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d'étudier la question du recrutement, il résulte que les forces militaires de la Grande-Bretagne se divisent en armée régulière comptant 40,000 hommes, en milices s'élevant au chiffre de 120,000, et en volontaires qui atteignent le nombre de 150,000 hommes. La milice, exempte du service au dehors, est destinée à maintenir l'ordre à l'intérieur. D'après les lois actuellement en vigueur, elle doit fournir 80,000 hommes pour l'Angleterre, 10,000 pour l'Écosse, 30,000 pour l'Irlande; elle passe des revues annuelles et se livre aux exercices militaires pendant vingt et un jours par an.

40,000 hommes, voilà donc quel est, en Angleterre, le chiffre de l'armée régulière!

Ce chiffre explique et justifie la nouvelle direction imprimée par l'Angleterre à toute sa politique extérieure.

Pourquoi la France aurait-elle une politique différente et une armée plus considérable que l'Angleterre?

Parce qu'il y a entre la France et l'Angleterre cette différence, que l'Angleterre est une île.

Est-ce que d'être une île n'est pas un désavantage plutôt qu'un avantage depuis l'invention de la navigation. à vapeur et depuis tous les perfectionnements introduits dans la construction des navires et dans leur armement? A moins que la France ne soit fermement résolue à rentrer dans ses limites de 1801, ses limites naturelles, ses limites. nécessaires, concluons donc à l'adoption en France, comme en Angleterre, de la même politique extérieure et du même principe de recrutement militaire : l'enrôlement volontaire. Ce que l'Empereur des Français eût gagné en popularité et en force à la suppression du recrutement obligatoire ne saurait se mesurer et se décrire.

Avec une bonne loi qui eût remis en honneur le principe de la loi du 10 mars 1818 et qui eût fait du service militaire une véritable carrière où ceux qui l'eussent adoptée eussent

été assurés d'une juste rémunération, et même eussent eu droit à une pension après un temps fixé, il se fût présenté plus d'enrôlés volontaires qu'il n'y en eût eu à incorporer pour former une armée normale de 190,000 hommes. Ce chiffre est celui de la France armée au centième de sa population mâle et aux deux centièmes de sa population totale. Cette affirmation a pour fondement les déclarations et les chiffres que nous avons sous les yeux.

Nous ouvrons le Moniteur de 1847, page 893, et nous y lisons :

Sur un effectif de 340,000 soldats et sous-officiers, les remplaçants étaient, au 1er janvier 1847, de 112,000 hommes; c'était le tiers de l'armée.

Ces chiffres officiels prouvent que pour que la France ait autant d'enrôlés volontaires qu'elle en aurait besoin, il lui suffirait de les payer; car, dans la réalité, des remplaçants ne sont que des enrôlés volontaires.

Une défaveur générale était attachée au titre de remplaçant. Sans cette défaveur, nul doute que le nombre des remplaçants n'eût été beaucoup plus considérable.

Qu'y avait-il donc à faire?

Il y avait à abolir le remplacement militaire et à primer l'enrôlement volontaire.

C'était si simple! C'était trop simple!

XVII.

LE VOEU DU SIÈCLE.

Le journal le Siècle va être satisfait.

Le 27 octobre 1866, il s'exprimait ainsi :

La guerre est un état anormal et exceptionnel. Il faut que les forces militaires d'une grande nation soient organisées en vue de cet état anormal et exceptionnel.

Ce qu'il voulait, c'était que la France eût une réserve armée, c'était que tout Français restât éventuellement soldat après avoir cessé de l'être activement.

Le vœu du Siècle a été enfin exaucé.

Après avoir servi, en temps de paix, cinq années dans l'armée active, tout Français appartiendra à la garde nationale mobile pendant quatre ans.

Là ne s'arrête pas la loi.

Tout Français valide âgé de vingt ans qui aura été exempté par le sort de l'obligation de servir pendant cinq ans dans l'armée active sera astreint pendant quatre ans à tous les exercices et à toutes les charges imposées à la garde nationale mobile.

