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s'exprimait ainsi : « Je dirai cependant, sans prétendre porter une accusation contre qui que ce soit, que j'ai trouvé des documents officiels qui embarrassent nécessairement la marche que je me propose de suivre (vif mouvement d'intérêt): tout se tient en diplomatie; de là la nécessité de compter pour beaucoup ce qui précède, lorsqu'on veut préjuger la suite: aussi voudra-t-on bien me permettre de prendre acte des faits consommés, afin qu'on ne puisse pas m'imputer tout à fait ceux qui en seront la suite (mouvement). Vous allez voir que le droit d'intervention n'a pas seulement été consacré dans le protocole du 20 décembre, il est encore en termes formels dans celui du 17 novembre, et vous allez vous en convaincre. Après avoir posé dans ce dernier protocole les conditions de l'armistice accepté par nous, il est dit que l'armistice est de notre part un engagement pris envers les cinq puissances. Vous voyez, messieurs, que de ce protocole résulte explicitement le droit d'intervention car dire que, lorsque nous nous engageons envers la Hollande à observer les conditions de l'armistice, nous nous engageons aussi envers les puissances médiatrices, c'est comme si les puissances nous disaient : « Vous exé«< cuterez les conditions de l'armistice, ou nous vous «y forcerons par la voie des armes. >>

« Les faits ainsi posés, il faut en subir les conséquences inévitables. Les germes de l'usurpation étant ainsi déposés dans les premiers actes de notre diplomatie, ils porteront leur fruit; il faudra bien que la marche des négociations ultérieures en soit entravée : car il faudra nécessairement tenir compte des faits accomplis (sensation).

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M. Lebeau se trompait, toutefois, en ne faisant remonter l'intervention qu'au protocole du 17 novembre; je crois avoir prouvé qu'elle date du premier protocole du 4 novembre 1830, accepté par le Congrès lui-même. La Belgique s'était débattue, pendant quatre mois, contre les conséquences d'un principe devenu incontestable; le deuxième ministère du régent admit jusqu'à un certain point le principe et s'efforça d'en neutraliser les effets. Il trouva un auxiliaire sincère et

dévoué dans un diplomate étranger', qui, désespérant d'établir l'indépendance belge sous un prince de la dynastie hollandaise, saisit avec ardeur une combinaison qui pouvait conserver la Belgique comme une barrière contre la France, sans le secours de la restauration.

1 Lord Ponsonby, commissaire de la Conférence à Bruxelles; il avait remplacé M. Cartwright, le 10 décembre 1830. Du 13 au 20 mai 1831, il fit un voyage à Londres pour éclairer la Conférence; à son retour, il adressa une lettre à M. Lebeau, pour éclairer le Congrès.

De Bruxelles il passa à Naples, en 1832; il fut ensuite ambassadeur en Turquie, puis en Autriche; il est mort à Brighton, le 21 février 1855. Il était né en 1770. « La reconnaissance des Belges, a dit M. White, III, 90, est loin d'être proportionnée aux services que lord Ponsonby leur a rendus. >> (Note de la 4e édition.)

CHAPITRE X.

Élection du prince Léopold.

Le Congrès national avait en quelque sorte siégé en permanence; le 6 mars, il s'ajourna pour la première fois; il se réunit de nouveau le 29 du même mois; après avoir reçu les explications ministérielles et voté quelques lois d'urgence, il se sépara, le 12 avril, sans ajournement fixe. Le ministère, plus libre dans sa marche, poursuivit activement la solution de la grande question qu'il s'était posée1.

1 A qui faut-il attribuer la première idée du choix du prince de SaxeCobourg?

Question oiseuse, selon nous, et dont nous ne nous occupons que parce que quelques écrivains, et notamment M. WHITE, The belgic revolution, t. I, p. 253 et 257; traduction française, t. III, p. 73 et 91, ont semblé y attacher quelque importance.

Nous disons que la question est oiseuse; comment découvrir qui a eu le premier une idée du domaine de tout le monde, et quel avantage y aurait-il à le savoir? Le mérite consistait à réaliser cette idée, en saisissant l'à-propos et en concevant un plan convenable.

L'idée même remonte aux premiers temps de la révolution; on trouve dans le Courrier des Pays-Bas du 9 décembre 1830, no 343, un article très judicieux de M. Lucien Jottrand en faveur de l'élection du prince de Saxe-Cobourg.

