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Et tout ce peuple infructueux
A ses provinces onéreux!

Qu'il renouvelle dans sa gloire,
Pour la félicité des siens,

Le spectacle que la victoire

Vient d'offrir aux bords indiens!

Tous les ans aux champs de Golconde Le plus riche des potentats

Rassembloit de tous les climats
Les trésors que transporte l'onde;
Par un tribut toujours nouveau
Toutes les richesses du monde
Aboutissoient dans ce tombeau.
Thamas paroît: le destin change.
Au nouveau Gengis-khan du Gange
Ces vastes trésors sont ouverts;
Son bras vainqueur leur rend la vie;
Et tout l'or qu'enterroit l'Asie
Va circuler dans l'univers.

ÉPITRE XII.

A M. DE BOULONGNE,

CONTROLEUR-GÉNÉRAL.

MINISTRE
INISTRE aimable, heureux génie,

Que le bonheur de la patrie
Appelle aux travaux de Colbert,
Dans cette cour qui de concert
Vous félicite et vous implore,
Pouvez-vous reconnoître encore
Une voix qui vient du désert?
Depuis l'instant où la puissance
Du plus chéri des souverains
A remis dans VOS sages mains
L'urne heureuse de l'abondance
Pour la splendeur de nos destins,
Des importuns de toute espece,
Des ennuyeux de tous les rangs,
Des gens joyeux avec tristesse,
Des machines à compliments,
Vous auront excédé sans cesse

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De fadeurs, de

propos charmants,

Déployant avec gentillesse

L'ennui dans tous ses agréments:
Vous avez essuyé sans doute
Le poids des discours arrangés;
Les protecteurs, les protégés,
Tout s'est courbé sur votre route.
Les grands entourent la faveur;
La foule vole à l'espérance;
Tout environne, tout encense
Le temple brillant du bonheur:
Vous aurez vu toute la France.
Moi qui, séparé des vivants,
Dans ma profonde solitude,
Ignore le jargon des grands
Et celui de la multitude,

Je ne viens point d'un vain encens
Surcharger votre lassitude

De gloire et d'applaudissements;
Je déplorerois au contraire
Les travaux toujours renaissants,
Et le joug où le ministere

Vient attacher tous vos moments,
Si je n'aimois trop ma patrie
Pour plaindre les brillants liens
Dont elle enchaîne votre vie.
Elle parle, il faut que j'oublie
Tous vos intérêts pour les siens.

Pardonnez ce brusque langage
Aux mœurs franches de mon séjour;
C'est le compliment d'un sauvage,
Qui, loin de la langue du jour,
Loin des souplesses de l'usage,
Et trouvant pour vous son hommage
Gravé dans un cœur sans détour,
N'en veut pas savoir davantage.
Si je mêle si tard ma voix
A l'alégresse générale,
L'ignorance provinciale
M'excuse par ses tristes droits.
Réduit, pour toute nourriture,
A m'instruire, à m'orner l'esprit,
Dans la Gazette ou le Mercure,
Sur ce qui se fait et se dit
Je ne sais rien qu'à l'aventure;
Je parle quand il n'est plus temps;
Et les nouvelles ont mille ans
Quand l'imprimeur me les assure.
Ce n'est que dans ces lieux brillants
Qu'enrichit la Seine féconde
Des heureux tributs de son onde
Que l'on sait tout, que l'on sait bien;
Ailleurs on n'est plus de ce monde,
On sait trop tard, on ne sait rien.
O province, que ta lumiere
Languit sous des brouillards épais!

Et sur les plus simples objets
Quelle stupidité pléniere!

Un seul trait parmi les journaux
De l'imbécillité profonde

De nous autres provinciaux
Montre combien dans nos propos
Nous sommes au fait de ce monde,
Et présente dans tout leur jour
Notre force et nos connoissances
Sur les nouvelles et la cour,
Sur l'usage et ses dépendances.
Ce trait excusera mon zele
De vous être si tard offert,
Grace à l'éclipse habituelle
Dont notre mérite est couvert.
Mon anecdote n'est pas neuve;
Mais les provinciaux passés
Sont trop dignement remplacés
Pour que le temps nuise à ma preuve

Quand Vardes revint à la cour,
Rappelé par la bienfaisance,
Après un très mortel séjour
De province et de pénitence,
Louis quatorze, avec bonté,
S'informant du genre de vie
Qu'il avoit mené, du génie,
Du ton de la société
Au lieu qu'il avoit habité:

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