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plus la reconnaissance. Après la bataille de Cannes, Rome rendit des actions de grâces au consul qui n'avait point désespéré de la chose publique.

On a demandé quelles étaient les causes des désastres du mois d'août; sans porter une accusation individuelle, on a proposé de faire une enquête générale. Ces causes cependant n'ont échappé à aucun homme réfléchi et ne seront pas un secret pour l'histoire. J'en ai déjà signalé une la surprise.

Il faut chercher les autres dans l'état même du pays: les incertitudes politiques, le relâchement de tous les liens sociaux, la confiance excessive inspirée par nos succès de septembre, le mépris de toute science stratégique, le défaut de traditions, l'absence de hautes capacités militaires, les provocations d'une presse absurde ou malveillante, voilà les circonstances qui ont assuré, en août, aux Hollandais, unis et disciplinés, une supériorité momentanée sur les Belges, surpris, désunis et indisciplinés; le courage individuel est resté sans reproche. A qui faut-il faire un crime de cette situation intérieure qui se retrouve partout au sortir d'une révolution? A personne ou à tout le monde1.

Non content d'accuser le deuxième ministère du régent de négligence (j'ignore pourquoi on ne remonte pas au premier ministère et au gouvernement provisoire), on a été plus loin on a supposé je ne sais quelle

1 L'armée belge a éprouvé à Louvain, en 1831, le sort qu'une autre armée révolutionnaire y avait éprouvé en 1793 qu'on lise, dans les Mémoires de Dumouriez, les détails de la capitulation de Louvain, à la suite de la bataille de Neerwinden, t. II, chap. 8 et 9.

T. I.

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combinaison infernale, qui eût consisté à s'abstenir d'organiser l'armée, pour mettre la Belgique dans l'impossibilité de faire la guerre et pour la plier aux exigences de la diplomatie. La calomnie, du moins, ne devrait pas être absurde, elle devrait chercher un peu de vraisemblance pour colorer ses noirceurs. Les hommes politiques qui ont fait partie du deuxième ministère du régent n'ont cessé de dire, dans le cabinet comme à la tribune, qu'il fallait en même temps poursuivre les négociations et les armements; les négociations, ils en étaient spécialement chargés et ils en ont courageusement accepté la responsabilité; quant aux armements, ils devaient poser en principe: Il faut armer; là s'arrêtait leur compétence; c'était aux hommes de l'art à faire le reste, sous la direction de la responsabilité du département de la guerre. Ils avaient même poussé plus loin leur sollicitude dès le mois d'avril 1831, ils avaient demandé au Congrès l'autorisation de faire un appel aux capacités étrangères; la proposition primitive, conçue en termes généraux, fut ramenée aux limites les plus étroites et, ainsi modifiée, elle n'obtint que deux tiers des voix. Du Congrès, l'opposition passa dans l'armée, et le régent n'osa mettre le décret à exécution. En avril 1831, on avait soulevé la question de savoir si la Belgique avait des hommes capables d'organiser la victoire. L'opposition répondit affirmativement, le ministère et ses amis négativement: à qui les déplorables

1 Cette question ne portait aucune atteinte à l'honneur belge; l'état de l'armée, sous le rapport des capacités militaires, était le résultat du système d'exclusion suivi pendant quinze ans par le gouvernement hollandais; nous renvoyons au tableau qui se trouve p. 69, à la note.

événements du mois d'août ont-ils donné un démenti? Qu'a-t-on fait depuis? En septembre 1831, les Chambres ont accordé au Roi l'autorisation générale qu'on avait refusée au régent en avril de la même année1.

1 La propostion tendante à autoriser le régent à admettre dans l'armée des officiers supérieurs étrangers a été faite, le 9 avril 1831, par M. Nothomb et appuyée par dix-neuf députés, dont deux ont retiré leurs signatures pendant les débats; cette proposition était conçue en ces termes : Au nom du peuple belge, le Congrès national,

Vu l'article 6 de la Constitution ainsi conçu : « Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers. >>

Attendu que, dans les circonstances graves où se trouve la Belgique, la défense du territoire peut exiger que des emplois militaires soient, par exception, conférés à des étrangers; que le gouvernement doit être mis à même d'accueillir les offres que pourraient lui faire des étrangers connus par leur amour de la liberté et leurs talents militaires, décrète :

Art. 1er. Le gouvernement est autorisé, jusqu'à la paix, à employer des officiers supérieurs étrangers et à leur donner des commandements dans l'armée belge, en tant que les besoins de la guerre l'exigent et que leurs talents les recommandent.