Elle était depuis longtemps dans le public qu'elle n'avait pas encore pénétré dans le Congrès; dans la séance du 2 février 1831, M. Devaux fit la première mention du prince de Saxe-Cobourg. « Mon intention, disait-il, a été d'abord de voter pour un roi indigène; à défaut de ce prince, j'avais tourné mes regards vers le prince de Saxe-Cobourg. Ces choix sont-ils

L'envoyé officiel près du gouvernement britannique n'étant pas parvenu à se faire recevoir, la Belgique était sans représentant à Londres; tout intermédiaire venant à manquer, le ministère résolut de s'adresser directement au prince Léopold et fit choix à cet effet de quatre commissaires: MM. le comte Félix de Mérode, H. Vilain XIIII, l'abbé de Foere et Henri de

encore possibles aujourd'hui ? Non; deux candidats se partagent les suffrages du Congrès. En appuyant la candidature de l'un des deux, je ne parle point pour un candidat de mon choix. »

M. Jottrand pourrait donc probablement revendiquer la priorité comme journaliste, M. Devaux comme député.

M. Lebeau, dans son rapport du 18 mai, établit une sorte de solidarité entre lui et son prédécesseur, M. Van de Weyer. « Dans les instructions données, dit-il, tant à M. Le Hon qu'à M. le comte d'Arschot par M. Van de Weyer, la question de s'occuper de la question du chef de l'État est expressément indiquée, et le prince désigné par mon honorable prédécesseur, comme paraissant devoir fixer particulièrement l'attention de nos plénipotentiaires, est précisément celui dont j'ai cru devoir pressentir les dispositions. » En effet, M. Van de Weyer, par des instructions datées du 20 mars 1834, chargea le ministre belge à Paris, M. Le Hon, d'annoncer au cabinet français que, si le refus du duc de Nemours était irrévocable, il devenait nécessaire de recourir à une autre combinaison et de songer soit au prince de Saxe-Cobourg, soit au prince Charles de Naples.

Nous avons dit qu'il fallait l'à-propos et un plan.

Le système exclusivement français étant épuisé, l'à-propos existait; car la candidature du prince Léopold supposait un système impartial, européen; cette candidature eût été inopportune et par cela même impossible dans les premiers mois de la révolution.

L'à-propos étant donné, il restait à concevoir un plan et à le mettre à exécution; ce fut la tâche du deuxième ministère du régent. Cette tâche, il est parvenu à la remplir, et il n'a pas besoin de revendiquer d'autre gloire. Le résultat du voyage fait à Londres par lord Ponsonby, du 13 au 26 mai 1831, a été de convaincre le ministère anglais que l'indépendance absolue de la Belgique était une nécessité et l'élection du prince Léopold la seule solution possible. Lord Palmerston obtint de la Conférence de faire une sorte d'appel au prince par le protocole du 21 mai, no 24.

(Note de la 4e édition.)

Brouckere. Le 10 mai, M. Devaux, ministre d'État, se rendit également à Londres, chargé d'une mission spéciale.

La première entrevue du prince Léopold avec les commissaires belges eut lieu le 22 avril et fut suivie de plusieurs autres; de hautes convenances s'opposent à ce que j'en révèle les détails. Je me bornerai à rapporter les belles paroles par lesquelles le prince ouvrit ces conférences': « Toute mon ambition est de faire le bonheur de mes semblables; jeune encore, je me suis trouvé dans tant de positions singulières et difficiles, que j'ai appris à ne considérer le pouvoir que sous un point de vue philosophique, je ne l'ai jamais désiré que pour faire le bien, et un bien qui me reste. Si certaines difficultés politiques, qui me semblaient s'opposer à l'indépendance de la Grèce, n'avaient surgi, je me trouverais maintenant dans ce pays; et cependant je ne me dissimulais pas quels auraient été les embarras de ma position. Je sens combien il est désirable pour la Belgique d'avoir un chef le plus tôt possible; la paix de l'Europe y est même intéressée. »

Le Congrès national reprit ses séances le 18 mai; le 20, il reçut en comité secret les confidences des commissaires envoyés à Londres. Dans la séance du 25 mai, la proposition formelle de l'élection du prince Léopold fut déposée sur le bureau, signée de 96 députés; cette proposition fut développée par MM. Van de Weyer et C. Rodenbach, et souleva plusieurs ques

1 Extrait d'une lettre du 22 avril 1831.

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