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venons de nommer, on ne peut cependant, sans injustice, lui refuser une place très-distinguée parmi celles qui ont rempli les premiers rôles au théâtre français.

Le mauvais état de sa santé força l'autorité supérieure à permettre des débuts dans son emploi aussitôt que Mlle Dumesnil eut prouvé qu'elle y avait des droits incontestables, Mlle Balicourt s'empressa de lui céder le sceptre, et demanda sa retraite qu'elle obtint le samedi 22 mars 1738, avec la pension ordinaire de mille livres. Ce n'était pas de sa part une précaution inutile; elle mourut le mercredi 4 août 1743, dans un âge peu avancé. ( 1 )

Mad. BARON.

On ne connaît ni le nom de famille de cette actrice, ni ses prénoms. Elle épousa Michel Baron qui mourut en 1655, obtint, ainsi que lui, une grande célébrité sur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne, et se distingua également dans la tragédie et dans la comédie.

(1) Un auteur, ordinairement inexact, fixe la mort de Mile Balicourt au 7 septembre 1746: la première date nous semble plus certaine.

Sa beauté surpassait encore ses talents. L'anecdote suivante en est la preuve : tous les faiseurs de recueils l'ont rapportée; et quoique nous la trouvions un peu ridicule dans leur récit, nous ne croyons pas devoir l'omettre. Ils disent que lorsque Mad. Baron venait faire sa cour à la reine régente, Anne d'Autriche, qui voulait bien l'admettre à sa toilette, cette princesse n'avait qu'à dire aux dames qui se trouvaient présentes: Mesdames, voici la Baron, pour leur faire prendre aussitôt la fuite, ce qui prouve qu'elles craignaient une comparaison dangereuse pour leurs

attraits.

Cette belle actrice mourut à la fleur de son âge, , par suite d'un événement qui n'est point honorable pour l'amant qu'elle avait attaché à son char. Il crut avoir sujet de se plaindre d'elle, et lui déclara qu'il voulait rompre ses liens. Jusqueslà rien que de naturel; mais quelques jours après, l'ayant rencontrée dans le foyer de la comédie, il feignit de vouloir se raccommoder avec elle; et sous prétexte d'avoir besoin de se reposer, il lui demanda la clef de son appartement. Satisfaite de son retour, et pleine de confiance dans sa probité, Mad. Baron lui donna cette clef : quand elle fut de retour chez elle après le spectacle, elle vit qu'il avait enlevé tout ce qu'elle possédait de plus précieux. Ce tour d'adresse, digne de Guz

man d'Alfarache et du carcan, lui causa une surprise extrême et une révolution subite rendue plus dangereuse encore par l'état critique dans lequel elle se trouvait précisément alors: avec les précautions convenables, le mal se serait borné à la perte de ses effets; mais elle les négligea toutes et mourut après une très-courte maladie le 5 ou 6 septembre 1662.

Mad. BARON.

CHARLOTTE LENOIR DE LATHORILLIÈRE, femme de Michel Baron, deuxième de ce nom, et le plus grand acteur du dix-septième siècle, joua, ainsi que lui, sur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne, fut conservée à la réunion en 1680, et se retira le 22 octobre 1691. On prétend qu'elle rentra au théâtre en même temps que son mari, et qu'elle ne quitta qu'après la mort de Baron arrivée en décembre 1729. Cela nous paraît fort difficile à croire. A Pâques 1720, Mad. Baron avait au moins soixante ans, et ce n'est point à cet âge qu'une actrice se remet à jouer la comédie, surtout quand elle en a cessé l'exercice depuis vingtneuf années.

Le nom que portait cette actrice était probablement son seul mérite. On ignorerait absoluTome II.

ment son existence au théâtre, si elle n'était portée sur les listes de la comédie dressées en 1680 ct en 1685: encore ne figure-t-elle sur la première que pour un quart de part, ce qui prouve bien qu'on ne la tolérait dans la société que par égard pour son mari.

Elle mourut le vendredi 24 novembre 1730.

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Mad. BEAUBOURG.

(Louise Pitel, fille de Jean Pitel, sieur de Beauval, et de Jeanne Olivier Bourguignon.)

AVEC beaucoup de défauts, Beaubourg posséda du moins, comme acteur, quelques qualités assez remarquables : sa femme se contenta de la première moitié du partage de son mari. Elle débuta vers la fin de 1684, et se retira du théâtre en même temps que Beaubourg, le dimanche 5 avril 1718, avec la pension ordinaire de mille livres bien méritée sans doute par la patience qu'elle montra pendant trente-quatre ans dans les rôles de confidentes (1).

(1) Mad. Beaubourg, étant encore fort jeune, fut chargée par Molière du rôle de Louison dans le Malade imaginaire.

Quoique fille d'une excellente comédienne, Mad. Beaubourg ne parvint pas même à être supportable. En vain sa mère et son mari lui prodiguèrent-ils leurs soins et leurs conseils; n'ayant reçu de la nature aucunes dispositions, il lui fut impossible d'en profiter. Sa laideur augmentait encore ses défauts.

Le chevalier de Mouhy accorde libéralement à cette actrice le talent nécessaire pour jouer parfaitement les premiers rôles comiques; mais on sait que cet écrivain a répandu les erreurs à pleines mains dans son histoire du Théâtre français.

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Louise Pitel était veuve en premières noces de Jacques Bertrand, et en secondes de François Deshayes, lorsqu'elle épousa Beaubourg elle mourut le 11 juin 1740, à soixante-quinze ans. Beauchamp croyait que Mad. Beaubourg n'avait passé que vingt-quatre années au théâtre français; il ne s'était pas apperçu qu'elle est portée sur la liste dressée à la rentrée de Pâques 1685 sous le nom de Bertrand.

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