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D'une moisson de fleurs les chemins sont semés;
De l'encens du printemps les airs sont parfumés:
Une nymphe des eaux, plus vive que l'abeille,
Vole dans les jardins, et remplit sa corbeille;
Sa main sait assortir les dons qu'elle a cueillis,
Et marier la rose au jeune et tendre lis.
Des fruits de mon verger vous aurez les prémices,
De la jeune Amarille ils feroient les délices:
Ces fruits sont colorés d'un éclat vif et doux;
Ils seront plus charmants quand ils seront à vous.
J'ai des myrtes fleuris; leur verdure éternelle
Est le symbole heureux d'une chaîne fidelle:
Je vous cultive aussi des lauriers toujours verds;
J'en consacre souvent au dieu des tendres vers.

Mais que dis-je? insensé! formé par la tristesse,
Quel nuage obscurcit les jours de ma jeunesse?
J'étois libre autrefois, et mon paisible cœur
N'avoit jamais connu cette sombre langueur;
Content de mon troupeau, je vivois sans envie,
Et mon bonheur étoit aussi pur que ma vie:
L'Amour, ce dieu cruel, a troublé mes beaux jours;
Ainsi l'Aquilon trouble un ruisseau dans son cours.

Ingrate! estimez mieux nos demeures champêtres; Souvent des dieux bergers ont chanté sous nos hêtres. Les déesses souvent ont touché nos pipeaux; Diane d'un pasteur a gardé les troupeaux: Que la fiere Pallas aime le bruit des villes,. Vénus préfere au bruit nos cabanes tranquilles.

Tout suit de son penchant l'impérieux attrait; Les cœurs sont maîtrisés par un charme secret. Le loup cherche sa proie autour des bergeries; Le jeune agneau se plaît sur les herbes fleuries: Pour moi, charmante Iris, par un penchant plus doux, Je sens que mon destin m'a fait naître

pour vous.

Vains projets! vœux perdus! trop stérile tendresse!
Corydon, où t'emporte une indigne foiblesse ?
Ta voix se perd au loin dans les antres des bois;
A de moins tristes airs consacre ton hautbois.
Tandis que tu languis dans ces noires retraites,
Tu laisses sur l'ormeau tes vignes imparfaites;
De ce loisir fatal fuis le charme enchanteur,
Donne d'utiles jours aux travaux d'un pasteur.
Revenez, chers moutons, quittez ces lieux sauvages;
Vous irez désormais sur de plus beaux rivages:
Puisque mes vœux sont vains, de l'insensible Iris
Allons près de Climene oublier les mépris.

NOTES.

Corydon se plaint de l'insensibilité d'Iris, bergere d'un hameau étranger; il veut inutilement l'attirer dans ses campagnes.

Dans les champs qu'Aréthuse enrichit de ses eaux. Fontaine de Sicile.

Des chants dont le dieu Pan sait charmer l'Arcadie.

Belle contrée du Péloponnese, consacrée autrefois aux déités champêtres, et dont les habitants, tous pasteurs, passoient pour les maîtres de la poésie bucolique.

III.

PALÉMON.

COMBAT PASTORAL.

PALÉMON, MÉNALQUE, DAMETE.

MÉNALQUE.

APPRENEZ-MOI, Damete, à qui sont les troupeaux Qu'on voit errer sans guide au bord de ces ruisseaux.

DAMETE.

J'en suis le conducteur, Lycas en est le maître;
Je les garde pour lui dans ce vallon champêtre.
MÉNALQUE.

O bercail malheureux! depuis que nuit et jour
Lycas près de Climene est conduit par l'amour,
Oubliant ses moutons, et ne songeant qu'à plaire,
Il ne s'attache plus qu'à ceux de sa bergere.
Troupeaux infortunés, votre sort fut plus doux
Tandis que, libre encor, Lycas n'aimoit que vous.
Ce pasteur mercenaire auquel il vous confie,
Loin des yeux du berger, détruit la bergerie.

DAMETE.

Vous deviez m'épargner ce reproche indiscret:
On vous connoît, Ménalque, on sait certain secret...
Rappelez-vous ce jour des fêtes d'Amathonte...
D'un plus ample détail je vous sauve la honte.
Vous m'entendez: alors les déesses des eaux
Rentrerent en riant au fond de leurs roseaux.
MÉNALQUE.

Quoi! rompis-je avec vous d'une main criminelle
Les arbrisseaux d'Arcas et sa vigne nouvelle?

DAMETE.

Quel berger ne sait point que sous ces vieux ormeaux Ménalque d'Eurylas brisa les chalumeaux?

Rival de ce pasteur, jaloux de sa victoire,

Votre cœur indigné ne put souffrir sa gloire;
Vous seriez mort enfin d'envie et de fureur
Si vous n'aviez pu nuire à ce berger vainqueur.
MÉNALQUE.

Qu'entends-je? sur quel ton me parleroit un maître,
Si ce pâtre à tel point ose se méconnoître ?
Quand Damon l'autre jour laissa seul son troupeau,
Ne vous ai-je point vu lui surprendre un chevreau?

DAMETE.

De ce prétendu vol Damon ne peut se plaindre.
Oui, j'ai pris ce chevreau; j'en conviendrai sans craindre,
Puisqu'il étoit le prix d'un combat pastoral
Où j'étois demeuré vainqueur de mon rival.

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