Jailliroient au sein des campagnes, par de faciles canaux
L'art en rassembloit les ruisseaux : En desséchant ces marécages D'où sortent d'épaisses vapeurs, Un gazon couronné de fleurs Enrichiroit ces pâturages, Et d'un air sain et sans nuages Tout respireroit les douceurs. grace à l'ame avare et dure De ces possesseurs abrutis, Les plus beaux dons de la nature Sont dégradés, anéantis, Par-tout où gît leur race obscure. Pour l'honneur de l'humanité, Malgré cet empire durable Des erreurs que l'antiquité Marque de son sceau vénérable, J'ose croire qu'un temps viendra Où tant de richesses oisives, Que le monachisme enterra, Cesseront de rester captives, Et qu'on reverra de ces biens Couler enfin les sources vives Sur les utiles citoyens.
O toi, l'arbitre de mes rimes, Ami d'Homere et de Platon, De ces lumineuses maximes
Tu ne peux qu'approuver le ton: Un bigot y verra des crimes; Tu n'y verras que la raison. Tu sais qu'à la religion Toujours sincèrement fidele, Rempli de respect et de zele, Je briserois tous mes pinceaux Plutôt que d'offrir des tableaux Indignes de l'honneur et d'elle. Eh! qu'ai-je en effet prétendu? Je n'attaque point les asiles Où le Savoir et la Vertu Ont réuni leurs domiciles. Que l'intérêt de l'univers, Que l'estime de tous les âges, Conservent dans leurs avantages Ces établissements divers A qui la patrie illustrée
Doit Bourdaloue et Massillon, Calmet, Sanlecque, Mabillon, Malbranche, Vaniere, et Porée; C'est de ces temples permanents, Dépôts sacrés et vénérables, Que toujours les doctes talents, Les sciences, les monuments, Les lumieres inaltérables, Et quelquefois les dons brillants Du génie et des arts aimables
Se transmettront à tous les temps:
Qu'ils vivent! qu'au bien de la France Concourant sans division,
Ils mettent tous d'intelligence Une barriere à l'ignorance, Un frein à l'irréligion!
Mais pour toutes ces abbayes, Ces ruineuses colonies,
Que sous les belgiques climats Nous rencontrons à chaque pas, Gouffre où des êtres inutiles Entassent de leurs mains stériles Tant de biens qui n'en sortent pas; Quand verrai-je une loi nouvelle, Appliquant mieux leur revenu, En ordonner sur le modele D'un apologue que j'ai lu ?
Dans je ne sais quelle contrée, Au temps du monde encor païen, Un peuple (le nom n'y fait rien), Voyant diminuer son bien Par une disgrace ignorée, D'un dieu de la voûte azurée Un jour réclama le soutien. En vain l'active Vigilance, Tous les Travaux et tous les Arts Avoient tout fait d'intelligence
Pour ramener de toutes parts
Et le Commerce et l'Abondance; L'or disparoissoit tous les jours; Et dépouillé de ce secours, Le nerf et l'ame de la vie, L'oisif artisan languissoit; L'indigente et triste patrie Ne pouvant gager l'industrie, Tout commerce s'affoiblissoit; L'état épuisé périssoit.
Le dieu, touché de leur misere, Et voulant du commun repos Écarter les secrets fléaux, Descend du ciel à leur priere: Il s'ouvre les secrets chemins D'une caverne souterraine
Échappée aux yeux des humains, Et dont la profondeur le mene, Par mille détours ambigus, Au centre du vaste domaine Des enfants de Sabasius*;
Là, race à d'antiques ténebres, Des gnomes en lambeaux funebres
Sont couchés sur des monceaux d'or,
Occupés, enivrés sans cesse
Du sot aspect d'un vain trésor, Puissants et fiers dans leur bassesse,
Et, par un stupide plaisir,
Privant l'homme de la richesse
opaque et vile espece
Est incapable de jouir.
Le dieu parle; à sa voix puissante, Subalternes divinités,
Les gnomes, frappés d'épouvante, Au sein de la terre tremblante Se sont déja précipités.
Cet or, que leurs mains meurtrieres Ne prétendoient qu'accumuler, Versé dans les sources premieres, Recommença de circuler;
Le travail eut sa récompense, Les Arts reprirent leur vigueur; Ranimés par la jouissance Et relevés de leur langueur, Les talents au sein de l'aisance Renouvelerent leur splendeur; Et, fort de toute sa substance, L'état vit avec l'abondance Renaître l'ordre et le bonheur.
Puisse un jour la main triomphante
Et pacifique et bienfaisante D'un roi sensible et généreux Consacrer son empire heureux En réformant l'abus antique Du brigandage monachique,
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