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cessé d'être mon idée fixe; elle est la tâche et le but de mon règne. Si depuis deux ans aucune aveugle opposition, aucune fausse interprétation n'ont fait fléchir la détermination que j'avais prise d'élever nos forces militaires à leur plus haute puissance d'organisation, c'est que l'insuccès de ma tentative de novembre 1863 m'a douloureusement appris que l'unique moyen de désarmer l'Europe c'était d'armer la France.

» Le désarmement européen dépend de la Prusse. Si elle refuse de convoquer le Congrès qu'elle a rendu impérieusement nécessaire, ce sera la France qui, dans l'intérêt de tous les peuples, le convoquera. Mais cette fois ce ne sera pas avant la guerre et l'épée dans le fourreau, ce sera après la guerre et l'épée nue, car je ne veux pas mourir avant d'avoir mis fin à cet état précaire et maladif qui se nomme la paix armée, devenue plus impossible que jamais avec les proportions démesurées qu'elle a prises depuis la conduite que la Prusse, à l'occasion du Holstein, a tenue en 1866 vis-à-vis de l'Autriche, et en 1867, à l'occasion de Luxembourg, vis-à-vis de la France.

» Vous aurez, Monsieur le ministre, à me rendre compte des explications que vous aurez échangées avec la cour de Berlin en conséquence de cette lettre, qu'avant de vous l'adresser j'ai communiquée à vos deux collègues le ministre de la guerre et le ministre de la marine; ils ont pris toutes leurs dispositions pour que ma proposition de 1868 n'ait pas le sort de ma proposition de 1863. Au fond, c'est la même, il n'y a de changée que la forme.

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» Vous n'avez pas oublié la proposition que j'ai adressée

le 4 novembre 1863 à tous les souverains de l'Europe, et que j'ai communiquée au Sénat et au Corps législatif à l'ouverture de leur session.

"

>> Si cette proposition, qui avait pour but le désarmement européen et pour moyen la convocation d'un Congrès, eût été favorablement accueillie, ainsi que le commandait l'intérêt de tous les peuples, les événements qui ont rompu en 1866 l'équilibre européen ne se fussent pas accomplis, car motifs et prétextes eussent également manqué au gouvernement prussien.

"

Exagérés en 1863, les armements de l'Europe le sont bien plus encore en 1868.

"

Lorsque je n'ai point hésité à lui imposer les sacrifices d'hommes et d'argent impérieusement nécessités par l'appel sous les drapeaux de tous les Français valides âgés de vingt à vingt-neuf ans et par l'adoption de nouveaux fusils, la France a lu clairement dans ma pensée. Malgré tout ce qui a pu ou dù être dit, la France ne s'est point méprise; elle sait que pour sa sécurité, sa dignité, sa juste et nécessaire influence, il n'est pas de sacrifices que je ne fasse sans hésitation, pas de périls et de risques personnels que je ne sois prêt à affronter.

>> Seul responsable des destinées que vous m'avez confiées, Français, c'est à vous que je m'adresse directement et que je pose cette question: Si la Prusse, qui a dans ses mains les clefs des principales forteresses qui vous menacent, ne désarme pas, la France peut-elle désarmer? Et si elle ne le doit pas, peut-elle s'imposer indéfiniment la charge écrasante de contingents de cent mille hommes enlevés chaque année à leurs familles, à leurs champs, à leurs ateliers?

» Si, comme moi, vous pensez que, sous peine de voir le chiffre de votre population demeurer stationnaire et peutêtre même décroître, le moment est venu de mettre un terme

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à un état anormal qui est la guerre toujours expectante, vous approuverez la lettre que j'ai adressée, il y a dix jours, le. . . . . à mon ministre des affaires étrangères, et qui dessinait l'attitude que devaient prendre et le langage que devaient tenir au dehors tous ses agents. La Prusse, qui a eu communication de cette lettre, refuse péremptoirement de convoquer un Congrès qui statuerait sur les événements de 1866, et de vous donner les légitimes garanties que je lui ai demandées en votre nom.

>> Le désarmement européen, auquel il eût été désirable d'arriver par un congrès, n'est donc plus possible que par la guerre.

"

Inévitable, est-il préférable de l'ajourner ou de la précipiter?

