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Mad. BEAUCHATEAU.

(Madeleine Dubouget, femme de François Châtelet, dit Beaucháteau. )

C'ÉTAIT une des bonnes actrices de son temps pour les rôles de princesses tragiques, et d'amoureuses dans la comédie; elle avait de la beauté et beaucoup d'esprit. Cependant elle ne se garantit pas de la déclamation ampoulée et chantante alors en usage à l'hôtel de Bourgogne. Molière la lui reprocha dans l'Impromptu de Versailles il contrefit plaisamment sa manière de débiter la fameuse scène de Camille avec Curiace qui commence ainsi :

:

Iras-tu, ma chère âme, etc.

Il remarqua d'ailleurs en elle un défaut plus grand encore, celui d'avoir sur la figure une expression toute contraire à celle que la situation aurait dû lui faire prendre. Voici les expressions dont il se servit après avoir imité Mad. Beauchâteau : .

Voyez-vous comme cela est naturel et pas»sionné? admirez ce visage riant qu'elle con» serve dans les plus grandes afflictions. »

Au reste, ce défaut fut partagé par plusieurs acteurs celèbres, et notamment par le premier Lathorillière, ainsi que nous l'avons remarqué à son article.

Mad. Beauchâteau quitta le théâtre assez tard, puisque Chappuzeau la met encore en 1674 à la tête des actrices de l'hôtel de Bourgogne. On ignore l'époque précise de sa retraite on sait seulement qu'elle fut demeurer à Versailles, où elle mourut le mercredi 6 janvier 1683; et comme elle n'est point portée sur la liste à la réunion de 1680, on peut conjecturer qu'il y eut sept ou huit ans d'intervalle entre sa retraite et sa mort.

Mile BEAU PRÉ.

(Marotte)

Nièce de Mlle Beaupré, l'une des premières actrices qui ayent monté sur le théâtre, celle dont nous allons parler joua dans la troupe du Marais jusqu'en 1669. Pendant le temps qu'elle y resta, ayant eu quelque différent avec une autre actrice, nommée Catherine des Urlis, elle résolut de se mesurer avec elle l'épée à la main. Mlle des Urlis accepta le défi ; et le théâtre leur ayant paru l'endroit le plus convenable pour un duel entre deux

comédiennes, elles se battirent à la fin de la petite pièce, si l'on s'en rapporte à Sauval qui ce jourlà était au spectacle, mais qui ne dit pas quelle fut l'issue du combat.

Me Beaupré quitta le théâtre du Marais en 1669, pour passer sur celui du Palais-royal. Elle y fut chargée des troisièmes rôles tragiques, et des caractères dans la comédie. On prétend même qu'elle joua d'original celui de la Comtesse d'Escarbagnas au mois de juillet 1672. Nous ne comprenons pas comment cet emploi s'accordait avec la figure de Mlle Beaupré, que le gazetier Robinet nous représente comme extrêmement jolie (1); et nous ne pouvons faire quadrer ce fait avec la tradition constante d'après laquelle tous les rôles semblables des comédies de Molière out été joués par son camarade Hubert.

Mlle

Ce qui est plus sûr, c'est que Me Beaupré joua celui d'une des soeurs de Psyché, et se retira en 1672. On ignore en quelle année elle mourut.

(1) Il ajoute et pucelle au par-dessus. Il était bien hardi d'assurer un fait semblable.

Mad. BEAU VAL.

(Jeanne-Olivier Bourguignon, femme de Jean Pitel, sieur de Beauval.)

AVEC l'addition facile d'une forêt, d'un vieux château et d'une demi-douzaine de brigands, on ferait des premières années de Mad. Beauval un roman qui ne serait pas plus mauvais que beaucoup d'autres.

Elle naquit en Hollande, et fut exposée à la porte d'une église dans un âge où il ne lui était pas possible de donner de renseignements sur le nom et l'état de ses parents. Une blanchisseuse cut pitié de son sort, et l'éleva jusqu'à l'âge de dix ans. Quand la petite personne y fut parvenue, sa bienfaitrice crut devoir la céder à Filandre, chef d'une troupe de comédiens, qui se trouvait alors en Hollande et dont elle avait la pratique. Cet acteur n'avait point d'enfants, et s'était engagé par un vecu solemnel à en adopter un quise trouverait dans la situation où était alors cette jeune orpheline; sa vivacité lui plut; il en prit un soin particulier; et croyant reconnaître en elle du talent pour le théâtre, il lui fit jouer quelques petits rôles dont elle s'acquitta fort bien.

Filandre, après avoir parcouru la Hollande et une partie de la Flandre avec sa troupe et sa pupille, revint en France et se rendit à Lyon. Monsinge (ou Monchinge) plus connu sous le nom de Paphetin, y était depuis quelque temps avec sa troupe. Il vit jouer la petite Bourguignon, et augurant bien de ses talents futurs, il lui fit proposer de passer dans sa troupe, promettant de lui donner de bons appointements, et même de l'adopter pour sa fille. Elle accepta ses offres sur-le-champ, et quitta Filandre sans lui donner la moindre marque de reconnaissance : ce n'est pas le plus bel endroit de sa vie.

Peu de temps après, elle prit du goût pour Beauval, qui n'était encore que gagiste de la troupe de Paphetin, où ses fonctions consistaient à moucher les chandelles. Ce choix singulier convenait à son caractère altier et dominant : il lui fallait un mari d'une complaisance à toute épreuve, qui voulût bien souffrir tous ses caprices, et qui eût la docilité de ne se mêler en rien des affaires du ménage; elle crut le trouver dans Beauval, et ne se trompa point. Il jura de lui être toujours soumis, et tint exactement parole après leur mariage, qui ne fut pas célébré sans difficulté. On pense bien qu'il ne convenait pas à Paphetin, père adoptif de Mlle Bourguignon. Instruit du dessein qu'elle avait formé d'épouser

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