Images de page
PDF
ePub

Baptiste Aubry, maître paveur et poète tragique. Elle fit partie de la troupe du Palais-Royal, passa ensuite dans celle de Guénégaud, et mourut au mois de juin 1675. C'était une actrice fort médiocre, et son second mari qui fit jouer en 1689, la tragédie de Démétrius et celle d'Agathocle en 1690, avait encore moins de talent qu'elle.

Mad. AU ZILLON.

MARIE DUMONT, femme de Pierre Auzillon, guidon de la compagnie du prévôt de l'isle de France, était comédienne de la troupe du Marais, et fut connue au théâtre sous le nom de Mile l'Oisillon. Robinet, dans sa lettre en vers du 8 mars 1670, ne la désigne pas autrement; Me l'Oisil- · lon, dit-il en mauvaise prose mal rimée, est une actrice

Ayant fort la gorge selon

Qu'une gorge belle me semble.

L'éloge est flatteur: il paraît qu'il était mérité, car nous ne pouvons attribuer qu'aux attraits de Mad. Auzillon la protection que lui accordait une personne qualifiée dont le gazetier Robinet aurait bien dû nous conserver le nom. Il est certain que, sans la recommandation pressante de cette

personne qui s'intéressait vivement à Mad. Auzillon, elle n'eût pas été reçue en 1673 dans la troupe de Guénégaud, formée de la réunion de celles du Palais-Royal et du Marais, n'ayant point assez de talent pour s'y rendre utile à ses camarades. Aussi saisirent-ils avec empressement l'occasion de la remercier de ses services, aussitôt qu'ils ne furent plus arrêtés par la considération du protecteur puissant qu'elle avait su se faire, et Mad. Auzillon fut congédiée, d'après délibération prise le 12 avril 1679, avec une pension de sept cent cinquante livres. Cette actrice ne fut satisfaite ni du congé, ni de la pension. Elle intenta un procès à ses anciens camarades, et les força, par arrêt du Parlement, à lui accorder deux cent cinquante livres de plus. Ils se soumirent à l'autorité des magistrats; mais, pour se venger de l'actrice, au moins en quelque façon, Lagrange qu'elle fit assigner pour être ouï le 17 mai 1679, lui reprocha dans son interrogatoire de n'avoir jamais été utile à sa société.

Mad. Auzillon mourut le lundi 8 juillet 1693.

Mlle BALICOURT.

(Marguerite-Thérèse)

ÉLÈVE de Mlle Desmares, et parente des Quinault, Mlle Balicourt débuta le samedi 29 novembre 1727 pour les premiers rôles tragiques par celui de Cleopátre dans Rodogune. Elle y reçut de nombreux applaudissements qui s'augmentèrent encore lorsqu'elle joua Cornélie Agrippine et Clytemnestre; ses débuts furent si brillants et couronnés d'un succès si remarquable qu'elle fut reçue à part entière le lundi 27 décembre, moins d'un mois après son premier pas sur la scène française.

[ocr errors]

Mlle Balicourt réunissait de très-grands avantages pour l'emploi des reines. Elle était bien faite, possédait un fort bel organe, variait avec art toutes ses inflexions, et mettait dans son jeu beaucoup d'intelligence et un sentiment vrai. Peut-être était-elle un peu trop jeune pour des rôles qui exigent de la maturité; mais c'était un défaut heureux que le parterre lui pardonnait plus volontiers qu'il ne passait à Mlle Duclos la manie de vouloir rester au théâtre à soixante ans.

Ce qui atteste d'une manière incontestable le

talent de Mlle Balicourt, c'est la résurrection de la Médée de Longepierre, jouée avec peu de succès le 13 février 1694, quoique Mad. Champmeslé se fût chargée du rôle principal. Depuis cette époque, cette tragédie était restée pendant trente-quatre ans dans un oubli profond : elle en fut tirée par Mlle Balicourt qui lui fit obtenir un succès prodigieux à sa première reprise donnée vers la fin de septembre 1728. Tous les mémoires du temps attestent que Mile Balicourt n'avait point encore joué de rôle où elle eût fait paraître tant de talent, et qu'elle y produisit un effet incroyable.

le

Mile Clairon a voulu cependant détruire avec une seule ligne qui se trouve dans ses Mémoires toute la réputation de Me Balicourt; elle prétend que cette actrice avait l'air roide et froid. Il nous est impossible de concilier cette opinion avec le témoignage unanime des contemporains de Mile Balicourt; nous le préférons sans hésiter au jugement de Me Clairon qui n'avait pas quatorze ans lorsque Me Balicourt quitta le théâtre. D'ailleurs serait-il possible qu'une actrice réellement froide eût obtenu le plus grand succès dans le rôle violent d'une magicienne furieuse?

Nous ne dissimulerons pas cependant que le sentiment de Mlle Clairon semble fortifié par l'espèce d'oubli dans lequel la réputation de Mlle Ba

licourt fut enveloppée peu de temps avant sa retraite; mais il fut causé par plusieurs circonstances étrangères à son talent, et il est facile de détruire le préjugé qui en résulta contr'elle. En premier lieu, cette actrice n'eut pas le bonheur de rencontrer dans les tragédies nouvelles qui furent jouées pendant onze années qu'elle passa au théâtre, aucun de ces rôles brillants qui suffisent seuls à la réputation d'une actrice : elle joua Eriphile dans une tragédie de Voltaire qui n'eut point de succès, Léonore dans Gustave, Elisabeth dans Marie Stuart, Arminie dans Pharamond, et quelques autres rôles qui tenaient à des pièces aussi faibles que pouvait-elle en faire? D'ailleurs sa santé toujours chancelante s'opposa le plus souvent au développement de ses moyens, et la contraignit à la retraite long-temps avant l'âge où l'on peut y prétendre. Enfin, et cette raison nous paraît la plus solide de toutes celles que nous pourrions alléguer encore, une actrice éminemment tragique, Me Dumesnil, qui parut pour la première fois en 1757, parvint bientôt à faire oublier toutes celles qui l'avaient précédée.

Il n'est donc pas étonnant que les amateurs actuels du théâtre, dont l'érudition ne remonte pas au-delà de Mlle Dumesnil, de Mlle Clairon et de Lekain, ayent oublié Mlle Balicourt. Quoique surpassée par les deux actrices que nous

« PrécédentContinuer »