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aurait moins de chances avec que sans son alliance italienne. Mais le gouvernement du roi, mon auguste maître, se repose avec la plus entière confiance sur la loyauté de son allié pour écarter toute possibilité d'une pareille éventualité.

>> Toutefois, sous le rapport stratégique, la marche sur Vienne de l'armée italienne pourrait paraître dangereuse; l'échelle d'opérations semblerait trop longue, les ressources trop loin.

» Mais à mesure qu'on s'approche de l'armée prussienne le danger diminue et la victoire finale devient de plus en plus probable.

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D'ailleurs, il existe une agence infaillible pour assurer aux deux armées la coopération la plus efficace sur un terrain commun : ce terrain est la Hongrie.

» Le gouvernement prussien a fait étudier dernièrement avec soin la question hongroise; il a acquis la conviction que ce pays, soutenu également par l'Italie et par la Prusse, leur servira, à son tour, comme chainon de ralliement et comme appui stratégique. Qu'on dirige, par exemple, sur la côte orientale de l'Adriatique une forte expédition qui n'affaiblirait en rien l'armée principale, parce qu'on la prendrait pour la plupart dans les rangs des volontaires, en les mettant sous les ordres du général Garibaldi. D'après tous les renseignements parvenus au gouvernement prussien, elle trouverait parmi les Slaves et les Hongrois une réception des plus cordiales; elle couvrirait le flanc de l'armée s'avançant sur Vienne, et lui offrirait la coopération et toutes les ressources de ces vastes contrées. Par contre, les régiments croates et hongrois dans l'armée autrichienne refuseront bientôt de se battre contre des armées qui ont été reçues en amies par leurs propres pays. Du nord et des confins de la Silésie prussienne, un corps volant, composé, autant que possible, d'éléments nationaux, pourrait pénétrer en Hongrie et y rejoindrait les troupes italiennes et les forces

nationales qui n'auraient pas tardé à se former. L'Autriche perdrait à mesure que nous gagnerions, et les coups qui alors lui seraient portés ne frapperaient plus ses extrémités,

mais son cœur.

» C'est pour toutes ces raisons que le gouvernement prussien attache une si haute valeur à l'affaire hongroise et à l'action combinée sur ce terrain avec l'Italie, son alliée. Il propose au cabinet florentin de pourvoir en commun aux frais nécessaires pour préparer l'accueil des expéditions indiquées et de leur assurer la coopération de ces pays.

» Voilà l'idée générale du plan de campagne que le soussigné, selon les instructions de son gouvernement, a l'honneur de soumettre au cabinet italien. Plus il s'applique aux intérêts généraux, plus il assure le rapprochement des deux armées vers une action commune, et plus le gouvernement du soussigué se flatte qu'il trouvera auprès du gouvernement italien un accueil sympathique, et qu'il contribuera puissamment au succès de cette grande entreprise.

» En priant S. Exc. M. le général La Marmora de vouloir l'honorer le plus tôt possible de sa réponse, le soussigné s'empresse de lui renouveler l'assurance de sa plus haute considération.

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Monsieur de Bismark! C'est le nom que porte un volume dont l'auteur est M. Louis Bamberger, député au Parlement douanier.

Nous en recommandons la lecture à M. Rouher.

Ce livre lui apprendra ce que peut une volonté ferme et persistante, que ne découragent pas, que stimulent, au contraire, les difficultés.

S'il eût été doué de cette fermeté de volonté et qu'il l'eût mise au service d'une grande idée, M. Rouher eût fait, en 1860, en compagnie de Richard Cobden, la conquête morale de l'Europe. Faire cette glorieuse conquête a dépendu de lui, car rien ne lui a manqué, sinon les obstacles. Il s'agissait alors de renoncer définitivement à la politique territoriale, à ses pompes et à ses œuvres, pour se convertir résolument à la politique économique, à ses principes et à ses lois. D'où fût venue la résistance? Assurément ce n'eût pas été de la part de l'Allemagne, car elle n'eût pu y voir que l'extension flatteuse de ce qu'elle avait déjà pratiqué sous le nom de Zollwerein.

Si l'Europe eût été zolwereinisée en 1860 par le signataire du traité de commerce anglo-français, le grand ministre, en 1866, ne se fût pas appelé Monsieur de Bismark, il se fut nommé Monsieur Rouher.

C'eût été toute une ère nouvelle qui se fût ouverte!

