait devait causer sa perte. Il était aussi plus commode à un cabinet accoutumé à temporiser, d'attendre l'héritage de Tébélen, que d'en brusquer l'acquisition par une guerre ouverte; car il est ordinaire en Turquie que les grandes fortunes des employés du gouvernement se fondent dans le trésor impérial.

L'usage dans les cabinets d'Orient, est la grande maxime d'état ; et si l'on pouvait arrêter la marche du temps, qui mine les institutions humaines, les Orientaux auraient trouvé le secret de la stabilité, qu'on dit être la source du bonheur social. Tout en applaudissant au zèle de Pachô bey, on ne lui donnait que des réponses dilatoires : puis, des équivoques on en vint aux refus ; et Paléopoulo, qui ne respirait que pour la liberté de son pays, revenait à ses idées premières d'aller coloniser. Il se disposait à partir pour la Bessarabie, lorsque la mort vint interrompre ses projets en mettant fin à ses malheurs.

Le ciel semble accorder aux hommes arrivés à leur heure suprême, et qui n'ont plus d'intérêt à feindre, une sorte de prévision, qui rend leurs dernières paroles prophétiques. Le vieil Étolien annonça à ses amis la régénération prochaine de la Grèce ; et ayant demandé à voir Pachô bey, il l'engagea à persévérer dans ses projets, en l'assurant que bientôt la famille d'Ali Tébélen tomberait sous ses coups. Je meurs avec le regret, ajouta-t-il, de ne pas me trouver avec vous sur le mont Dryscos; Ali pacha reconnaîtrait encore Paléopoulo au bruit de son gros fusil (1).

(1) Le fusil de Paléopoulo, appelé Milioni, était d'un calibre énorme ; il avait une réputation aussi grande chez les Épirotes, que l'épée de Roland parmi nos anciens preux.

Le vieux guerrier du mont OEta étant mort peu de jours après cette entrevue, Pachô bey se consola bientôt de sa perte; car un chrétien n'est jamais pour la caste tartare qu'une de ces espèces subalternes, qu'on dédaigne dès qu'on n'en peut plus retirer d'utilité; mais il n'oublia pas les conseils qu'il en avait reçus pendant leur liaison.

Avant de les mettre en pratique, Pachô bey crut, pour masquer ses projets, devoir se jeter dans les pratiques les plus minutieuses du mahométisme. Alors Ali, qui le faisait observer par ses capi-tchoadars, apprenant qu'il fréquentait les derviches et les oulémas, feignit de croire qu'il était désormais sans importance politique, et sembla ajourner contre lui ses projets de vengeance.

FIN DU TOME PREMIER.

TABLE

DES CHAPITRES

CONTENUS DANS LE TOME PREMIER.

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LIVRE PREMIER.

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...

CHAPITRE Ier. Exposition. - Aperçu sur l'état général de la Grèce
en 1740.-Coup d'œil sur la situation de l'empire Ottoman. — Ali
Tébélen. Son extraction. - Anarchie des Epirotes. - Khamco ,
mère d'Ali. Son caractère. Guerre qu'elle entreprend contre
Cardiki. -Est faite esclave avec ses enfants. - Premiers exploits de
son fils..
- Arrêté comme brigand. - Son portrait.-Émissaires Rus-
ses envoyés dans la Grèce. - Faux Pierre III. — Insurrection dans
la haute Albanie. — Capelan pacha.—Dénoncé par son gendre Ali.
-Mis à mort. Chainitza, soeur d'Ali, mariée. Assassinat de son
époux.-Agitations et stratagèmes d'Ali. — Il tue Sélim, mir-livas
de Delvino. Est nommé pacha de Thessalie. . .
Page
CHAPITRE II. Alexis Orlof. — Intelligences des émissaires Russes avec
les Grecs. - Manouvres politiques de Catherine II. — But qu'elle se
proposait. - Provoque la guerre que les Tures lui déclarent. - Er-
reur funeste des Grecs, leur aveuglement sur le compte du cabinet
de Pétersbourg. — Réputation usurpée d'Alexis Orlof. -
Ses que-
relles avec Janaki Iatrani, bey du Magne. — Arrivée de la flotte russe
en Morée. — Débarquement opéré à OEtylos.—Insurrection de 1770.
— Dissensions entre les Grecs et les Russes — qui abandonnent les
Désolation du Péloponèse.-Apparition du Béotien An-
Ses exploits et ceux de ses compagnous d'armes. - Rava-
ges des Schypetars; leur révolte;
Hassan
pacha. — Arrivée d'Ali pacha dans la Thessalie, racontée par lui-
même. — Manière de se faire une réputation; origine des armatolis;
- s'attache Paléopoulo. Chefs des armatolis; nombre de leurs
capitaineries. Mort de Khamco;-son testament.-Ali nommé au
sangiac de Janina.-État de cette ville à son avénement. — Inconvé
nients attachés à sa promotion; sa conduite artificieuse; -attaque
et détruit Cormoyo. Première campagne d'Ismaël Pachô bey. —

