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V.

LES CROYANTS INCREDULES.

Parmi ceux auxquels il manque une chose, il en est qui semblent n'avoir rien de commun avec les formalistes. Ce sont les croyants qui ne vivent pas selon leurs croyances. La vérité a pénétré dans leur esprit, mais non dans leur cœur; leur intelligence en a été éclairée, mais leur âme est demeurée dans l'obscurité. En un mot, ils sont croyants par les convictions de leur esprit, mais incrédules par les dispositions de leur cœur.

Cette situation est effectivement l'opposé du formalisme, en ce que la religion du formaliste est extérieure, tandis que celle dont nous allons parler est intérieure ; mais, considérées à un autre point de elles se ressemblent, en ce que ni

vue,

l'une ni l'autre n'ont leur siége dans le cœur, c'est-à-dire, là où Dieu regarde (1 Sam., XVI, 7), là où sont les sources de la vie (Prov., IV, 23). L'une ressemble au christianisme par les actes extérieurs, et l'autre par les croyances; mais au fond l'une et l'autre sont également absentes du cœur.

N'est-il pas étrange qu'on puisse croire à la Bible, sans en pratiquer les enseignements? qu'on puisse croire que Dieu a parlé, sans obéir à sa voix? qu'en un mot, l'esprit puisse être persuadé, sans que le cœur soit touché? Il semble qu'il ne devrait y avoir aucun intervalle entre connaître Dieu et l'aimer, entre connaître le chemin du ciel et y marcher sans regarder en arrière; cependant, un grand nombre d'âmes restent longtemps sur cette ligne intermédiaire qui sépare les convictions chrétiennes de la vie chrétienne, et qu'il est indispensable de franchir pour passer de la condamnation à la grâce et du péché à la sainteté.

Non-seulement cette situation n'est pas rare, mais il se rencontre des hommes chez lesquels ce contraste, entre les convictions de leur esprit et l'incrédulité de leur cœur, forme une complète opposition; il se rencontre des hommes dont les croyances ressemblent parfaitement à celles des plus fidèles disciples de Jésus, et dont la conduite ressemble parfaitement à celle des incrédules les plus obstinés. Ils admettent toutes les vérités chrétiennes ; ils croient à la pleine inspiration des Ecritures, à la déchéance de l'homme, à la divinité éternelle de Jésus-Christ, au salut gratuit, à l'expiation du péché par le sang de la croix, à la nécessité de la régé nération par le Saint-Esprit, à l'éternelle félicité et aux peines éternelles; mais ils croient à tout cela, comme ils croiraient à une démonstration philosophique, ou à une découverte scientifique. Tout cela n'est pour eux qu'un système, une science, un fait prouvé. Ils n'en tirent aucune conséquence pratique, et vivent au milieu

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Ce que nous disons ici ne vous étonnerait nullement, si vous saviez ce que c'est que la foi chrétienne. Entre cette foi et la simple connaissance du christianisme, il y a le même abîme qu'entre la vie et la mort. La foi qui sauve n'est pas un stérile assentiment donné aux enseignements bibliques: elle consiste à recevoir la vérité, à s'identifier avec elle, à vivre par elle. La vraie foi est une œuvre, une œuvre de Dieu; c'est ici l'œuvre de Dieu, nous dit Jésus-Christ, que vous croyiez en Celui qu'il a envoyé (Jean, VI, 29). La foi par laquelle nous devenons disciples du Sauveur ne réside pas seulement dans l'esprit, elle réside surtout dans le cœur. Sans doute elle s'empare aussi de notre intelligence, elle la satisfait pleinement, elle n'existerait pas pour nous sans l'adhésion de notre esprit. Cette adhésion simplement intellectuelle est donc quelque chose, et même quelque chose de la plus haute

importance, si on la considère comme pouvant nous conduire à agir selon que nous sommes pleinement persuadés (Rom., XIV, 5). Mais si, au contraire, vous ne marchez pas dans cette route, si vos croyances ne vous amènent pas à vivre de la foi (Habac., Il, 4), vous êtes en dehors du christianisme, comme les incrédules proprement dits; votre responsabilité est même aggravée par votre connaissance, et vous êtes d'autant plus coupable de ne pas suivre la vérité que vous la connaissez davantage.

Tous ceux qui croient du cœur (Rom., X, 9) croient aussi de l'esprit; mais ceux qui croient de l'esprit ne croient pas tous du cœur. Quand notre âme a reçu la vérité, notre intelligence la reçoit aussi, et quelquefois elle pénètre dans notre intelligence avant de pénétrer dans notre âme; mais si elle s'arrête à notre esprit, elle est pour nous une étrangère, et nous n'en recevons pas plus d'influence que si nous demeurions incrédules.

Pour être sauvé par la foi, il ne suffit

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