Art. 2. Les officiers étrangers qui seront employés ou auxquels il sera confié des commandements prêteront, avant d'entrer en activité, le serment suivant: « Je jure fidélité au régent de la Belgique; je jure de défendre l'indépendance, la Constitution et les lois du peuple belge. »

Art. 3. Charge le pouvoir exécutif de l'exécution du présent décret.
Bruxelles, 9 avril 1831.

Le 11 avril, le Congrès a adopté le décret suivant, à la majorité de 80 voix

contre 42:

Au nom du peuple belge, le Congrès national, vu l'article 6 de la Consti

tution ainsi conçu :

« Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers. »

Considérant que, dans les circonstances graves où se trouve la Belgique, la défense du territoire peut exiger que des emplois militaires soient, par exception, confiés à des étrangers; que, par suite du système du gouvernement déchu, les Belges étaient, en général, écartés des emplois d'officiers

d'artillerie; que le gouvernement actuel doit être mis à même d'accueillir les offres que pourraient lui faire des étrangers connus par leur amour pour la liberté et leurs talents militaires; mais que la Constitution fait un devoir au pouvoir législatif de déterminer, d'une manière particulière, les emplois militaires que le gouvernement pourra conférer à des étrangers, décrète : Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à employer, jusqu'à la paix, les officiers étrangers dont la désignation suit, savoir :

1o Un général en chef et trois officiers supérieurs;

2o Dans l'artillerie : un colonel, trois chefs de bataillon, douze capitaines et vingt lieutenants et sous-lieutenants.

Art. 2. Les officiers nommés en vertu de l'article 1er prêteront, avant d'entrer en fonctions, le serment suivant : « Je jure fidélité au régent de la Belgique; je jure de défendre l'intégrité du territoire, l'indépendance du peuple belge et d'obéir à sa Constitution et à ses lois.

Art. 3. Ces officiers pourront, à la paix, demeurer au service de la Belgique si, en raison de leurs services, ils obtiennent des lettres de naturalisation.

Art. 4. L'article 124 de la Constitution est applicable aux étrangers auxquels le gouvernement provisoire a conféré des grades dans l'armée; ils sont maintenus et admissibles à des grades supérieurs de la même manière que des Belges.

Charge le pouvoir exécutif de l'exécution du présent décret.

En septembre 1831, les deux Chambres ont voté la loi suivante : Léopold, roi des Belges, à tous présents et à venir, salut.

Considérant que les circonstances graves où se trouve la Belgique exigent impérieusement que des emplois militaires soient conférés, par exception, à des étrangers;

Nous avons, de commun accord avec les Chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Le Roi est autorisé à prendre au service de l'État tel nombre d'officiers étrangers qu'il jugera utile ou nécessaire pour le bien du pays. Cette autorisation cesse à la paix pour toute nouvelle admission.

Art. 2. Avant d'entrer en fonctions, ils prêteront le serment prescrit aux officiers de l'armée.

Art. 3. Le Roi est également autorisé à employer des officiers étrangers qui, sans renoncer à leurs grades et prérogatives dans leur patrie, offriraient leurs services pour la durée de la guerre.

Art. 4. La présente loi sera obligatoire le troisième jour après celui de sa promulgation.

Donné à Bruxelles, le 22 septembre 1831.

CHAPITRE XIII.

Ouvertures de nouvelles négociations.

limitée.

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État de la question belge-hollandaise après la campagne du mois d'août 1831.

La Conférence avait, dès le 25 juillet, invité les deux gouvernements à ouvrir une nouvelle négociation; le gouvernement hollandais y avait consenti le 1er août, en même temps que, par une duplicité peut-être sans exemple dans l'histoire, il donnait le signal des hostilités en Belgique; le gouvernement belge s'était refusé à négocier, exigeant de la Hollande l'adhésion préalable aux dix-huit articles, destinés à servir de bases

communes.

« Le Congrès national de la Belgique, disait M. de Muelenaere dans sa note du 28 juillet, a, par son décret du 9 juillet, purement et simplement adopté les dixhuit articles qui lui avaient été proposés par la Conférence comme préliminaires de paix. Ce décret, que les cinq puissances ont provoqué, renferme toutes les conditions de l'existence politique du pays; c'est la loi fondamentale de l'État en tout ce qui concerne ses relations extérieures.

<< Telle est la position où le gouvernement du Roi a été placé par le Congrès, du consentement de la Confé

rence.

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