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L'industrieux travail de la simple nature,
Sans les secours de l'art, produira leur parure.
Ils seront, ces beaux jours: du temple des destins
Une voix me transmet ces augures certains.
Déja pour accomplir ces fortunés présages,
Les trois fatales sœurs, souveraines des âges,
Ont adouci leurs lois, et Clotho prend encor
Le fuseau qui servit à filer l'âge d'or.
Ouvrez de ces beaux jours l'héroïque carriere;
Sans attendre le temps franchissez la barriere;
Partez, suivez la gloire, enfant chéri des cieux,
Du beau sang de Vénus rejeton précieux.
Aux honneurs de vos ans tout se montre sensible,
Le ciel est plus riant, Neptune est plus paisible;
L'univers assuré d'un siecle de bonheur

Applaudit au berceau de son restaurateur.
O jours! ô temps heureux! ô si les destinées
Étendoient jusque-là le fil de mes journées!
Auguste Marcellus, à chanter vos exploits
Je voudrois consacrer les restes de ma voix;
Pour ces pompeux sujets ma muse rajeunie
Vaincroit tous les concerts des fils de Polymnie:
Pan même, à mes accords s'il comparoit ses sons,
Pan même s'avoûroit vaincu par mes chansons.

Commencez, heureux fils d'une mere charmante, Commencez de répondre à sa plus douce attente; Par de justes retours comblez ses tendres vœux ; Que vos premiers souris s'adressent à ses yeux.

Pour vous l'Amour éleve une jeune déesse
Dont il vous offrira la main et la tendresse:
Vivez, et que vos ans, égaux à nos desirs,
Soient remplis et filés par la main des Plaisirs.

NOTES.

Ce ne sont point des bergers qui parlent dans cette piece, c'est le poëte lui-même, à qui des tons plus élevés sont permis. Quelques uns le blâment d'avoir mis au rang des églogues un sujet si pompeux, et qui paroît plutôt du ressort de l'ode. Si Virgile eût été du sentiment de ses censeurs, nous y eussions perdu une de ses plus belles églogues.

Un consul à vos jeux s'intéresse aujourd'hui.

Pollion.

Sur l'univers paisible il régnera comme eux.

Cette prédiction pouvoit-elle se faire d'un fils de Pollion, dont plusieurs interpretes soutiennent que Virgile chante ici la naissance? Elle ne convenoit sans doute qu'à l'héritier présomptif de l'empire, au seul Marcellus, neveu d'Auguste, et adopté par cet empereur, qui n'avoit point de fils.

Au fer d'un autre Achille abandonnés en proie.

Ce vers et les trois précédents sont allégoriques. Par eux Virgile indique les préparatifs de la flotte qu'équipoient les triumvirs, Octavien et Antoine, pour attaquer Sexte Pompée, fils du grand Pompée, qui soutenoit en Sicile les restes du parti républicain. Il fut défait dans un combat naval. Syra

cuse fut cette seconde Troie; Octavien César fut ce nouvel Achille. Ces applications sont pleines de beautés : nous en devons la découverte au savant P. Catrou.

Du beau sang de Vénus rejeton précieux.

La fable romaine faisoit descendre la famille des Césars de Vénus Énée, fils de cette déesse.

par

Pour vous l'Amour éleve une jeune déesse.

Julie, fille d'Auguste. Marcellus épousa cette princesse. Les prédictions de Virgile ne furent pas vérifiées dans toute leur étendue. Ce prince aimable, l'espoir et les délices de l'empire romain, mourut à la fleur de son âge. Le sixieme livre de l'Énéide finit par une plainte très tendre sur la mort prématurée de ce jeune héros.

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PROFITONS, cher Mopsus, des moments précieux Que la fin d'un beau jour nous accorde en ces lieux: Je chante, vous jouez du hautbois avec grace; Essayons un concert digne des bois de Thrace.

MOPSUS.

Je suis prêt, cher Ménalque, à chanter avec vous:
Vos accents ont pour moi les charmes les plus doux;
Des zéphyrs du couchant les folâtres haleines
Balancent de ces bois les ombres incertaines :

Chantons sous ce feuillage, ou, si vous l'aimez mieux,
Dans cette grotte où regne un frais délicieux;
Une vigne sauvage en décore l'entrée,

A Faune de tout temps elle fut consacrée :
J'y conduirai vos pas; là vos nobles chansons
M'offriront un plaisir et d'utiles leçons.

Si més vers sont moins beaux, pardonnez à ma muse

Ce défaut d'agrément que ma jeunesse excuse.
MÉNALQUE.

Non, je sais qu'Amyntas ose seul dans nos bois
Vous disputer le prix du chant et du hautbois.

MOPSUS.

N'en soyez point surpris, dans son orgueil extrême
Ce berger défîroit le dieu des vers lui-même.
MÉNALQUE.

De vos champêtres airs répétez les plus beaux;
En notre absence Egon gardera nos troupeaux.
Chantez Codrus mourant pour sauver sa patrie;
Chantez du tendre Alcon la pieuse industrie,
Quand il perça d'un trait heureusement lancé
Le serpent qui tenoit son fils entrelacé;

Ou plaignez dans vos chants cette amante célebre
Qui pour Démophoon mourut aux bords de l'Hebre.

MOPSUS.

Souffrez qu'à d'autres jours je réserve ces chants;
Je prépare aujourd'hui des regrets plus touchants.
J'ai fait de nouveaux vers; ils vous plairont peut-être:
Ils sont déja gravés sur l'écorce d'un hêtre.

Lorsque j'aurai chanté, que mon rival jaloux

Vous montre aussi ses vers! qu'il chante! et jugez-nous.
MÉNALQUE.

De vos chants et des siens je sais la différence:
Près de vous Amyntas, malgré son arrogance,

Est comme un saule obscur près d'un brillant rosier,

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