La Confédération germanique n'ayant plus d'objet, eût peut-être disparu, mais alors c'eût été uniquement pour faire place au Parlement douanier, transition de l'Union européenne, laquelle n'a plus de temps à perdre pour se constituer si elle veut faire contre-poids à l'Union américaine, ne fût-ce qu'afin de fonder et de maintenir l'indépendance et la neutralité de l'empire maritime.

Alors l'inextricable question du Slesvig se fût éteinte dans le ridicule de son exiguïté; alors les grandes questions eussent été l'abaissement des tarifs, l'achèvement de toutes les lignes de chemins de fer, mettant en relation journalière tous les États de l'Europe, l'accord entre elles de toutes les voies navigables et leur amélioration, le percement des isthmes, l'abréviation de toutes les distances, la diminution

de tous les risques maritimes, la multiplication de toutes les institutions internationales de crédit, et l'application de plus en plus générale des lois économiques succédant aux coups de majorité, se nommant lois positives.

Cette occasion précieuse que M. Rouher a tenue dans ses mains, il l'a laissée échapper! Heureux, heureux Monsieur de Bismark, car si Monsieur Rouher n'eût pas manqué à la haute destinée que lui assignait l'ampleur de sa vaste intelligence, M. de Bismark n'eût eu aucun rôle à jouer; il fût resté dans son obscurité à l'état de type, ainsi décrit par M. Louis Bamberger :

Otto-Édouard-Léopold de Bismark-Schoenhausen est né le 1er avril 1815, au manoir même de Schoenhausen, dont il tire une partie de son nom de famille. C'est un domaine situé dans la Saxe prussienne. Sa famille est originaire de la Marche de Brandebourg, le cœur des États royaux de Prusse. On la dit fort ancienne; depuis plusieurs siècles elle figure dans les annuaires du service militaire. Pour caractériser le type de ce que les Allemands nomment le junker, on est convenu de se servir du mot français hobereau. Cependant les deux expressions ne sont pas équivalentes pour rendre le terme de hobereau, les Allemands ont composé krautjunker, qui signifie « gentillâtre planteur de choux », tandis que le véritable junker est avant tout le rejeton d'une famille militaire, mélange de cavalier à la Stuart, de sous-lieutenant prussien, de baron féodal germanique et de Don Quichotte espagnol.

La bataille de Sadowa et la paix de Nickolsbourg ont tout changé, hommes et choses. Le junker est devenu devant l'histoire l'égal de Richelieu et de Cavour. Maintenant, il ne s'agit plus pour M. Rouher d'être le glorieux continuateur de Richard Cobden, il s'agit d'être l'heureux rival de M. de Bismark. De même qu'il serait insensé d'opposer la politique territoriale à la politique économique, de même il serait stupide d'opposer la politique économique à la politique territoriale. Chaque chose doit être faite en son temps. C'est

sur son terrain qu'il faut se mesurer avec M. de Bismark si on veut l'égaler. A l'unité géographique de l'Allemagne limitée par la rive droite du Rhin, il faut opposer l'unité géographique de la France limitée par la rive gauche de ce même fleuve. Que cette nécessité soit regrettable ou souhaitable, ce ne sera qu'après l'accomplissement de ce partage, consacré par un Congrès, que l'incertitude fera place à la sécurité dans les esprits, car il n'y a personne qui ne sente que jamais, non, jamais la France ne se résignera à n'être qu'une petite nation, n'ayant pas plus d'influence au dehors que de liberté au dedans. Jusqu'à ce que ce partage égal du Rhin soit un fait accompli, M. Rouber pourra faire de grands discours tendant au maintien de la paix, mais personne n'y croira. La confiance s'inspire et ne s'impose pas. M. Rouher est là pour l'attester, car nul ne fut jamais plus prodigue d'affirmations pacifiques plus solennelles. Quel fruit ontelles porté?

Aucun, absolument aucun.

Avant de fermer le volume de M. Louis Bamberger, député au Parlement douanier, disons l'impression profonde que ce livre, judicieusement pensé et remarquablement écrit, laisse après qu'on l'a lu : c'est celle d'une guerre inévitable, non pas de l'Allemagne contre la France, mais de la France. contre l'Allemagne. Celle-ci a eu son Monsieur de Bismark, il est certain que la France aura le sien.

Quand? - Bientôt.

XVIII.

LA LOGIQUE.

1er août 1868.

Une situation politique étant donnée, nous en tirons les conséquences qui sont en elle, sauf si elle change à tirer d'autres conséquences,

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