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consacrée à l'étude des canaux et des divers systèmes d'irrigation, examinera l'établissement des prises d'eaux directes et par barrages dans - les rivières, les dérivations par canaux, les conditions de tracé, d'exécution et de coût de ces ouvrages et leur description. On y étudiera les modes de ja ugeage et de partage des eaux, ainsi que les nombreux modes d'arrosage et leur combinaison avec le drainage. Enfin, dans la troisième et dernière partie, on s'occupera des cultures arrosées et de l'économie des irrigations. Ici, trouveront place les applications de l'eau aux principales récoltes, parmi lesquelles la prairie, la rizière, le maïs et les céréales, les cultures industrielles, arbustives, potagères, occupent le premier rang. L'ouvrage sera terminé par un aperçu des principes de législation et de police des eaux, de l'organisation et du fonctionnement des syndicats d'arrosage dans les pays où l'irrigatiop est anciennement pratiquée.

Le volume que nous donne aujourd'hui M. Ronna, est divisé en six livres. Dans les deux premiers, l'auteur montre l'utilité des irrigations et expose les principes sur lesquels elles s'appuient.

Dans les régions chaudes du vieux monde, la pratique des irrigations remonte à une haute antiquité. De bonne heure, en effet, les cultivateurs ont dù s'y attacher à suppléer à l'insuffisance des pluies par des arrosages artificiels. Sans le secours de l'eau, la terre la mieux partagée sous le rapport de sa composition y est vouée à la stérilité. Dans les contrées méridionales, l'eau, fût-elle chimiquement pure, possède donc une grande valeur, car elle suffit pour servir de véhicule aux matières nutritives et fournir à la végétation l'humidité qui lui est indispensable. Souvent aussi, elle est une source d'aliments pour les plantes par les principes qu'elle tient en suspension ou en dissolution et cette propriété est précieuse sous toutes les latitudes. Mais le rôle des irrigations ne s'arrête pas là. On y a parfois recours, pendant la saison froide, pour protéger le sol et les plantes contre les abaissements de température, et l'exemple le plus remarquable que l'on puisse citer de cette pratique s'observe dans les marcites de la Lombardie. Enfin, il est des cas où les arrosages peuvent être combinés avec le drainage pour dissoudre et éliminer du sol des principes nuisibles à la végétation, et cette combinaison est appliquée aujourd'hui avec un plein succès aux terrains salifères.

Dans l'opinion de M. Ronna, les irrigations, si utiles dans le midi, ne seraient pas moins profitables dans les régions septentrionales. Cette appréciation ne nous paraît pas fondée. A notre avis, dans nos pays brumeux et humides et sous les climats marins, les arrosages ne sauraient, économiquement parlant, être avantageux aux terres arables. Si, accidentellement, les récoltes y souffrent de la sécheresse, parfois aussi elles

souffrent de l'humidité, et, dans de pareilles conditions, nous ne pensons pas que les résultats puissent offrir une rémunération suffisante pour couvrir les frais qu'entraînent les travaux d'irrigation.

On conçoit très bien que les quantités d'eau employées dans les arrosages varient suivant l'objet que l'irrigateur a en vue. Veut-on simplement humecter le sol pour assurer l'existence des plantes, ou se propose-t-on, en même temps, de l'enrichir de principes fertilisants ? Mais cela dépend d'autres circonstances encore, notamment de la perméabilité des terres, de leur pouvoir hygroscopique. L'évaporation exerce ici une influence qui ne saurait être méconnue et il faut non seulement tenir compte des pertes que le sol éprouve de ce chef, mais de celles qui s'effectuent par l'intermédiaire des plantes cultivées. M. Ronna donne sur ces divers sujets des renseignements minutieux et relate toutes les expériences qui ont été faites, dans ces dernières années, tant en France, qu'en Allemagne et en Angleterre. Il donne les conclusions suivantes déduites des recherches poursuivies pendant dix ans à Rothamsted par

Lawes et Gilbert:

1o La quantité d'eau évaporée par les plantes pendant leur croissance est proportionnelle à la quantité de matière sèche totale ou à la matière totale non azotée que les plantes fixent ou assimilent. La proportion est à peu près la même dans les graminées et les légumineuses.