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insurgés.
driscos.

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I

Inquiétudes d'Ibrahim, pacha de Bérat; marie une de ses filles à
Mouctar, fils d'Ali.-Empoisonnement de Sépher bey, frère du visir

Ibrahim.

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Page 31
CHAPITRE III. Patriotisme. Voeux, espérances des Grecs. Pro-
jets de Catherine II et de Potemkin. Correspondance entre Cathe-
rine et Voltaire. - Naissance d'Alexandre Petrowitz. Portrait de
Potemkin. Inquiétudes qu'il cause aux Turcs. Enthousiasme
des Grecs pour la Russie. Naissance du grand-duc Constantin.
Concession arrachée au divan. — Voyage de l'impératrice en Cri-
mée. Entrevue avec Stanislas, roi de Pologne. Arrivée de
Joseph II.
Son séjour à Kerson. Fêtes, déceptions. Guerre
entre la Russie et la Turquie. Intrigues du cabinet moscovite.
-Émissaires Grecs à Pétersbourg. Accueil qu'ils reçoivent.
Espérances qu'ils donnent à leurs compatriotes. - Sotiris se rend à
Souli. Aventures de Lambros Catzonis. Arrivée de Tamara à
Ithaque pour soulever la Grèce. - Part que prend Andriscos aux
événements. Guerre des Souliotes en 1790 et 1791 contre Ali pa-
cha. Mort de Potemkin. Ibrahim marie sa seconde fille à Véli,
fils d'Ali. Ses noces.. Assassinat des beys de Cleïsoura.-Licence
introduite à Janina. Paix entre la Porte Ottomane et la Russie.
Départ de Tamara d'Ithaque. Lambros Catzonis prend le titre de
roi de Sparte.
Déclare la guerre au sultan. -Est battu. Se re-
tire à Pétersbourg. - Arrestation et mort d'Andriscos. Ali prend
les armatolis à son service. — Attaque les Souliotes — qui le battent.
Sa politique envers les Épirotes. Essaie de surprendre Souli.

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Lettre de Tzavellas. - Ali accusé de félonie. -se justifie

ment.

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Révolte du

Il appelle les

CHAPITRE IV. Ali extermine les Turcs de Bossigrad.
visir de Scodra.— Parti qu'Ali tire de cet événement.
armatolis à son secours.-Noms de leurs principaux chefs.-Devient
jaloux de Paléopoulo. Massacre des Osmanlis par les Guègues. -
Premiers symptômes de mécontentement de Passevend Oglou.
Anarchie dans la Romélie et dans l'empire Ottoman.
- Paix avec

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la Russie. Mort de Catherine II.- Alarmes du divan. Rassuré
par les conseils de MM. Descorches et Mouradjea d'Ohsson.-Premier
cri de liberté entendu dans la Grèce. Apparition de Rigas,- ses
projets ;- entraîne Passevend Oglou dans son parti; - se retire à
Vienne. - Corfou occupé par les Français. Mission de l'adjudant
général Rose à Janina ;—s'y marie.— Fêtes. Carmagnole dansée.
-Destruction des peuplades chrétiennes de Saint-Basile. Férocité
de Jousouf Arabe.-Révolte de Passevend Oglou, —Ali marche vers
le Danube. Première idée d'établir le nizam-y-dgedid, ou milice
régulière. — Expédition des Français en Égypte. — Ali revient en
Épire à cette nouvelle. — Arrestation de l'adjudant général Rose.

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