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- Vous vous trompez..., vous dis-je, c'est moi qui vous le certifie.

-

Je ne me trompe pas; je ne puis pas me tromper: mes livres sont là qui attestent que j'ai fait l'an dernier cinq millions d'affaires; que pas un de mes bordereaux n'a été refusé à l'escompte; que mon dernier inventaire solde par trois cent onze mille francs de bénéfice...

- Qu'est-ce que tout cela prouve, mon cher? Aveuglement, mollesse, égoïsme; en ce monde, il ne faut pas penser uniquement à soi, il faut aussi penser aux autres.

Vous avez raison. Mais si les fausses nouvelles des journaux, voire même leurs méchancetés, ne font pas plus de mal aux autres qu'elles ne m'en ont fait, de quoi les autres auront-ils à se plaindre?

Quel original vous êtes! Adieu!

Au revoir! (A part.) Ce qu'il vient de me dire ne doit pas m'étonner; il y a un an, j'eusse tenu le même langage, j'eusse répété sans réflexion et sans vérification les mêmes lieux communs. L'habitude!

XX.

LES ANNONCES JUDICIAIRES.

19 février 1868.

Le 8 mars 1848, le gouvernement provisoire, composé de MM. Arago, Louis Blanc, Crémieux, Garnier-Pagès, Lamartine, Ledru-Rollin, Marie, etc., rendait le décret suivant :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.

Sur le rapport du ministre de la justice,

Le gouvernement provisoire,

Vu l'article 696 du Code de procédure civile, rectifié par la loi du 2 juin 1841, et portant dans son deuxième paragraphe :

Les cours royales, chambres réunies, après un avis motivé des tribunaux de première instance respectifs, et sur les réquisitions écrites du ministère public, désigneront chaque année, dans la première quinzaine de décembre, pour chaque arrondissement de leur ressort, parmi les journaux qui se publient dans le département, un ou plusieurs journaux où devront être insérées les annonces judiciaires. Les cours royales régleront en même temps le tarif de l'impression de ces annonces. Néanmoins toutes les annonces relatives à la même saisie seront insérées dans le même journal.

Attendu que cette disposition, dirigée contre la presse indépendante des départements, avait pour but comme elle a eu pour résultat de créer le monopole des annonces judiciaires au profit exclusif des journaux dévoués au pouvoir ;

Attendu, d'ailleurs, que la loi conférait aux cours d'appel un droit d'intervention dans les affaires privées, INCONCILIABLE AVEC LA DIGNITÉ DE LA MAGISTRATURE, un véritable pouvoir d'administration INCOMPATIBLE avec le pouvoir judiciaire, et qu'elle substituait la passion politique à la justice;

Décrète :

Art. 1er. Le dernier paragraphe de l'article 696 du Code de procédure civile, rectifié par la loi du 2 juin 1841, est abrogé.

Art. 2. Dans le cas prévu par l'article 696 du Code de procédure civile, les annonces pourront être insérées, AU CHOIX DES PARTIES, dans l'un des journaux publiés dans le département où sont situés les biens. Néanmoins, toutes les annonces judiciaires relatives à la même saisie seront insérées dans le même journal.

Le ministre de la justice est chargé de l'exécution du présentdécret.

Les membres du gouvernement provisoire.

Le 17 février 1868, le Corps législatif, issu du suffrage universel, dont l'établissement sera l'éternel honneur de la République du 24 février 1848 et du gouvernement provisoire, le 17 février 1868 le Corps législatif rejetait : Premièrement, à la majorité de 146 voix contre 47, l'amendement suivant, présenté par MM. Jules Brame, le comte

de Chambrun, le baron de Janzé, Maurice Richard, de Tillancourt, Plichon, Martel, Kolb-Bernard, le comte HallezClaparède, le marquis de Grammont, le vicomte de Rambourgt, le colonel Réguis, le marquis d'Andelarre, Goerg, Malézieux, Lambrecht, et combattu par le gouvernement :

Les annonces judiciaires exigées par les lois pour la validité ou la publicité des procédures ou des contrats seront insérées dans un journal de l'arrondissement; à défaut de journal de l'arrondissement, dans un journal du département, de gré à gré par les parties.

