Du trône et des plaisirs voler à la victoire, Par soi-même asservir des peuples belliqueux; Au sein de la puissance, au faîte de la gloire, Penser en homme vertueux;
Aux arts anéantis donner un nouvel être, Les protéger en roi, les embellir en maître; Éclairer les mortels, et faire des heureux; Aux jours de gloire et de génie Des Césars et des Antonins
C'étoit l'ouvrage de la vie,
Et les destins divers de divers souverains: Mais le héros nouveau de l'Europe étonnée Sait faire des vertus, des talents, des travaux De tant de différents héros,
L'histoire d'un seul homme, et celle d'une année.
A M. LE CHEVALIER DE CHAUVELIN, alors à l'armée de Westphalie,
SUR L'ÉLECTION D'UN MOINE ABBÉ.
Facit indignatio versum. Juv.
D'UNE taverne monacale,
Où tout fermente en ce moment
Pour la patente abbatiale
Et le premier bât du couvent, Très indifférent que l'on nomme Don Luc, don Priape, ou don Côme, Rempli d'un plus cher souvenir, Dans la longue mélancolie De ta fangeuse Westphalie, Ami, je viens t'entretenir; Et, malgré les ennuis extrêmes Où tes beaux jours sont arrêtés, Mon amitié dans ces lieux mêmes
Voit le plaisir à tes côtés. Tandis que de l'urne fatale Va sortir le destin brillant De l'automate révérend Que prétend mitrer sa cabale Pour s'enivrer impunément Sous sa crapule pastorale; Échappé de la pesanteur
Des moines au ton flagorneur, Aux maussades cérémonies, Et délivré de la longueur De leurs assommantes orgies, Je parcours ces bois, ces prairies, Dont on va nommer le seigneur. Oh! qu'ici de l'erreur commune Mon cœur moins que jamais épris, Des miseres de la fortune Conçoit aisément le mépris!
Quoi! ces vergers, ces belles plaines, Ces ruisseaux, ces prés, ces étangs, Ces forêts de l'âge des temps, Ces riches et vastes domaines, Tout sera dans quelques instants, A qui?... Charmante solitude, Séjour fait pour n'être habité, Que par l'heureuse liberté, L'amitié, l'amour, et l'étude, La sagesse, et la volupté,
De quelle vile servitude Tu subis la fatalité!
Un obscur et pesant reptile, Un être platement tondu, Simulacre ignare, imbécille, De la terre poids inutile, Un moine, le portrait est vu, Un moine va se voir ton maître! Et cet épais et lourd cafard Qu'ébaucha le ciel au hasard Pour végéter, ronfler, et paître, Grace à la faveur du destin Et d'une authentique patente, De cent mille livres de rente Va devenir le souverain!
Dans ce char que suivoient ses peres
L'âne mitré va se montrer,
Et régner sur ces mêmes terres
Qu'il étoit né pour labourer!
0 vous, défuntes seigneuries,
Vous, preux barons à courts manteaux, Hauts-justiciers, grands-sénéchaux, Des antiques chevaleries »
Vieux châtelains, mânes dévots, Dont j'apperçois les armoiries Sur les débris de ces châteaux, Où de gros moines en repos, Munis de vos chartres moisies,
Broutent et boivent sur vos os, Sans prier pour vos effigies,
Bons seigneurs, que vous étiez sots! Vous avez cru de vos largesses Doter l'Honneur, la Piété,
Et laisser avec vos richesses Des peres à la Pauvreté; Que le Dieu juste récompense Vos benoites intentions!
Mais que l'avare et basse engeance Qu'engraissent vos fondations A bien trompé votre espérance! Oh! quel peuple avez-vous renté? L'hypocrite Perversité,
La lubrique Fainéantise, La stupide imbécillité, L'Avarice, la Dureté, La Chicane, la Fausseté, Tous les travers de la Bêtise, Et tous les vices qu'éternise L'impure et brute Oisiveté. Ces repaires de la Paresse, Ces gouffres creusés par vos mains, C'est là que s'abyment sans cesse Les richesses des lieux voisins; C'est pour ces massives statues, C'est pour ce peuple de sangsues Que le laboureur vertueux,
« PrécédentContinuer » |