2o Pour une quantité d'eau évaporée, les légumineuses fixent deux ou trois fois plus d'azote que les graminées;

3o Pendant la croissance et la maturité des graminées comme des légumineuses, il y a 250 à 300 parties d'eau évaporée, contre une partie de matière sèche fixée ou assimilée.

D'après cela, on serait porté à admettre, ajoute M. Ronna, que si le rendement de la terre à blé de Rothamsted est en moyenne de 7.500 kilogr. à l'hectare et par an, il y aura 6.275 kilog. de matière sèche fixée vers la fin juillet ou au commencement d'août de chaque année, et comme pour une partie de matière sèche fixée, il faut compter sur 300 parties d'eau, on trouvera 1883 mètres cubes d'eau évaporée à l'hectare pour la croissance d'une récolte de froment.

Les eaux occupent naturellement une place importante dans l'ouvrage de M. Ronna. Les troisième et quatrième livres en dounent une étude approfondie où sont réunis tous les documents qui concernent les irrigations.

Les eaux que l'on peut utiliser pour l'arrosage des terres diffèrent beaucoup entre elles. Les eaux superficielles n'ont pas la même valeur que les eaux profondes. Celles-ci participent nécessairement, par leurs caractères chimiques, des formations géologiques où elles ont pris naissance et auxquelles elles ont emprunté des éléments tenus en dissolu

tion ou en suspension qui leur donnent plus ou moins de valeur pour les terres qui doivent les recevoir.

Avec de l'eau, on fait de l'herbe, a-t-on dit anciennement. Cet aphorisme qui compte probablement encore des partisans aujourd'hui et a occasionné plus d'une déception est erroné. Que l'on puisse dans dans certains cas, nous l'avons vu, employer avec succès des eaux dépourvues de principes utiles, cela n'est pas douteux; mais on n'évitera des mécomptes qu'en ne se faisant pas d'illusion sur leur pouvoir fertilisant.

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- Longtemps, on n'a eu recours et ce mode d'appréciation n'est pas encore tombé en désuétude - pour déterminer la valeur des eaux d'irrigation, qu'à des caractères empiriques tirés des plantes qui y croissent, des animaux qui y vivent, des algues qui tapissent leur lit etc., mais ce n'est que par l'analyse chimique que l'on peut obtenir les renseignements nécessaires pour entreprendre, avec garantie de succès, des travaux d'arrosage. Elle nous renseigne non seulement sur les matières nutritives que les eaux renferment, mais aussi sur les substances nuisibles.qui s'y trouvent parfois contenues. Un examen complet nous fournit, en outre, des données utiles sur la température des eaux de même que sur les gaz qui y sont dissous.

Après avoir examiné les eaux de pluie, de neige, de sources et de fontaines, ainsi que celles des fleuves, des rivières, des lacs, des étangs et des puits, M. Ronna conclut de toutes les données recueillies jusqu'à ce jour que sous le rapport des principes fertilisants qu'elles apportent à la terre par l'irrigation ou l'imbibition, les eaux qui circulent à la surface ou à une faible profondeur dans le sol, agissent bien plus par les nitrates que par l'ammoniaque qui s'y rencontrent.

M. Ronna examine, avec un soin minutieux, les caractères des eaux qui prennent leur source dans les formations primitives, de transition, secondaires et tertiaires, et aborde ensuite l'étude des limons auxquels les alluvions anciennes et récentes doivent leur origine. Comme il le fait observer, les matières charriées par les cours d'eau peuvent s'utiliser.de deux manières pour l'amélioration ou la bonification du sol. La première consiste à créer, par voie de colmatage, des alluvions à l'aide desquelles on dessèche et on comble les bas fonds des marais qu'il serait difficile ou impossible d'assainir autrement ou bien à fertiliser les landes et des grèves entièrement stériles. C'est là un des modes des plus précieux d'amélioration du sol quand les limons sont fertiles et susceptibles d'une production agricole qui couvre les frais de l'opération.

La seconde manière, d'une application autrement large, poursuit-il, à tous les terrains quelle que soit leur fertilité, a pour but, par voie de déversement ou de submersion plus ou moins prolongée, de restituer au

sol un ensemble de principes fertilisants que les récoltes consomment incessamment. Tel est le but principal des arrosages avec les eaux troubles d'hiver.

