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jamais l'étendre abusivement au delà des limites où il ne serait plus le pouvoir, où il serait l'empiétement et l'usurpation, où il sera la liberté menacée, la liberté violée.

Lorsque le pouvoir est étroitement renfermé, je le répète, dans un cercle où il a toute liberté de se mouvoir, mais sans possibilité de le franchir, quel avantage peut offrir la forme monarchique?

Aucun.

Quelle raison un peuple judicieux aurait-il d'y tenir ?
Aucune.

Le rétablissement de la forme monarchique dans un pays où l'expropriation du trône pour cause de liberté publique vient d'être prononcée, ne se comprendrait que s'il s'agissait non d'étendre et de fonder la liberté, mais de la restreindre et de la supprimer de nouveau. Est-ce là ce que veut, est-ce là ce que peut vouloir la nation espagnole? Si elle n'avait désarmé la royauté que pour lui rendre ses armes, quel nom conviendrait-il de donner à un pareil acte? Ne serait-ce pas plus que de l'inconséquence? Ne serait-ce pas de la dé

mence?

Aussi, j'aime à l'espérer, l'Espagne refusera-t-elle de donner à tous les peuples qui ont les yeux fixés sur elle un spectacle qni serait à la fois si risible et si triste. Éclairée par l'exemple, elle n'aura de confiance qu'en elle-même; c'est pourquoi elle ne voudra ni Constituante ni constitution; c'est pourquoi elle leur préférera le plébiscite, ayant pour base et pour couronnement l'inviolabilité de la liberté et l'unité du pouvoir.

Est-ce que le plébiscite n'est pas la meilleure, la plus simple, la plus puissante de toutes les constitutions?

XII.

LA SOUVERAINETÉ NATIONALE.

23 octobre 1868.

Quand donc en finirons-nous avec les grands mots qui ne disent rien et qui ne servent qu'à égarer les esprits superficiels et les multitudes ignorantes?

Quand donc en finirons-nous avec tous les pseudonymes de l'arbitraire?

Quand donc en arriverons-nous à réduire toutes les formes de gouvernement à l'adoption du mécanisme utilisant la force nationale avec le moins de risques d'explosion et le moins de frottements?

Quand donc l'engrenage du pouvoir avec la liberté ne sera-t-il plus que ce qu'il devrait être : une simple question de mécanique?

Quand donc cesserons-nous de parler de droit divin et de souveraineté populaire?

Si la souveraineté populaire, si la volonté nationale, exprimée par le suffrage universel, a droit à tout le respect que lui témoigne le journal la France, comment cette feuille met-elle d'accord le 24 février 1848, le 2 décembre 1851 et le 20 novembre 1852?

Est-ce que ce n'était pas la souveraineté populaire qui, le 24 février 1848, avait proclamé la République à l'hôtel de ville de Paris? Est-ce que ce n'était pas la souveraineté populaire qui, par la voix unanime de ses délégués, le 4 mai suivant, avait acclamé la République dix-sept fois dans une seule séance de l'Assemblée constituante? Est-ce que ce n'était pas la souveraineté populaire qui, après six mois des

délibérations les plus laborieuses, avait enfin donné naissance à la Constitution du 4 novembre?

Eh bien! le 2 décembre 1851, quel cas le président assermenté de la République a-t-il fait de la souveraineté nationale, de ses votes et de son œuvre ?

La République avait été maintenue le 2 décembre 1851, et une nouvelle Constitution avait été promulguée le 14 janvier 1852 : quel cas a-t-il été fait, le 20 novembre 1852, du plébiscite du 2 décembre 1851?

Ne nous parlez donc plus de la souveraineté nationale, qui en tout temps et en tout pays a servi de masque à toutes les tyrannies, lui empruntant son nom!

Il est rare que la prétendue souveraineté du peuple ne soit pas une grossière imposture; il n'en est pas ainsi de la souveraineté de la logique. Si la première se trompe et trompe souvent, la seconde ne se trompe et ne trompe jamais.

La souveraineté nationale est au droit divin ce qu'est un faux dieu mis à la place d'un autre faux dieu par la superstition populaire.

Laissons les faux dieux à l'écart des discussions sérieuses, et ne soyons plus dupes de fausses expressions mises en circulation par les faux monnayeurs politiques!

En résumé et en définitive, que veut l'Espagne?
Elle veut :

Avant tout, la liberté communale et provinciale;

La liberté du service militaire, c'est-à-dire l'abolition du service obligatoire, lequel n'existe ni en Angleterre ni aux États-Unis ;

La liberté de la presse;

La liberté de réunion;

La liberté d'association;

La liberté de croyance;

La liberté d'enseignement;

Enfin toutes les libertés individuelles et publiques dont se

compose la liberté pondérée, la liberté équilibrant les unes par les autres.

Donc, sous peine de démence, elle doit vouloir la forme de gouvernement lui garantissant le mieux l'indivisibilité et l'inviolabilité de la liberté.

Cette forme, quelle est-elle ?

Assurément, ce n'est pas la forme de la royauté constitutionnelle telle qu'elle se personnifiait dans la reine Isabelle II.

Assurément ce n'est pas la forme de l'Empire semi-personnel, semi-parlementaire, tel qu'il se personnifie dans l'empereur Napoléon III.

Est-ce la forme de la République des États-Unis ?

Est-ce la forme de la République helvétique?

Ces dernières formes sont-elles le dernier mot de la forme gouvernementale?

N'en saurait-on imaginer une plus simple et plus perfectionnée?

Pourquoi ne la chercherait-on pas sans relâche comme on cherche à simplifier et à perfectionner sans cesse la machine à vapeur et le télégraphe électrique?

Donc, lorsqu'il s'agit de renouveler la forme de gouvernement, ce n'est pas à une assemblée délibérante qu'il faut s'adresser, c'est à l'ingénieur politique présumé être le plus capable. Autrement on ne fera jamais que multiplier les explosions qui, dans la langue politique, se nomment révolutions.

XIII.

LE RÈGNE DES BANALITÉS.

27 octobre 1868.

Le Constitutionnnel et la France dépensent tout ce qu'ils avaient de verve et d'ironie pour tourner en ridicule « les ingénieurs politiques préférés par moi aux assemblées constituantes.., lesquelles, ajouterai-je, n'ont jamais rien constitué.

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La grande objection que m'adresse le Constitutionnel, la voici textuellement :

Est-ce que la liberté humaine se laisse diriger comme la vapeur? Est-ce que nos passions sont un mécanisme mort? Est-ce qu'elles ne se jouent pas de tous vos ingénieux compartiments? Il se peut que M. de Girardin soit, comme il le prétend, le logicien de la politique, assurément il n'en est pas le moraliste.....

Est-ce que j'ai jamais proposé dans aucun de mes écrits de porter la plus légère atteinte à la liberté humaine? Est-ce qu'au contraire ils n'ont pas tous pour but son plus entier développement, son indivisibilité, sa plénitude? Est-ce que l'objet de toutes mes études, est-ce que l'objet de toutes mes recherches depuis trente ans, et plus particulièrement depuis 1848, n'a pas été la découverte du mécanisme gouvernemental qui, étant à la fois le plus simple et le plus puissant, rendît impossible le retour de toute domination, héréditaire ou élective, s'exerçant soit au nom d'un seul et s'appelant droit divin, soit au nom de tous et s'appelant souveraineté du peuple?

Je continue de laisser à l'écart l'idée qui m'appartient, et

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