Deuxièmement, à la majorité de 126 voix contre 103, l'amendement suivant, proposé par M. Berryer, soutenu par lui et aussi combattu par le gouvernement :

Les annonces judiciaires exigées par les lois pour la validité ou la publicité des procédures ou des contrats seront insérées, à peine de nullité de l'insertion, dans le journal ou les journaux de l'arrondissement qui seront désignés chaque année par le tribunal de première instance.

A défaut de journal dans l'arrondissement, le tribunal désignera un ou plusieurs journaux du département.

Le tribunal réglera en même temps le prix de l'impression de

ces annonces.

Nos lecteurs ont les textes sous les yeux; qu'ils comparent les termes du décret du 8 mars 1848 avec le rejet, le 17 février 1868, des deux amendements ci-dessus, et qu'ils jugent la main sur la conscience, après avoir lu les discours prononcés pour par MM. Maurice Richard, Jules Brame, Ernest Picard, Lanjuinais, Émile Ollivier, Latour-du-Moulin, Segris, Berryer, et les discours prononcés contre par MM. Jolibois, Pinard et Rouher!

Quand donc en France n'aurons-nous plus d'autre préoccupation que de faire les lois pour elles-mêmes, les plus simples, les plus équitables, les meilleures, sans souci des partis et du présent?

S'il y avait, s'il y a une question facile à résoudre, assurément c'est celle de la publicité judiciaire.

De quoi s'agit-il ?

Il s'agit de faire que la volonté de la loi, qui prescrit en certains cas certaines annonces dans l'intérêt des parties et dans l'intérêt des tiers, soit scrupuleusement et efficacement exécutée. Il s'agit de faire que la publicité judiciaire presla loi tutėlaire soit la plus étendue et la moins

crite par

douteuse.

Le but étant ainsi nettement déterminé, le moyen de l'atteindre se présente de lui-même; aussi peu de mots suffiront-ils pour l'indiquer.

Il n'y aurait qu'à mettre dans la loi la disposition qu'on va lire :

Le.... de chaque année, les journaux qui aspireront à l'insertion dans leurs colonnes des annonces dites annonces légales et judiciaires n'auront qu'à imprimer en tête de leur première page le chiffre moyen et authentique de leur tirage pendant les douze mois révolus.

Sera désigné DE DROIT, chaque année, pour ces insertions, le journal de chaque opinion qui, dans chaque chef-lieu d'arrondissement ou de département, aura justifié qu'il se tire comparativement au plus grand nombre d'exemplaires.

Avec cette disposition si simple, tout arbitraire devient positivement impossible, et la fraude n'est plus à craindre, puisqu'elle devient matériellement impraticable. Personne n'y perd, tout le monde y gagne, car un gouvernement a tout intérêt à répudier ce qui le déconsidère, ce qui l'affaiblit, ce qui l'expose à des attaques sous lesquelles il lui faut courber le front.

XXI.

L'ÉGALITÉ DEVANT LES KIOSQUES.

21 février 1868.

A la question des annonces judiciaires, dont la solution loyale était si simple, nous croyons l'avoir pleinement montrẻ, a succédé au Corps législatif la question de la vente des journaux, improprement qualifiée vente sur la voie publique, puisque cette vente a lieu par des marchands brevetés de la préfecture de police et locataires de la ville de Paris.

Entre le libraire breveté du ministère de l'intérieur, qui vend des journaux dans sa boutique, et le marchand de journaux breveté de la préfecture de police, qui vend des journaux dans son kiosque, où donc est en réalité la différence, sinon que la boutique est plus vaste que le kiosque?

De différence, il n'y en a pas d'autre; et cependant un arrêté du ministre de l'intérieur suffit pour empêcher que tel journal se vende dans les kiosques, sans aller jusqu'à empêcher qu'il se vende dans les boutiques de libraires. En vérité, n'est-ce pas déconsidérer même l'arbitraire? n'est-ce pas le faire tomber en état d'enfance? C'est si petit, si petit, que ce n'est plus de l'arbitraire, c'est de la taquinerie, c'est de la tracasserie; et lorsque M. Rouher, ministre d'État, prend sa plus forte voix pour défendre de telles petitesses, il se rapetisse à ce point qu'on se demande si c'est bien lui qui a défendu, lui qui a signé les traités de commerce de 1860, lui qui a élevé quelquefois si haut les débats dans lesquels il intervient! D'ordinaire, il aborde résolument la question, il la saisit, il la précise, il la maîtrise; cette fois il l'a élu

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