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qui auoit voulu faire l'expedition contre nos galiotes, s'estoit contentée pour tout auantage de n'auoir que dix neuf turcs et cinq esclaves tués et presque tout le reste blessé. Cependant la saison estant trop auuancée et le mauuais tems commenceant à venir, Monsieur le Marquis du Quesne a jugé à propos de renuoyer en France sous l'escorte du Cheual marin commandé par Monsieur le Marquis de la Porte les cinq galiotes et autres bastimens qui ne peuuent plus rester dans ces cartiers où nous deuons rester jusqu'à nouuelles conjonctures, les vaisseaux d'Alger estant la pluspart mastez et prets à sortir (1).

PELLISSON.

Les deux lettres suivantes se rattachent à la dernière partie de la vie de Pellisson (2). Celui-ci qui avait été le défenseur de Fouquet, appartenait à la religion protestante. Il abjura en 1670 le protestantisme entre les mains de Gilbert de Choiseul, évêque de Comminges, qui fut par la suite évêque de Tournai (3): Il fut ordonné sous-diacre et pourvu de l'abbaye de Gimont (4) et du prieuré d'Orens, deux bénéfices situés dans le diocèse d'Auch et qui produisaient ensemble quatorze mille livres de revenus. Il obtint plus tard (1) Archivio, mscr. 21.

(2) Cf. Marcou, Etude sur la vie et les œuvres de Pellisson, Paris, Didier, 1859, in-8; Frédéric Godefroy, Histoire de la littérature française, xvn° siècle, Prosateurs, Paris, Gaume, 1878, t. I, p. 225 et suiv.; Pellisson et d'Olivet, Histoire de l'Académie française, Paris, Didier, 1858, en particulier, t. II, p. 256-271; Fabre, Chapelain et nos deux premières Académies, Paris, Didier, 1890, passim; René Kerviler et Ed. de Barthelémy, Valentin Conrart, sa vie et sa correspondance, Paris, Didier, 1881, p. 174; Mémoires de Louis XIV pour l'instruction du Dauphin, édition Charles Dreyss, Paris, Didier, 1860, t. I, p. CLV.

(3) Pellisson se retira à la Trappe avant et après son abjuration. Cf. l'abbé Dubois, Histoire de l'abbé de Rancé, Paris, Bray, 1866, t. I, p. 386.

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(4) Gimont, auj. chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Auch (Gers), 2734 hab.

l'abbaye de Saint-Barthélemy de Bénévent (1). Il avait acheté en 1671 une charge de maître des requêtes. Il devint successivement économe (2) de Cluny, de SaintGermain-des-Prés et de Saint-Denis. Le roi consacra le tiers des revenus des économats à la conversion des protestants, et confia à Pellisson l'administration de cette caisse. «Organiser des bureaux de prosélytisme, - dit M. Foisset, inviter les évêques à faire leur cour au monarque en lui envoyant des listes de convertis, faciliter ce résultat par des indemnités pécuniaires en faveur des nouveaux catholiques déshérités par leurs parents, et recevoir les actes des abjurations: telles étaient les fonctions de l'espèce de ministère dont Pellisson était chargé. Il paraît que, pour étendre les conquêtes de la croyance qu'il avait embrassée, il four

(1) Bénévent, Beneventum, abbaye d'hommes de l'ordre de Saint-Augustin, de la congrégation de Sainte-Geneviève, au diocèse de Limoges. Elle avait été fondée en 1048 à Secondelas, près Limoges, puis transférée à Bénévent, - aujourd'hui Bénévent-l'Abbaye, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Bourganeuf (Creuse), 1892 hab. Dans sa tournée pastorale en 1629, François de la Fayette, évêque de Limoges, se fit reconnaître. pour supérieur de l'abbaye, avec droit de visite, par les onze religieux et les trois novices qui composaient cette communauté. L'abbé de Bénévent disposait de vingt-sept bénéfices, d'après le Pouillé du diocèse de Limoges de 1773. M. Jean-Baptiste de Saint-Vallier, qui fut sacré évêque de Québec le 24 janvier 1688, était à cette époque abbé de Bénévent. En 1750, un M. Lemaire était nommé à cette abbaye dont le revenu était alors de 8000 livres. Cf. J. Aulagne, La Réforme catholique du dix-septième siècle dans le diocèse de Limoges, Paris, Champion, 1906, p. 8 et passim.

(2) «On appelle économes des séquestres nommés par le Roi pour administrer les biens et revenus, tant des bénéfices qui sont à la nomination du Roi pendant la vacance, que des autres bénéfices dont les fruits sont saisis ou séquestrés en vertu d'ordonnance de justice » (Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, Ve Desaint, 1771, t. II, p. 274).

nit les fonds à pleines mains, et reproduisit les traces de la comptabilité de Fouquet: du moins la tradition qui se conservait dans les bureaux des économats ne lui était pas favorable (1). » Après avoir consacré toute la fin de sa vie aux questions et aux affaires religieuses, correspondu avec Leibniz au sujet de la réunion des Eglises et de la tolérance religieuse (2), terminé un traité de l'Eucharistie contre le ministre Aubertin, il mourut subitement le 7 février 1693 (3). Il laissait une situation obérée au point de provoquer les critiques de son ami La Fontaine qui n'a jamais passé pour une incarnation de l'ordre dans la vie. Les témoignages que rendent à M. Pellisson, M. de Meaux et M. de Cambrai, écrivait La Fontaine à Maucroix, «n'empêchent pas que notre ami n'ait eu tort de faire des dettes et de ne pas les payer. Qui l'obligeait à dépenser huit ou dix mille écus, devant, à ce qu'on dit, deux cent mille écus?... Il faut payer ses dettes, et il ne m'a point paru que notre ami s'en soit assez tourmenté ».

