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Français, la suppression par décret de onze journaux, et la proposition d'en déporter nuitamment les rédacteurs?

Que l'exemple de la France serve à l'Espagne, et qu'à son tour l'exemple de l'Espagne serve à la France!

Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est ce qu'il y aura de plus simple et de plus prompt.

Ce qu'il y a de plus prompt et-de plus simple, c'est de supprimer ce rouage absolument inutile qui s'appelle royauté, et même cet autre rouage non moins inutile qui se nomme Sénat; c'est de convoquer la Chambre des députés telle qu'elle existe, de lui faire désigner, sous la forte pression des événements accomplis et de l'opinion publique, le président du conseil qui sera appelé à composer le nouveau cabinet, et de faire voter d'urgence à la Chambre des députés la loi électorale en vertu de laquelle des élections générales auront lieu dans le plus court délai possible.

L'avantage de ce système, c'est de faire immédiatement l'unité dans le pouvoir, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus urgent et de plus important toujours, mais surtout au lendemain d'une révolution.

C'est ce que nous avons appelé l'application, en Espagne, de l'amendement Grévy.

Qu'en 1868 l'Espagne ne donne pas une seconde fois ce triste spectacle qu'elle a donné en 1854; qu'elle ne glisse pas une fois de plus dans l'ornière des révolutions.

III.

COMMENT SE DÉFENDENT LES SOUVERAINS QUI TOMBENT.

2 octobre 1868.

Le Moniteur universel annonce qu'aussitôt qu'elle a été instruite des événements qui venaient de s'accomplir à Cadix

et à Madrid, la reine Isabelle a quitté Saint-Sébastien en toute hâte pour se réfugier à Pau.

Voilà donc comment et toujours se défendent les gouvernements à outrance! Voilà donc comment et toujours montent à cheval et se font tuer les souverains qui font tuer leurs sujets! Voilà donc comment et toujours meurent héroïquement à leur poste les ministres qui n'ont reculé, lorsqu'ils avaient le pouvoir dans les mains, devant aucun acte arbitraire, devant aucun excès! Après avoir banni et déporté tous les hommes qui avaient un nom ou une conscience, que font, dès que le péril gronde, ces sauveurs de monarchie? Ils se sauvent! Partout et toujours les mêmes !

IV.

LE LENDEMAIN D'UNE RÉVOLUTION.

3 octobre 1868.

Le lendemain d'une révolution, il faut remplacer le gouvernement qui a été renversé la veille.

Comment et par qui le remplacera-t-on ?

C'est la question qui se pose impérieusement la premièrė. Dire que l'on consultera la nation» n'est jamais qu'une manière d'éluder la question, et, selon l'expression commune, de gagner du temps », ce qui le plus souvent n'est qu'une manière d'en perdre.

Lorsqu'une nation sait ce qu'elle veut, elle n'attend pas qu'on la consulte; elle fait immédiatement connaître, par l'acclamation qu'elle pousse, soit la forme, soit le chef de gouvernement qu'elle veut.

Si l'Espagne avait voulu la Régence, elle eût tout de suite crié: « Vive la Régence! »

Si l'Espagne avait voulu la République, elle eût tout de suite crié « Vive la République ! »>

Si l'Espagne avait voulu l'Union ibérique, elle eût tout de suite crié : « Vive l'Union ibérique! vivent les Bragance!'"

Si l'Espagne avait voulu la duchesse de Montpensier, elle eût tout de suite crié : « Vive Marie-Louise! vive Montpensier! »

L'Espagne n'a encore fait connaître que ce qu'elle ne voulait pas; aussi a-t-elle crié tout de suite: « A bas les Bourbons! à bas la reine Isabelle!»>

Si l'Espagne ne sait pas encore exactement ce qu'elle veut, suffira-t-il de la consulter pour qu'elle le sache ? Évidemment non.

Si l'Empire français, qui a érigé en doctrine européenne et en idée napoléonienne les grandes agglomérations, à défaut d'un Turgot ou d'un Cobden, avait eu pour premier ministre un comte de Cavour ou un comte de Bismark, il y a deux ans au moins que le roi des Belges eût été mis au rang des souverains en disponibilité. Aucun souverain, à un plus haut degré, n'eût alors offert à l'Espagne plus de garanties d'un bon et sincère gouvernement constitutionnel que le roi Léopold II et son frère.

