Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]

1 Mademoiselle DE BRIE.2 Armande BEJART, femme de Molière. Mademoiselle DUPARC. LA GRANGE.

5 BRÉCOURT. 6 DU CROISY.

La scène est à París, dans la maison d'Uranie.

MADAME,

Je sais bien que VOTRE MAJESTÉ n'a que faire de toutes nos dédicaces, et que ces prétendus devoirs, dont on lui dit élégamment qu'on s'acquitte envers Elle, sont des hommages, à dire vrai, dont Elle nous dispenserait très-volontiers. Mais je ne laisse pas d'avoir l'audace de lui dédier la Critique de l'École des Femmes ; et je n'ai pu refuser cette petite occasion de pouvoir témoigner ma joie à VOTRE MAJESTÉ, sur cette heureuse convalescence, qui redonne à nos vœux la plus grande et la meilleure princesse du monde, et nous promet en Elle de longues années d'une santé vigoureuse. Comme chacun regarde les

1

Anne d'Autriche, fille aînée de Philippe III, roi d'Espagne, femme de Louis XIII, mère de Louis XIV. Les historiens n'ont point assez remarqué l'influence que cette grande princesse exerça sur les mœurs et sur la littérature de son siècle. L'isolement où la laissait la froideur de son mari fut cause qu'elle conserva le goût le plus vif pour tout ce qui pouvait lui rappeler la langue et les usages de son pays. Bientôt son goût devint celui de toute la France. On étudia la langue espagnole; on y chercha des modèles, et l'on eut des idées et une littérature nouvelles. La première traduction de Don Quixote parut l'année même du mariage d'Anne d'Autriche. Plus tard, Scarron imita les nouvelles de Cervantes; et le grand Corneille, en faisant passer dans notre langue les beautés du Cid et du Menteur, créa notre double théâtre, par cette double imitation du théâtre espagnol. Tandis que ce grand homme ennoblissait notre langage, la jeune reine faisait succéder une galanterie délicate et noble à la licence que Catherine de Médicis avait introduite à la cour. Anne d'Autriche regardait l'amour comme un tribut que tous les hommes doivent à la beauté : elle pensait que son effet naturel était d'agrandir les âmes, et de les porter aux plus hautes vertus. D'après cette opinion, il était glorieux d'aimer; les femmes devaient s'honorer de leurs conquêtes, être adorées des hommes, et ne souffrir que leurs respects. Ces sentiments devinrent fort à la mode sous l'autorité d'une jeune et belle princesse, faite pour donner le ton à son siècle; ils firent naître les précieuses, qui ne devinrent ridicules qu'après avoir opéré une révolution dont l'heureuse influence s'étendit jusqu'à nous. Anne d'Autriche fut donc la première cause de cette révolution qui fit naître tant de chefs-d'œuvre. Son caractère bon et indulgent, mais plein de hauteur et de noblesse, imprima le mouvement à l'âme de Louis XIV, et celui-ci à tout son siècle. Cette princesse mourut le 20 janvier 1666, âgée de soixante-quatre ans. (A.-M.)

choses du côté de ce qui le touche, je me réjouis, dans cette allégresse générale, de pouvoir encore obtenir l'honneur de divertir VOTRE MAJESTÉ; Elle, MADAME, qui prouve si bien que la véri · table dévotion n'est point contraire aux honnêtes divertissements qui, de ses hautes pensées et de ses importantes occupations, des cend si humainement dans le plaisir de nos spectacles, et ne dédaign pas rire de cette même bouche dont Elle prie si bien Dieu. Je flatte, dis-je, mon esprit de l'espérance de cette gloire ; j'en attends le moment avec toutes les impatiences du monde; et quand je jouirai de ce bonheur, ce sera la plus grande joie que puisse recevoir,

MADAME,

DE VOTRE MAJESTÉ,

Le très-humble, très-obéissant,

et très-obligé serviteur,

MOLIÈRE.

« PrécédentContinuer »