Pardonnez ce brusque langage
Aux mœurs franches de mon séjour;
C'est le compliment d'un sauvage,
Qui, loin de la langue du jour,
Loin des souplesses de l'usage,
Et trouvant pour vous son hommage
Gravé dans un cœur sans détour,
N'en veut pas savoir davantage.
Si je mêle si tard ma voix
A l'alégresse générale,
L'ignorance provinciale
M'excuse par ses tristes droits.
Réduit, pour toute nourriture,
A m'instruire, à m'orner l'esprit,
Dans la Gazette ou le Mercure,
Sur ce qui se fait et se dit
Je ne sais rien qu'à l'aventure;
Je parle quand il n'est plus temps;
Et les nouvelles ont mille ans
Quand l'imprimeur me les assure.
Ce n'est que dans ces lieux brillants
Qu'enrichit la Seine féconde
Des heureux tributs de son onde
Que l'on sait tout, que l'on sait bien;
Ailleurs on n'est plus de ce monde,
On sait trop tard, on ne sait rien.
O province, que ta lumiere Languit sous des brouillards épais!