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peuple fut ensuite introduit dans la salle des Harangues, où l'horoscope de M. le Dauphin fixa son attention pendant plus d'une heure. Ce fut pareillement de la tribune que se fit la première proclamation de nos citoyens qui furent partagés en deux tribus, celle des Vertus et celle des Talents.

Les prémices de nos hommages étaient dus à la mémoire. de ces hommes rares, qui, en s'immortalisant, ont illustré leur patrie par leurs actions ou leurs écrits: leurs bustes furent placés dans la salle des Agapes, de même qu'on voit dans celle des Harangues, les portraits de nos augustes maîtres et des héros du patriotisme. Dans la classe du Génie, Voltaire, Montesquieu &c.; dans celle de la Bienfaisance, Henri le Grand, Sully, &c., reçurent le premier encens patriotique. On imprima ensuite authentiquement le sceau du patriotisme aux ouvrages qui inspirent l'amour du bien public.

Parmi un grand nombre de productions adoptées par la Société patriotique et déposées dans son Temple, pour y former en quelque sorte le code de l'humanité, elle déclara que c'était particulièrement dans les œuvres de MM. Moreau, Thomas, d'Arnaud, Necker, &c... qu'on trouvait ses principes constitutifs et le développement de ses maximes. On finit par annoncer que la modestie devait être la marque distinctive des citoyens unis; que le titre de Citoyen, si simple et si commun, n'était point fait pour flatter l'amourpropre; qu'on n'en serait cependant digne qu'autant qu'on saurait servir son Dieu sans hypocrisie, son Roi sans ambition; sa patrie sans intérêt.

L'imprimé ci-joint achèvera de vous donner une juste idée de la Société patriotique bretonne. Elle m'a chargé d'être auprès de vous l'interprète de sa sensibilité et de sa reconnaissance pour tout ce que vous voulez bien lui dire de flatteur et d'obligeant, et de vous demander la permission de vous offrir l'acte authentique qui doit constater votre union

avec nous.

Je vous prie, Monsieur, d'y joindre une nouvelle grâce, celle de me traiter avec indulgence. Ni le génie, ni la fortune ne se rencontrent point chez moi. Une âme juste et bienfaisante fait mon seul et unique apanage. Si cela suffit pour me mériter quelque part dans votre estime, je serai trop heureux.

J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Le comte de SÉRENT.

Les formalités d'admission de Thomas, toujours méticuleuses et empreintes de la plus grande solennité, se sont déroulées au cours des mois de mai et juin 1784. Le comte de Sérent a proclamé les titres de l'impétrant, et le secrétaire a envoyé copie du discours du président à Thomas, qui lui accuse en ces termes réception du précieux document :

Au Louvre, ce 5 juillet 1784.

J'ai reçu, Monsieur, l'extrait du discours de proclamation prononcé par M. le comte de Sérent dans la Société patriotique, que vous avez eu la bonté de m'envoyer. J'y ai lu avec la plus vive reconnaissance la manière honorable dont l'orateur a daigné parler de moi et de mes ouvrages dans cette respectable Assemblée. Je n'ai jamais reçu un prix plus flatteur de mes faibles travaux. Cette récompense qu'ils obtiennent est pour moi un nouveau titre d'encouragement.

Je vous remercie en particulier, Monsieur, d'avoir bien voulu m'envoyer cet extrait que je garderai comme un monument précieux et qui me sera toujours cher; il me le sera encore plus comme le tenant de votre main.

Je connais depuis longtemps les sentiments de zèle et d'amour du bien public, qui vous animent. Ils sont gravés dans tous vos ouvrages. Vous avez eu la bonté depuis quelques années d'en faire tenir plusieurs chez moi, qui ne me sont parvenus que longtemps après, parce que je voyageais pour ma santé, et que j'ai passé deux années de suite dans les provinces méridionales ou dans le comté de Nice. Je n'ai pu vous faire passer mes remerciements, parce que je ne savais où vous les adresser. Permettez que dans ce moment je m'acquitte de cette dette avec vous, et que je vous renouvelle ma reconnaissance et l'inviolable attachement avec

lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

THOMAS.

Il ne restait plus, pour consacrer l'admission de Thomas dans la Société patriotique bretonne, que de lui envoyer des lettres patentes lui décernant le noble titre de citoyen. Ces lettres patentes parviennent au commencement d'août 1784 à Thomas, qui en accuse réception au comte de Sérent :

A Marly, près Saint-Germain, 13 août 1784.