M. Ronna passe en revue les limons de plusieurs grands fleuves, notamment celui du Nil, si anciennement réputé, et donne sur la composition et l'importance de ces sédiments des renseignements pleins d'intérêt. Il traite ensuite des qualités des eaux destinées aux irrigations en insistant sur la nécessité de recourir à l'analyse chimique pour s'éclairer sur leur valeur réelle. Puis il signale les gaz qui s'y observent, les matières nuisibles qui peuvent s'y rencontrer et les variations de température qu'elles subissent.

Cette dernière donnée doit être prise en sérieuse considération, car les eaux peuvent réchauffer ou refroidir le sol sur lequel elles sont déversées, et l'on peut ainsi se rendre compte de ce fait que telle source utile vers la fin de l'hiver ou le commencement du printemps puisse exercer une influence fàcheuse sur les plantes à une époque plus avancée de la saison.

Quoi qu'il en soit des principes nuisibles contenus dans les eaux et de leur température, il est certain que, par des moyens appropriés, on peut les utiliser pour les irrigations.

Le cinquième et le sixième livres ne sont pas susceptibles d'analyse. On y expose, en entrant dans les plus grands détails, les moyens d'approvisionnement des eaux destinées aux arrosages et des machines et des moteurs. L'ouvrage se termine par un chapitre qui traite de l'alimentation des villes et des canaux par les machines hydrauliques et les machines à vapeur.

M. Ronna a le très grand mérite d'être parfaitement au courant de la science agricole et la connaissance des langues lui a permis de mettre a contribution toutes les littératures étrangères. Aussi son ouvrage renferme-t-il tous les documents scientifiques qui intéressent la pratique des irrigations.

G. FOUQUET.

CHRONIQUE

SOMMAIRE: Le succès de l'Exposition universelle. Les tickets.

de revient de l'Exposition.

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· Pourquoi les Français n'émigrent pas dans leurs colonies. - Diego-Suarez. - L'homme à la houe et l'agriculteur à la surtaxe. — Un vœu en faveur de la réforme douanière, au Congrès de la paix de Rome. L'adhésion du Pape à la conférence de Berne pour la réglementation internationale du travail.

L'adoption du projet de loi

Les grèves de West

relatif aux assurances ouvrières en Allemagne.
phalie et de Silésie.
le futur Congrès de Washington.

Le Congrès international privé sud-américain, et

La reprise de l'exploitation des chemins de fer par l'État en Serbie, et la reprise des téléphones en France. Le Congrès de la réforme agraire. La Revue libérale et l'Amérique.

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Le succès de l'Exposition universelle dépasse les prévisions les plus optimistes. Jamais, il faut le dire, l'industrie et l'art n'ont offert autant de merveilles à la curiosité du public sérieux ou frivole. La tour Eiffel, la galerie des machines, l'éclairage électrique, le phonographe, sans oublier le matériel agricole, laissent aux esprits les plus réfractaires au progrès, l'impression qu'il y a décidément quelque chose de nouveau dans le monde, et que le xixe siècle pourrait bien être une époque décisive dans l'histoire de la civilisation. Sans doute, il ne suffit pas d'augmenter la puissance de l'homme, il faut encore accroître, dans la même proportion, sa capacité à en user, et sous ce rapport, ne sommes-nous pas visiblement en retard? Avons-nous employé d'une manière de plus en plus utile depuis un siècle l'accroissement de puissance et de richesse que nous a valu le progrès industriel? La condition de la généralité des hommes civilisés s'est-elle améliorée dans toute la mesure où elle aurait pu l'être ? Les fruits du progrès n'ont-ils pas servi à alimenter des dépenses nuisibles au lieu d'être affectés à une destination utile? N'avons-nous pas vu, au chapitre des dépenses privées, croitre le budget de l'ivrognerie, au chapitre des dépenses publiques, le budget de la guerre ? Les dettes des États européens ne se sont-elles pas augmentées de la somme énorme de cent milliards depuis le commencement du siècle? Et faut-il s'étonner si cet emploi malfaisant de la richesse a causé du mal? Mais est-ce une raison pour désespérer de l'avenir? La société du XIXe siècle, enrichie par le progrès industriel peut être comparée à un parvenu, qui n'a pas eu le temps d'apprendre à régler l'emploi d'une fortune.

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