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Cet état existant, comment cet état peut-il cesser si aucune des quatre puissances dénommées n'ose se risquer à faire ce que fit ce philosophe de l'antiquité, qui démontra le mouvement par le mouvement, tout simplement en osant marcher?

De même que le mouvement ne se démontre que par le mouvement, le désarmement sans danger ne se démontrera que par le désarmement sans crainte.

Si ce n'est pas la France qui en prend l'initiative, pourquoi serait-ce plutôt l'Autriche? Pourquoi serait-ce plutôt l'Italie ? Pourquoi serait-ce plutôt la Prusse? Pourquoi serait-ce plutôt la Russie? De toutes les grandes puissances de l'Europe, après la Russie, n'est-ce pas la France qui est le mieux placée topographiquement pour donner l'exemple du désarmement en Europe, comme en Amérique? A quels périls ce désarmement l'exposerait-il ?

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Non, à aucun, car eût-elle contre elle tous les gouvernements, qu'elle aurait pour elle tous les peuples.

Sans les peuples, que sont et que peuvent les gouverne

ments?

Rien.

Mettre la France à la suite des gouvernements au lieu de la mettre à la tête des peuples, telle est la politique de M. Rouher.

Mettre la France à la tête des peuples au lieu de la mettre à la suite des gouvernements, telle est la politique de son contradicteur.

Lequel des deux est « l'homme sérieux ?

Lequel des deux se rend le compte le plus juste des difficultés du présent et des nécessités de l'avenir?

Nous sommes resté fidèle à la politique contenue dans l'appel adressé à tous les souverains de l'Europe, le 4 novembre 1863, par l'empereur des Français, appel qu'en

toutes circonstances où il a été attaqué nous n'avons jamais cessé de défendre et même de glorifier.

A cet appel, qu'a-t-il manqué pour qu'au lieu de tomber dans le vide, comme un article de journal, il fût le désarmement de l'Europe, la révolution pacifique, la réconciliation des peuples avec les gouvernements, réconciliation scellée du sceau de la liberté, l'inauguration de L'ÈRE DE LA PRODUCTION fermant à jamais en Europe L'ÈRE DE LA DESTRUCTION?

Ce qui à manqué à cet appel, pour qu'il fût pris en considération et qu'il devint le plus grand acte de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, c'est une sanction.

Cette sanction, c'était celle qu'avec la liberté de langage que donnent l'indépendance de caractère et de situation, et surtout l'absence de toute mesquine ambition personnelle, l'auteur de cet humble article indiqua à l'auteur de ce glorieux appel.

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L'hôte de Compiègne, en novembre 1863, dit au châtelain :

« Sire, Votre Majesté veut-elle que sa lettre aux souverains triomphe de toutes les résistances aveugles ou envieuses : » que Votre Majesté ordonne à M. Fould, son ministre des finances, de déposer sur la tribune du Corps législatif un projet de loi d'emprunt de deux milliards. Si l'appel de l'Empereur des Français est entendu, ce sera L'Emprunt de » LA PAIX ; si l'appel de l'Empereur des Français est étouffé, » ce sera L'EMPRUNT DE LA GUERRE, mais de la guerre pour le » désarmement de l'Europe, après avoir tranché par le sabre » toutes les questions que le Congrès proposé aurait pu et » n'aura pas voulu dénouer..>>

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Si, en effet, ce projet de loi d'emprunt eût été présenté avec cette double signification hautement dénoncée, croit-on

que lord John Russell eût attaché le grelot qui lui restera au cou pour sa honte, son châtiment et son expiation?

Par la réunion en 1864 du Congrès des souverains, tous les faits qui se sont accomplis en 1866 eussent été conjurés.

Si les armées permanentes n'eussent pas été radicalement supprimées, elles eussent été au moins considérablement réduites.

Servage militaire, recrutement obligatoire, traite des blancs, interdiction légale du mariage à l'âge où l'homme y est sollicité le plus vivement par l'ardeur de ses passions, eussent peut-être disparu pour faire place uniquement à f'enrôlement volontaire.

