Images de page
PDF
ePub

cun autre souverain de l'Europe, a aussi

cepen

dant des combinaisons de finances à faire, d'abord par la situation de son royaume; V. M. désire avec raison d'établir sa puissance et sur terre et sur mer, tandis que les autres souverains de l'Europe, n'ont que l'une de ces deux dépenses à faire.

» En même-tems, on voit près du tiers des revenus de V. M., consommé en intérêts de dettes. Un faste ancien dans les dépenses de la cour et dans les maisons des princes, l'esprit des finances dans les affaires d'argent, un relâchement général, un manque d'ensemble, des traitemens excessifs et multipliés, une somme incroyable de pensions et dont il n'existe aucun exemple; tous ces objets absorbent encore une grande partie des revenus de V. M.

» Enfin, il est une autre sorte de force qui élève souvent une puissance du second ordre au niveau d'une première, et cette force c'est le crédit ; elle est grande sans doute puisqu'elle donne les moyens de convertir quatre ou cinq millions de rentes dans cent millions de capital; or, ce crédit s'il n'est pas détruit, est considérablement altéré. On ne peut se dissimuler qu'il a fallu de l'art et des soins pour procurer « V. M. les sommes considérables qui ont

pourvu depuis deux ans au rétablissement de sa marine; mais tout a des bornes, et il n'est guère possible en si peu de tems, d'effacer l'effet de quinze années de paix, pendant lesquelles on a plus maltraité le crédit et la confiance qu'en tems de guerre, et cela en dépensant, imposant et empruntant sans règle ni mesure et en manquant sans cesse à sa parole.

>> Cette réunion de diverses circonstances suffit pour développer à V. M., quoique le plus riche des rois de l'Europe, qu'elle ne peut se dispenser de comparer sans cesse les projets de dépense avec les ressources libres; d'autant plus qu'elle a déjà dû remarquer que chaque ministre de département ne voit que sa partie, et comme ils ne sont pas chargés d'établir des revenus, les difficultés leur sont inconnues, les malheurs des peuples ne retentissent point jusqu'à eux. N'ayant donc alors à examiner que les convenances de telle ou telle dépense, il n'est pas surprenant qu'ils y excitent toujours; car il est bien peu de dépenses qui n'eussent un côté favorable, considérées séparément des moyens à prendre pour y pourvoir.

» C'est donc le coup-d'oeil de l'ensemble qui peut seul conduire à des déterminations sages et salutaires, et c'est parce qu'on a constamment

oublié ce principe si simple sous le précédent règne, que le plus beau royaume de l'Univers ne jouit pas de toutes ses forces. Des ministres accrédités gouvernant la politique, la guerre et la marine, faisaient à leur gré des projets de dépense, et de faibles contrôleurs généraux, vains d'être en place, et voulant s'y soutenir, cherchaient à pourvoir à ces mêmes dépenses tantôt par un emprunt, tantôt par un impôt, tantôt par une banqueroute; et la prospérité naturelle de la France, dont on pouvait tirer tant de puissance, ne servait qu'à réparer un peu l'effet de toutes ces fautes.

» C'est au bout de ce désordre que V. M. a résolu de faire la guerre; mais si le ministre de la politique, si celui du militaire, si celui de la marine tirent chacun à leurs projets sans prendre souci des moyens, on ne peut prévoir ce qui en résultera.

» Il me paraît donc indispensable d'établir au moins une première règle à cet égard. Ce serait qu'à une époque quelconque, au mois d'octobre par exemple, les ministres respectifs des dépenses, fissent leurs projets d'opérations; que ces projets ne fussent proposés à V. M. qu'avec le compte de la dépense tiré hors de Ligne; que ces projets ensuite fussent commu

niqués à l'administrateur des finances, pour proposer à V. M. les moyens d'y parvenir qui lui paraîtront les moins onéreux, et que V. M. comparant alors l'avantage qui peut lui revenir de l'exécution des projets de dépense avec les inconvéniens attachés aux moyens de recette, V. M. donnât ses ordres.

» De cette inanière il y aurait quelque ensemble et quelque clarté; mais sans cela V. M. ne pourrait échapper tôt ou tard à de grands chagrins, et avec les sentimens de probité et de justice qui font l'essence de son caractère, elle serait obligée de permettre et les expédiens forcés et les moyens d'usure, sources certaines de ruine; et elle ne pourrait jamais voir s'établir cet ordre précieux qui seul peut assurer la tranquillité au-dedans et la puissance au-dehors.»>

CHAPITRE V I I.

Première recherche de fonds de la part de M. Necker. Invention d'une loterie. Tableau de la minorité du parlement. Sources de la haine de Déprémesnil contre le directeur général: émulation de réformes entre le directeur et Déprémesnil. -Observations sur la mesure du département des finances, consignées dans les registres du parlement. - Enregistrement de l'édit de l'emprunt, il est rempli avant d'être enregistré. Rivalités entre les financiers et les banquiers.

M. Necker était à peine chargé de la direction du trésor royal, qu'il s'occupa des recherches des fonds. Il proposa en forme de loterie un emprunt de vingt-quatre millions, le 7 janvier 1777, dont une partie était remboursable par le sort en faveur de quelques prêteurs; l'autre, se convertissait en rentes viagères.

M. Necker déclarait dans ses préambules, que l'état était déjà grevé de quarante millions de charges viagères. L'édit fut toutefois enre

« PrécédentContinuer »