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La raison

regne, et sous ses lois Y rassemble ces esprits droits Échappés à la servitude

Des préjugés et des emplois.

ÉPITRE XVIII.

A MME DE GENONVILLE.

Les fleurs dont l'Amour se couronne

Et que voit naître le printemps,
Aux trésors tardifs de l'automne
Viennent mêler leurs ornements,
Et de leurs bouquets éclatants
Rajeunir le sein de Pomone;
Ainsi par un heureux destin
Du temps jaloux bravant l'outrage,
Ton esprit charmant et badin
Jette des fleurs sur son passage,
Et fait briller le soir de l'âge
De tout l'éclat de son matin.
Poursuis, aimable Genonville,
Embellis-toi de ta gaîté;
Que par ta voix tendre et facile
Le vif et joyeux vaudeville
Souvent à table soit fêté,
Et par les Plaisirs invité

S'y place au sein de sa famille,
Lorsque le nectar qui pétille
Sous les bouchons emprisonné,
Court remplir le crystal fragile
Où, brillant d'un éclat mobile,
Il sourit à l'œil étonné.

Quelquefois attendant l'aurore
Au milieu des jeux et des ris,
Livre tes pas à Terpsichore,
Dis des bons mots à tes amis.
L'amitié, que ton cœur adore,
Loin de toi bannit les soucis;
Mais pour mieux les chasser encore
Tu t'occupes des bons écrits
Que le bon siecle vit éclore:
Semblable au Zéphyr amoureux
Qui, du printemps enfant volage,
Court à chaque fleur d'un bocage
Porter le tribut de ses feux,
Tour-à-tour Racine et Moliere,
Chaulieu, Montagne, et La Bruyere,
Viennent s'asseoir à tes côtés
Dans ton asile solitaire,

Et sous leurs crayons enchantés
Tu vois d'une douce lumiere
Briller d'utiles vérités.

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ÉPITRE XIX.

A M. DE MONREGARD.

Envoyée avec un pâté de quatre canards, dans le temps de la grippe. 1776.

D'UNE province où la franchise

Et la loyauté du vieux temps
Sont encor des bons habitants
Le cri de guerre et la devise,
Quatre hermites, en robe grise,
Gens tout neufs, bien de leur pays,
Dont l'air grave, le sang rassis
N'annonçoient guere l'entreprise,
Bravant les périls infinis,
Les glaces, la neige et la bise
Dont les chemins sont investis,

Ce matin même sont partis,
Quoi que le thermometre en dise,
Et qui mieux est pour eux, ou pis,
A la triste époque précise
Où la grippe, dont nuls abris

Ne peuvent sauver la surprise,
Menant la fievre, les soucis,
Les faux docteurs, les faux récits;
L'affreuse grippe, en pleine crise,
Enveloppe, agite, maîtrise,
Jeunes et vieux, grands et petits,
L'élégante sous ses lambris,
Sous le chaume la pauvre Lise,
Les hauts penseurs, les sous-esprits,
Le talon rouge, le commis,
Et la duchesse, et la sœur grise.
Pour être capable ou tenté
De leur périlleuse aventure,
Il faut être eux, en vérité,
Ou l'ours le mieux empaqueté
Dans son capot et sa fourrure.
Enfin, tant bien que mal munis,
Sous les nuages rembrunis
D'un ciel glacé que tout redoute,
Les quatre pélerins unis,

Clos et couverts, ne voyant goutte,
Ont pris le chemin de Paris,

Où, s'ils arrivent sans déroute,

Pomar, Vougeot, Grave et Chablis,
Des rayons de leur mere-goutte
Voudront bien réchauffer sans doute
Les pauvres freres engourdis.
Il est pourtant quelques avis

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