Toutes les professions sont encombrées, comme la magistrature, comme le barreau, comme la médecine, comme l'agriculture, comme l'industrie; pourquoi l'armée et la marine n'eussent-elles pas été, pourquoi ne seraient-elles pas des professions libres, ouvertes à cette multitude de jeunes gens qui, n'ayant pas de vocation déterminée, et ne sachant quelle carrière suivre, se corrompent dans le désœuvrement?

Sans aucun doute, toutes les idées de nature à servir de base au désarmement de l'Europe se fussent produites : le Congrès n'aurait eu que l'embarras du choix.

Ce qui fait l'impuissance du journalisme, c'est qu'il n'est que la parole, et que, dans l'ordre politique, la parole sans l'acte est aussi stérile que, dans l'ordre physique, la femelle sans le mâle.

L'acte a manqué à la parole du 4 novembre 1863, le bras a manqué à la tête, l'exécutant a manqué au penseur, le ministre a manqué au monarque.

Est-ce à dire cependant que l'œuvre du désarmement européen ne puisse plus être reprise? Telle n'est pas notre pensée; telle n'est pas notre conclusion.

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Deux voies conduisant à ce but demeurent encore ouvertes. La voie des peuples :

La France adressant à tous les peuples un manifeste où elle leur dirait :

«

Peuples, j'ai confiance en vous, je désarme; exigez de

vos gouvernements qu'ils suivent l'exemple que je leur >> donne au nom de l'humanité, au nom de la moralité, au » nom de la liberté. »

La voie des gouvernements:

La France adressant à tous les gouvernements un manifeste où elle leur ferait connaître sa pensée, toute sa pensée, sur les questions en suspens, et où elle leur dirait :

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« Gouvernements, puisque vous êtes restés sourds au loyal » et pacifique appel qu'à l'automne de 1863 je vous ai » adressé, que le canon vous ouvre les oreilles, et qu'au printemps de 1868 il prononce! La France, qui s'est » rendu compte du danger, ne veut pas demeurer plus longtemps exposée au risque de périr sous « un passé qui » s'écroule ». Elle prend vos peuples pour juges de sa con>> duite et de la vôtre. »

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Même la préférence étant donnée à cette dernière voie, la moins bonne et la moins sûre, ce n'était pas neuf années de service qu'il fallait imposer à tous les Français âgés de vingt ans; c'était une année d'héroïsme qu'il fallait demander à tous les Français déjà aguerris et à tous les volontaires exaltés par le triomphe de cette grande idée réparatrice : Le désarmement de la force par la force.

XIII.

LE CÉLIBAT FORCE.

« L'effectif de l'armée française doit être de 800,000

hommes. (Très-bien! très-bien !) J'ai donc à vous démontrer la nécessité du chiffre de 800,000 hommes. >>

Tels sont les termes sous la pression desquels M. Rouher a emporté le vote des neuf années de service, contre lequel le Corps législatif a réagi le lendemain en votant, à l'immense majorité de 237 votants contre 11, la prise en considération de l'amendement de la commission, quoique M. le maréchal Niel l'ait combattu avec autant d'ardeur qu'il en a déployé aux sièges de Constantine en 1837, de Rome en 1849, de Bomarsund et de Sébastopol en 1854 et 1855.

Que proposait la commission?

Qu'exigeait le gouvernement?

La coupure du service militaire ayant été divisée en cinq années passées sous les drapeaux et quatre années passées dans la réserve, le gouvernement interdisait aux militaires de la réserve la faculté de se marier sans autorisation pendant les deux premières années de leur retour au foyer, aux champs ou à l'atelier.

La commission insistait pour qu'ils eussent la faculté de se marier à l'expiration de la première année.

Conséquences :

Dans le projet du gouvernement, sept années et demie de célibat prescrit par la loi.

Dans l'amendement de la commission, six années et demie seulement.

Neuf années de service et six années et demie seulement de célibat tel est le système qui a prévalu, à titre de compensation.

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Mauvais système!

L'idée de la réserve est une idée fausse.

C'est l'idée fixe de tous les esprits superficiels désirant une armée qui soit très-forte et qui coûte très-peu, ce qui est aussi souhaitable, mais tout aussi peu réalisable que le blé cher et le pain à bon marché. Peuple et armée sont deux

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