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questions. En effet, la veille d'une tuerie générale, pensez donc au suffrage universel, cette force d'hier, qui est à ce qu'elle doit être ce qu'était, il y a un siècle, la vapeur, cette force d'avant-hier, à ce qu'elle est devenue aujourd'hui, grâce aux efforts de la science opiniâtre! Quand donc viendra le jour où les questions expirantes auront enfin disparu pour faire place aux questions naissantes! Quand donc viendra le jour où toutes les recherches, où toutes les études, où tous les travaux du publiciste n'auront plus qu'un but, un seul but le règne des principes succédant au règne des princes, le règne des lois naturelles remplaçant le règne des lois factices, dites lois positives, le règne enfin de la liberté, cette loi des lois! Peut-être ce jour tarderait-il moins à venir si, au lieu de nous traîner à la remorque des hommes de sabre, nous tous qui tenons une plume, nous prenions résolûment les devants en encourageant et en accoutumant le public à nous suivre!

:

La situation politique de l'Europe et de la France est-elle en 1868 ce qu'elle était en 1863, même encore en 1866, avant que la Prusse, puissance de dix-neuf millions d'habitants, tenue fortement en bride par l'Autriche, puissance de trente-sept millions d'habitants, sa rivale victorieuse, se fût alliée à l'Italie, et, grâce à cette alliance, fût devenue une puissance militaire de trente-sept millions d'habitants, tenant dans ses mains les clefs des portes principales s'ouvrant sur la France et permettant à l'invasion d'arriver en vingt-quatre heures sous les murs de Paris?

Après l'éclatante et décisive victoire remportée par la Prusse et ses dix-neuf millions d'habitants sur l'Autriche et ses trente-sept millions d'habitants, est-ce qu'imposant [silence aux vifs regrets que nous avait causés la NEUTRALITÉ

NON ATTENTIVE de la France, nous avons hésité un seul instant? Est-ce que nous n'avons pas insisté autant qu'il était en nous pour la conclusion, sans aucun retard, d'une étroite et cordiale alliance offensive et défensive entre la France, l'Italie et la Prusse, alliance qui, faisant de ces trois puissances les maîtresses et les gardiennes de la paix en Europe, nous eût permis et eût permis à l'Italie de donner l'exemple du désarmement sur la plus grande échelle? Est-ce que nous n'avons pas énergiquement combattu le paragraphe de la circulaire du 16 septembre 1866, dans lequel était mise en avant la nécessité pour la France d'accroître sa puissance militaire afin de rendre plus forte la défense nationale, paragraphe qui était un démenti donné à l'idée napoléonienne des grandes agglomérations, développée dans cette même circulaire portant la signature de M. de La Valette, ministre des affaires étrangères par interim? Est-ce que nous n'avons pas attaqué à outrance la nouvelle loi des neuf années de service dans l'armée active et des cinq années d'apprentissage militaire, dans les rangs de la garde mobile, apprentissage imposé à tous les autres Français valides âgés de vingt ans ayant été exemptés soit par le sort, soit autrement?

Les neuf années de service dans l'armée active et les cinq années d'apprentissage dans la garde nationale mobile étant votées, la conséquence à tirer et de cette persistance du gouvernement et de ce vote de la représentation nationale, ce sera de demander à la guerre vigoureusement menée et promptement terminée le désarmement de l'Europe, qu'aucun raisonnement n'a pu obtenir.

M. le maréchal Niel a exprimé la pensée de tout le monde lorsqu'il a laissé tomber de la tribune législative ces paroles que nous avons relevées et qui resteront: « CELA NE PEUT PAS

DURER LONGTEMPS. >>

Si, en effet, cela ne peut pas durer longtemps, comment cela peut-il finir autrement que par la guerre, une grosse

guerre, celle-là, une guerre suprême, forcément couronnée par un Congrès, comme en 1815?

Pas de phrases attardées sur la liberté! Elle n'a rien à faire dans la question, où la France, par les fautes de son gouvernement, est menacée d'avoir contre elle l'Italie et la Prusse, ses alliées naturelles, devenues ses ennemies probables.

Liberté, pauvre liberté ! quelle chance sérieuse de retour as-tu lorsque la prospérité a disparu et que le vent glacial de l'anxiété souffle sur toute l'Europe, courbée sous le poids écrasant de dépenses militaires exorbitantes qui ne lui permettent pas d'entreprendre les réformes économiques radicales, sans l'adoption desquelles cependant le marasme et le malaise ne feront que s'accroître et empirer?

Hélas! tu n'en as plus aucune.

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y a eu un moment, le 18 janvier 1867, le jour où M. Rouher et ses collègues avaient tous donné leur démission, il y a eu un moment, chère liberté, où tu eusses été encore assez puissante pour changer le cours des choses et donner aux esprits une nouvelle direction; mais ce moment, les ministres qui ont retiré leur démission l'ont laissé passer; il ne reviendra plus, il ne peut plus revenir.

Avec quels ministres reviendrait-il?

Le seul ministère qui un jour, une heure, a été possible, ne l'est plus.

Aussitôt cette occasion envolée, les événements ont pris le train de grande vitesse; ils marchent à toute vapeur.

IV.

CE QUE FERA LA FRANCE.

13 janvier 1868.

La diplomatie européenne a les yeux fixés en ce moment, sur le Parlement douanier de l'Allemagne, dont il se pourrait bien que sortit brusquement la fusion des deux Confédérations dites l'une de l'Allemagne du Nord et l'autre de l'Allemagne du Sud. La diplomatie se demande avec anxiété : « Dans ce cas, que dira la France? >>

Si nous avions voix au chapitre, la France laisserait faire et ne ferait rien.

La France n'a rien à voir dans l'exécution du traité de Prague.

La France n'a à se mêler à rien de ce qui se passe ou se passera sur la rive droite du Rhin.

Le sang français appartient exclusivement à la France; c'est notre maxime; réglons sur elle désormais notre politique.

Que la France laisse donc les Allemands s'unir entre eux à leur gré!

Plus l'Allemagne se sera agrandie, et plus la France, prenant toute l'Europe et tous les peuples à témoin, sera fondée à revendiquer ce qui lui a légitimement appartenu, ce qui constitue l'unité géographique de la France.

Que l'Allemagne soit unie et que la France soit une!

Que le gouvernement impérial réduise toute sa politique extérieure à cette seule phrase, et derrière lui il ne tardera pas à avoir, sans distinction de partis, de fortune ni d'âge, tous les Français, car tous veulent le désarmement de l'Eu

rope, et ce désarmement, il ne faut pas s'abuser, n'aura plus lieu qu'après une grande guerre résolùment entreprise et promptement terminée.

V.

LA PAIX OU LA GUERRE.

7 avril 1868.

A cette question :
Aurons-nous la guerre?

Les hommes répondent: Non!
Les choses répondent : Oui!

Qui l'emportera des choses sur les hommes ou des hommes sur les choses?

L'écho redit: Les choses.

VI.

OUI OU NON.

9 avril 1868.

Le rédacteur en chef du Constitutionnel, M. Paulin Limayrac, contredit en ces termes solennels le discours impérial du 5 novembre 1863 :

Plus la France sera armée, moins la guerre sera probable. L'équilibre des forces dans le monde est une garantie de paix.

Si M. Paulin Limayrac n'a pas de garantie plus solide du maintien de la paix que la garantie qu'il offre, il nous permettra d'ajouter plus de foi au discours impérial du

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