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Après avoir pesé toutes les raisons pour et contre, mon avis est que, puisqu'elle ne peut être évitée, la prudence commande de ne pas l'ajourner, car le moment est favorable et nous sommes complétement prêts.

» Des complications peuvent survenir. Ce serait manquer de prévoyance que de permettre à la Prusse de les attendre pour en profiter et les tourner contre nous.

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J'entreprends cette guerre, dont le désarmement européen est le but principal, sans avoir rien tenté pour m'assurer la coopération d'aucun allié.

» J'ai pensé que tout allié qui se rangerait du côté de la France mettrait un'autre allié du côté de la Pruese. J'ai préféré circonscrire la guerre entre les deux pays, lesquels disposent de forces militaires numériquement égales.

» Je compte sur la neutralité de l'Europe.

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>> Cette neutralité m'est garantie par les sympathies de tous les peuples, qui ont le même intérêt que vous à la réduction considérable des armées permanentes et des dépen

ses ruineuses.

» Ma sincérité ne saurait être suspecte, puisque j'ai offert

au gouvernement prussien de renoncer à la revendication de nos frontières de 1801, à la condition que tous les territoires enclavés entre nos frontières actuelles et nos frontières naturelles seront réunis dans les mains d'un seul souverain, dont l'État neutralisé sera le nouvel axe immobile sur lequel tournera l'Europe, et que ce souverain opérera sans aucun délai le rasement de toute forteresse construite sur les territoires enclavés, et s'interdira expressément d'en construire

aucune.

» Si les Allemands des provinces rhénanes, cessant d'être Prussiens et Bavarois, redeviennent Français, ce qu'ils ont été longtemps, et ce qu'ils n'ont cessé d'être qu'avec des regrets qui ont mis, après 1815, beaucoup d'années à s'effacer, ce sera à la Prusse et non à la France qu'ils devront s'en prendre. Ce sera le gouvernement prussien qui l'aura voulu en repoussant la proposition que je lui ai spontanément faite de les ériger en État intermédiaire.

» Fidèle à mes antécédents de 1854 et de 1859, quoique ce soit cette fois non pour le compte de la Turquie, non pour le compte de l'Italie, mais pour le compte de la France, c'est comme pacificateur et non comme conquérant que j'entreprends cette troisième guerre.

J'ai l'espoir qu'elle sera promptement terminée; s'il en est ainsi, il me suffira, pour subvenir à ses dépenses, des ressources de la dette flottante; la proposition que je ferai de consolider la portion dont elle aura été accrue saisira naturellement le Corps législatif de la question dont je n'aurai pas hésité à assumer sur moi personnellement toute la responsabilité.

» Ce sera le dernier acte du pouvoir personnel que m'a attribué la Constitution.

» Dès que le désarmement européen aura fondé la paix européenne, la récompense que je vous demanderai de décerner par un plébiscite à ma sollicitude paternelle, ce

sera le rétablissement de la responsabilité ministérielle, impliquant, comme en Angleterre, l'inviolabilité souveraine.

"

Français, dont le cœur bat au nom de Charlemagne ; Français, dont le cœur bat au nom de la République; Français, dont le cœur bat au nom de Napoléon le Grand; Français de toutes opinions et de tous partis, n'ayons tous qu'une pensée, la même : reconquérir nos limites naturelles, devenues, par le renversement de la Confédération germanique et par l'unité de commandement militaire attribué au roi de Prusse, nos limites nécessaires.

» N'ayons tous qu'un seul cri: Le Rhin! Rien de plus, rien de moins. >>

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Supposons qu'au lieu d'être imaginaires et l'œuvre d'un journaliste, ces deux pièces soient réelles et l'œuvre d'un souverain; supposons qu'au lieu d'être publiées dans la Liberté, elles aient paru dans le Moniteur universel, qu'en penserait et qu'en dirait la France?

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Le 10 juillet 1867, M. Vuitry, ancien gouverneur de la Banque de France, et maintenant ministre présidant le conseil d'État, annonçait en ces termes, du haut de la tribune du Corps législatif, la fin prochaine de la pléthore métallique attestée par les bilans hebdomadaires de la Banque de France :

Il y a deux situations extrêmes qui sont également regrettables :

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