Je viens de recevoir, Monsieur, à la campagne où je suis, les patentes que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer de la part de l'illustre et vertueuse Société qui a bien voulu m'associer à elle. J'y ai lu avec bien de la reconnaissance les motifs obligeants de son adoption. Ces motifs sont un nouveau titre d'honneur que je serais trop flatté de mériter, mais ils doivent du moins me servir d'encouragement.

Je dois chérir encore, Monsieur, un lien qui me rapproche de vous. Je voudrais qu'il pût me donner de nouveaux droits à votre amitié. Notre connaissance est déjà ancienne, et j'ai toujours été fàché que la différence de vos occupations et des miennes, les voyages auxquels vous oblige votre état. et ceux que ma santé m'a obligé de faire depuis quelques années, m'aient privé du plaisir de vous voir et de jouir d'un commerce qui aurait eu tant de droits de m'intéresser. Je me flatte du moins que nos sentiments nous réunissent, quoique séparés l'un de l'autre depuis si longtemps.

C'est avec un véritable regret que j'ai appris dernièrement que vous vous êtes donné la peine de passer chez moi dans un moment où je n'y étais pas. A mon retour à Paris, j'espère m'en dédommager en vous allant chercher chez vous. J'aurai l'honneur de vous remercier en même temps du nouvel ouvrage que vous avez eu la bonté de me faire tenir. J'y ai reconnu cette humanité éclairée qui est dans tous vos

écrits et qui partout fait servir la philosophie à la morale et au bonheur des hommes (1). Dans la préface vous parléz avec mesure des objets les plus délicats, et avec dignité de vous-même et des travaux qui vous occupent.

Agréez de nouveau toute ma reconnaissance et l'attachement inviolable avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

THOMAS.

Entre l'admission de Thomas dans la Société patriotique bretonne et sa mort, il ne s'est écoulé qu'un an. Thomas n'assista jamais aux Assemblées et n'y fit lire aucun travail. Eût-il vécu encore trente ans qu'il n'eût d'ailleurs pas agi autrement. Il avait prêté l'éclat de son nom à un groupement honorable; c'est tout ce que le comte de Sérent et ses associés pouvaient lui demander, et il en était de Thomas comme de Marmontel, de La Harpe et des autres illustrations complaisamment énumérées parmi les membres les plus honorables de la Société.

Malgré tout le soin que le fondateur avait mis à recruter des adhérents recommandables par leur savoir et leurs vertus, la Révolution proclama bientôt leur dissolution, en même temps qu'elle anéantissait toutes les académies provinciales qui avaient rendu à la France les services les plus méritoires en répandant dans la patrie la pratique des sciences et le goût de la littéra

ture et des arts.

(A suivre.)

Maurice HENriet.

(1) Nous ne connaissons qu'un ouvrage écrit par le comte de Sérent; c'est Exposition des objets discutés dans les Etats Généraux de France depuis l'origine de la Monarchie. Londres et Paris, 1789, in-8.

MARQUES DES LIVRES

DU COMTE JAMES WALDEGRAVE

Par suite de circonstances que souvent nous ignorons, de grandes bibliothèques ont été vendues en Angleterre et par suite bon nombre de livres qui en proviennent ont été transportés en France; c'est ainsi qu'on rencontre de temps en temps de beaux volumes portant sur leurs plats les armoiries du comte Waldegrave dont voici la reproduction exacte d'après des livres qui sont passés entre nos mains. En particulier, d'après Les Amours pastorales de Daphnis et Chloe (par Longus), sans lieu ni date, petit in-8°, relié en maroquin vert, dos orné, filets, tranches dorées (reliure ancienne) qui figurait sous le n° 153 d'une vente aux enchères faite à l'hôtel Drouot par feu A. Labitte, les 28-29 mars 1887. Le blason doit se décrire « parti d'argent en de gueules. Couronne de «comte, supports deux chiens braques ou dogues, «colletés d'une couronne murale, le tout posé sur un manteau de pair. » Nous devons noter en passant que sur le catalogue cité plus haut de la vente de 1887 le volume est attribué au comte de Lalain, mais c'est probablement par suite d'une confusion avec un autre livre armorié de la même vente...? car la famille de Lalain porte « de gueules à dix losanges d'argent. » Voici quelques rensei nements sur le comte Waldegrave extraits des Burk's Peerage et autres. James II°

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