Des deux lettres suivantes de Pellisson, l'une, de juin 1681, est une lettre de remerciement pour un bref apostolique favorable à Pellisson, peut-être à pro

(1) M. Foisset, dans la Biographie universelle de Michaud, Paris, Vivès, s. d., t. XXXII, p. 414.

(2) Cf. Jean Baruzi, Leibniz, Paris, Bloud, 1909, p. 52 et Leibniz et l'organisation religieuse de la Terre, Paris, Alcan, 1907, in-8, 2o partic, chap. 11 et iv, PP. 267-424.

(3) Le bruit courut alors que Pellisson était mort dans des sentiments huguenots. Il était d'autant plus amusant pour les protestants de faire courir le bruit qu'il ne s'était réellement pas converti, qu'il avait été administrateur de la caisse de secours pour les nouveaux convertis. Sur ces rumeurs qui n'ont été qu'une malice de parti, cf. Bossuet, Correspondance, édition de MM. Ch. Urbain et E. Lévesque, Paris, Hachette, 1912, p. 303 et suiv., lettres de Bossuet à Mlle du Pré, à Mme de Brinon, à Mlle de Scudéry, p. 313, note 13 et p. 520, Appendice IV.

pos du prieuré de Saint-Orens d'Auch (1): l'autre, une lettre par laquelle Pellisson s'excuse d'avoir écrit directement à Rome au sujet de la sécularisation de l'abbaye de Bénévent, et d'avoir écrit trop longuement. Il est vrai qu'il n'avait pu s'empêcher de louer avec effusion la révocation de l'édit de Nantes. Il semble bien que c'est à cette mesure qu'il fait allusion, en parlant de « ce merveilleux développement de la foi catholique dans les Gaules par les soins de Louis le Grand » miro Catholicae fidei in Galliis, opera Ludouici Magni, progressu.

I

Eminentissime Cardinalis

Et spes omneis meas et quidquid de Eminentiae vestrae humanitate animo conceperam, longe superauere, tum ejus amantissimae litterae, tum apostolicum Breue quod ei me debere, satis intelligo. Sinat itaque me Eminentia Vestra quam paucissimis verbis, ne ei molestus sim, quas habeo perquam plurimas maximasque, ei gratias agere; referre utinam liceret. Ecce iterum et minus prolixam epistolam, et me, meaque omnia apud Sanctitatem Domini nostri Eminentiae vestrae committo. Ego me nec eius fortunae, nec dignitati, nec gratiae quidquam addere posse scio; famae si possem, vel apud praesentes vel apud posteros, officio nunquam defuturum me velim existimet, qui semper fuerim, nunc vero, eius etiam in me beneuolentia et beneficio, futurus sim, summa cum reuerentia,

Eminentissime Cardinalis,

Eminentiae Vestrae

Humillimus atque addictissimus seruus,
PAULUS PELLISSONIUS (2).

E Regia apud Fontem-Bellialdi,(3)

Die 29 Junii anno 1680.

(1) Pellisson a publié à Paris, en 1682, des Productions sur l'affaire du prieuré de Saint-Orens d'Auch, 3 vol. in-12.

(2) Signature autographe.

(3) Archivio, mscr. 17.

II

Eminentissime Cardinalis,

Quantum Eminentiae vestrae ejusque pietati, sapientiae, perspicacitati, in rebus agendis vigilantiae, fidei, constantiae, dexteritati atque solertiae, Orbis Christianus debeat, neminem hodie esse arbitror qui ignoret. Singularis ejus humanitas nisi aeque nota esset, eamque nostrorum etiam familiarium plurimi experti essent, vix ausi essemus preces nostras ad Sanctitatem Domini nostri Eminentiae vestrae humillima, ut facimus, prece commendare. Quod mihi tamen faciendum omnino videbatur, cui duplici venia apud Sanctitatem Domini nostri opus sit, primum quod ipse ad eam, deinde quod prolixius scripserim. Quod scripserim, idque de Abbatiae Beneuentanae saecularisatione, fecit praecipue Illustrissimus Episcopus Lemouicensis (1) multis suis ad me epistolis: quarum etiam postremam propria ejus scriptam manu huic subjungere visum est. Quod uero fusius scripserim, deque re prorsus alia, minime tamen a sancta Apostolica Sede Summique Pontificis nostri ingenio aliena, de miro scilicet Catholicae fidei in Galliis, opera Ludouici Magni, progressu, nescio an in parte fecerit eadem illa Eminentiae Vestrae nunquam satis laudata humanitas. Cum enim id argumenti tractantem, quod haud ingratum Eminentiae vestrae futurum sperabam, quidam me animi calamique aestus longius abriperet, sic mecum reputabam, Eminentiam vestram de nostra illa prolixiori epistola quodcumque opus esset atque operae pretium, uno verbo Sanctitati Domini nostri relaturam, reliqua praetermissuram silentio. Id ipsum ut facere dignetur, suppliciter nunc etiam atque etiam rogo, quicquid a tanto Ecclesiae principe beneficij acceperim, inter majora vitae nostrae decora positurus. Nec pluribus Eminentiam vestram morabor; id unicum pollicitus quod unum praestare possum, memorem gratumque animum, vestraeque Eminentiae obseruantissimum, dum spiritus hos

(1) L'évêque de Limoges était alors Louis Lascaris d'Urfé sur lequel on peut consulter le livre précédemment cité de l'abbé J. Aulagne, p. 335 et suiv.

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