Si l'Espagne l'eût accepté pour roi, cette acceptation eût rendu facile l'accomplissement de la combinaison suivante : Formation d'un royaume des Pays-Rhénans dont la couronne eût été offerte au roi de Saxe, qui n'est plus roi que de nom;

Annexion territoriale de la Saxe à la Prusse, à titre de compensation;

Neutralisation du royaume des Pays-Rhénans et démantèlement de toutes les forteresses construites chez nous contre

nous.

Ce ne serait pas encore l'Unité géographique de la France, ce ne serait pas encore la solution, mais ce serait la tran

sition; ce serait l'acheminement à la rectification par la paix de la carte d'Europe.

V.

LETTRE AU GÉNÉRAL PRIM.

A S. Exc. le général Prim, comte de Reus, marquis de Los Castellejos, ministre de la guerre.

« Mon cher ami,

14 octobre 1868.

« Je viens de lire dans le journal le Gaulois, avec autant de regret que de surprise, la lettre adressée à MM. Henri de Pène et Edmond Tarbé, au bas de laquelle vous avez apposé votre signature.

» Dans cette lettre, vraisemblablement écrite par M. de Miranda, et que vous n'aurez fait que parcourir, vous accusez de « légèreté » ceux des journaux de Paris qui, sympathiques au gouvernement provisoire de Madrid, le voient avec anxiété perdre un temps précieux, et vous vous écriez :

» Comment! elle serait lente une révolution qui ne date que de huit jours et qui a déjà fait ce que la nôtre a fait? Est-ce une mince besogne que celle de renverser une dynastie trois fois séculaire et d'établir un gouvernement en huit jours?

» Maintenant que nous voilà constitués, nous ne tarderons pas à consolider la situation sur les bases de notre programme.

» Nous espérons qu'avec le concours de l'Assemblée constituante, qui ne tardera pas à être convoquée, nous parviendrons, dans un très-bref délai, à le réaliser.

» Nous serons alors parvenus à posséder l'idéal politique de l'Espagne contemporaine, c'est-à-dire une VRAIE MONARCHIE CONSTI

TUTIONNELLE, fondée sur les bases libérales les plus larges que ce genre de gouvernement comporte.

» Mon cher ami, permettez-moi de vous le dire publiquement, « renverser » est en tout pays la besogne dont les révolutions s'acquittent le plus lestement. Ce n'est pas là une exception dont l'Espagne ait le droit d'être fière. Est-ce que la France, pour ne citer que l'exemple que j'ai sous les yeux, a été « lente » à renverser, en 1830, la dynastie des Bourbons, et, en 1848, la dynastie des d'Orléans? Qu'est-ce que la liberté a gagné en France au renversement du roi Charles X? Qu'est-ce que la liberté a gagné en France au renversement du roi Louis-Philippe? Je vous le demande. Sommes-nous plus libres? Non. Cependant, que devions-nous gagner à ces deux renversements? - Tout. Finalement, qu'y avons-nous gagné? Rien.

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>> Ce qu'il importe donc, ce n'est pas de renverser vite, c'est de remplacer vite et bien ce que l'on a renversé. L'expérience est là pour attester que les révolutionnaires, qui ne savent pas la veille de la révolution ce qu'ils feront d'elle le lendemain, rapidement débordés par le flot des exigences et des difficultés, qui monte, monte, monte encore, monte toujours, ne tardent pas à expier leur imprévoyance par leur impuissance.

» C'est ce que je vous ai dit, mon cher ami, toutes les fois que, depuis l'avortement de 1854, nous nous sommes entretenus, vous et moi, de la nouvelle révolution qui paraissait inévitable en Espagne; c'est ce que je ne me suis pas borné à vous dire, c'est ce que je vous ai écrit, et, vous l'ayant écrit, c'est ce que j'ai imprimé, afin de donner date certaine à l'expression de mon opinion.

» Renverser la reine Isabelle, qui fausse tous les ressorts du gouvernement parlementaire, avilit la royauté et fait plus qu'il n'est besoin pour se renverser elle-même, vous disais-je, pas la grosse difficulté que les révolutionnaires auront à

n'est

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