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DON JUAN. ·

Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suis-moi.

SCÈNE VI.

LA STATUE DU COMMANDEUR, DON JUAN, SGANARELLE.

LA STATUE.

Arrêtez, don Juan. Vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.

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Don Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste; et les grâces du ciel que l'on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.

DON JUAN.

O ciel! que sens-je? un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah!

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur don Juan. La terre s'ouvre et l'abìme; et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.)

SCÈNE VII.

SGANARELLE, seul.

Ah! mes gages! mes gages! Voilà, par sa mort, un chacun satisfait. Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content; il n'y a que moi seul de malheureux. Mes gages, mes gages, mes gages 1!

Un anonyme a publié, il y a peu de temps, une notice pleine d'intérêt sur l'origine de la pièce espagnole; nous lui emprunterons quelques détails

peu connus. Le caractère de don Juan, dit-il, n'est point un caractère d'invention. Les chroniques de Séville parlent de don Juan Tenorio, l'un des vingt-quatre, homme débauché, pervers, et mettant son immoralité sous la protection de son rang; il enleva la fille du commandeur Gonzalo de Ulloa, et joignit au rapt l'homicide : le vieillard, essayant de poursuivre le ravisseur, tomba percé d'un coup d'épée; sa famille, au désespoir, ne put obtenir justice elle fut obligée de dévorer en silence sa honte et sa douleur. Don Juan, enhardi par son triomphe, épouvantait Séville; nul n'osait lui faire obstacle.

Le commandeur avait été inhumé dans l'église des moines de Saint-François, où la famille de Ulloa avait une chapelle. Ces religieux, du fond de leur cloître, entreprirent d'arrêter don Juan au milieu de sa carrière criminelle, et de suppléer à l'impuissance des lois ou à la lâcheté des magistrats. Un seul moyen se présenta à eux : la mort du coupable. Don Juan fut condamné. Il reçut une lettre d'une femme inconnue, qui se disait jeune et belle, et qui lui donnait rendez-vous dans l'église des franciscains, à une heure avancée de la nuit. Don Juan y alla, et n'en revint jamais; son corps même ne fut pas retrouvé. Les moines, le lendemain, firent courir le bruit que don Juan était venu insulter la statue du commandeur jusque dans sa chapelle; l'homme de marbre s'était animé, la terre s'était ouverte, et l'impie était tombé vivant dans les enfers. Le miracle fut reconnu vrai, et la justice humaine ne fit point de poursuite.

Alors vivait dans ce couvent un religieux appelé frère Gabriel Tellez, théologien, poëte, prédicateur. Ce religieux, ayant été nommé commandeur de son ordre, crut devoir adopter pour le théâtre un nom supposé; il choisit celui de Tirso de Molina; c'est sous ce nom qu'il traita le sujet de don Juan.

Le drame espagnol est divisé en trois journées. La scène s'ouvre à Naples et se ferme à Séville. Le poëte fait passer sous vos yeux une foule de personnages de toutes conditions: un roi, des pêcheurs, des bourgeois, des paysans, etc. C'est, à peu de chose près, la marche suivie par Molière jusqu'au dénoûment, qui se passe dans une église, et qui, chez Tirso de Molina, se termine par le repentir de don Juan, qui demande vainement un confesseur pour en obtenir l'absolution: Il est trop tard, lui répond la statue; c'est la justice de Dieu : selon les œuvres, le paiement; et don Juan est englouti avec le sépulcre et la statue. Telle est la pièce espagnole, telle est l'œuvre de Tirso de Molina, d'un moine témoin oculaire des déportements du véritable don Juan, et peut-être de sa fin mystérieuse. (A.-M.)

FIN DU FESTIN DE PIERRE.

L'AMOUR MÉDECIN,

COMÉDIE-BALLET EN TROIS ACTES.

1665.

MOLIÈRB.

T. II.

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