Nos lecteurs nous rendront la justice de reconnaître que nous n'avons jamais demandé ce que demandait le Siècle; nous n'avons jamais demandé l'impossible! nous n'avons jamais demandé que le blé fût cher et le pain à bon marché. Nous n'avons jamais demandé qu'on nous fit une omelette sans casser d'œufs. Nous n'avons jamais demandé que les besoins de la paix fussent mariés aux éventualités de la guerre. Nous n'avons jamais demandé que la France eût une armée qui fût très-forte et qui coûtât très-peu. Nous n'avons jamais demandé que la France eût une réserve composée d'un million d'hommes sans que ce million d'hommes soit enlevé aux travaux de ses champs et de ses ateliers.

Ce que nous avons toujours demandé, c'est ce que nous demandons encore; nous demandons que la France opte résolûment entre la politique Cobden et la politique Bismark; entre la politique ayant pour frontière immatérielle la liberté, et la politique ayant pour frontière naturelle le Rhin; entre la politique qui soit, selon l'expression de M. de Persigny, l'outillage de la paix, et la politique qui soit l'unité géographique de la France et le remaniement de l'Europe par la guerre précédée d'un manifeste qui, par sa précision et sa

franchise, rende impossibles toutes les fausses interpréta

tions.

Mais nous ne sommes pas du nombre de ceux que l'illusion aveugle; le moule des phrases creuses n'a jamais été à notre usage: La politique qui triomphe, nous le reconnaissons, ce n'est pas la nôtre, c'est celle du Siècle.

Il voulait une forte réserve; il l'a!

Augmenter son armée de ligne et réduire sa réserve, voilà l'idéal de la Prusse!

Diminuer son armée de ligne et augmenter sa réserve, voilà l'idéal du Siècle!

XVIII.

TELS CADRES, TELLE POLITIQUE.

Il ne faut pas s'abuser! Il ne faut pas croire que la France en a fini avec les interventions armées comme en Italie, et les expéditions lointaines comme au Mexique (1).

Interventions armées et expéditions lointaines sont la conséquence des cadres considérables qu'exigent les effectifs exagérés.

Cadres excessifs, cadres nécessairement mal payés.
Or, moins l'officier est payé et plus il est pressé d'avancer.
En temps de paix prolongée, l'avancement est lent.

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Sans compter tout le matériel tiré de nos arsenaux, et qu'il a fallu remplacer. Si cet argent français avait été dépensé sur le sol français !

La vie de garnison est une triste existence. Ce n'est pas vivre, c'est croupir.

Depuis 1815, c'est-à-dire depuis cinquante-trois ans, il n'y a pas eu en Europe une seule guerre qui, comparativement au passé, pût s'appeler une grande guerre

Aussi, à défaut de grande guerre, comme autrefois, sous peine de mécontentement qu'il importe de prévoir et de prévenir, n'y a-t-il d'alternative qu'entre le licenciement de l'armée, comme en Amérique, ou l'emploi de l'armée en expéditions de la nature de celles qui depuis trente-huit ans ont arrosé de notre sang le plus pur le sol de l'Algérie, le sol de la Crimée, le sol de l'Italie, le sol du Mexique, le sol de la Chine et de la Cochinchine; toutes expéditions dont pas une seule n'aurait eu lieu si jamais ce principe, qui est le nôtre, n'avait été transgressé :

Le sang français appartient exclusivement à la France. Aussi longtemps que ce principe ne sera pas la loi du gouvernement français, nous verrons se succéder sans fin les interventions armées et les expéditions lointaines.

Lorsqu'un État entretient à grands frais une armée excessive, sur laquelle pèse lourdement le poids du désœuvrement de la vie de garnison, on comprend aisément que la susceptibilité de cet État soit plus éveillée, et qu'il cède plus volontiers à la tentation de s'immiscer dans des affaires où l'intervention est une complication de plus. Les choses ont leurs lois inviolables.

Par les armements exagérés de la France s'expliquent tout naturellement nos expéditions lointaines de Chine, de Cochinchine et du Mexique, nos interventions en Crimée et en Italie.

Il ne faut pas perdre de vue que l'Algérie, depuis la capture d'Abd el-Kader, a cessé de donner à l'armée française l'activité et l'avancement dont elle a besoin.

Les soldats n'avançant que par exception, et n'aspirant,

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