Où souvent tu dictas des lois, La perte trop irréparable ÉPITRE VI. A MA SOEUR SUR MA CONVALESCENCE. Toi, que la voix de ma douleur La douloureuse rêverie, Après mon péril même en conserves l'horreur, De ton alégresse chérie, Ma Minerve, ma tendre sœur. Mais quoi! suis-je encor fait pour nommer l'alégresse, Et pour en chanter les appas, Moi qui, depuis deux mois de mortelle tristesse, La faux sanglante du trépas? Par les songes du sombre empire, Enfants tumultueux du bizarre délire, Pourra-t-il retrouver sous ses épais nuages Les pinceaux du plaisir, les brillantes images, Et lever le bandeau qui le tient obscurci? Quand sur les champs de Syracuse Un volcan vient au loin d'exercer ses fureurs, Aux bords désolés d'Aréthuse Daphné cherche-t-elle des fleurs? Si de l'inflexible raison Il ne falloit qu'offrir les stoïques maximes, Telle que le soleil au bout de sa carriere, Et prête à voir finir le songe de la vie, Et sur les faux biens des humains, Je pourrois à tes yeux renverser leurs idoles, Les dieux de leur folie, ouvrage de leurs mains, Et, dans mon ardeur intrépide, De la vérité moins timide Osant rallumer le flambeau, Juger et nommer tout avec cette assurance Que j'ai su rapporter du sein de la souffrance, Réduit, comme je fus, par l'arrêt inflexible A demander aux dieux le bienfait de la mort, Pour le vulgaire malheureux, Pour un sage n'est point ce spectre si terrible De tous les êtres ennuyeux Dont le ciel a chargé la surface du monde, Au premier arrêt de la Parque, Sans peine et d'un pas ferme on passeroit la barque, Si la tendre amitié, si le fidele amour, N'arrêtoient l'ame dans leurs chaînes, Et si leurs plaisirs tour-à-tour, Je ne réveille point les lugubres propos: Et t'entretenir de tombeaux, Ce seroit déployer sur la naissante aurore Une couronne de cyprès. Qu'attends-tu cependant? tu veux que ma mémoire, Sur quels déplorables récits C'est rappeler mon ame aux portes de la mort. Sur ses rameaux brisés et semés sur la terre Un chêne voit enfin d'autres rameaux naissans, Le jour a reparu. Rien n'est long-temps extrême. J'ai souffert plus de maux au bord du monument La douleur est un siecle, et la mort un moment. Et frappé dans le sein des arts et des amours, Je vis en un instant s'éteindre les beaux jours: Comptant les pas du Temps trop lent aux malheureux, |