Ou comme un foible ormeau près d'un bel olivier. MOPSUS. Si mes premiers essais m'ont acquis quelque gloire, Je la dois à vos soins, j'en chéris la mémoire. Nous voici dans la grotte où nous voulons chanter: La Douleur fit les vers que je vais répéter; Je les ai consacrés au berger plein de charmes Dont le trépas récent demande encor nos larmes. MÉNALQUE. L'agneau négligera le cytise fleuri Quand nous perdrons l'amour d'un berger si chéri. MOPSUS. Daphnis n'est plus! en vain nos muses le regrettent, Des pleurs sont superflus: Je le demande aux bois, et les bois me répetent, Destins trop rigoureux, inexorable Parque, Précipitent sitôt dans la fatale barque Ce berger plein d'attraits? Je vois ses yeux éteints; sa mere inconsolable Et ses cris vont apprendre au ciel impitoyable Infortuné Daphnis! l'avide Proserpine Ainsi tombe un tilleul que le vent déracine O jour trois fois cruel! Quel deuil dans la nature! Le soleil sans clarté, la terre sans verdure, Les ruisseaux, effrayés du bruit de nos alarmes, L'horreur d'un triste bord, et les flots de nos larmes On entendit gémir les jeunes Oréades Et de leurs belles eaux les sensibles Naïades Aux longs gémissements des Nymphes fugitives Renvoyerent du fond des cavernes plaintives Alors aucun pasteur ne mena dans la plaine Sa flûte étoit muette, ou ne rendoit qu'à peine Il n'est plus de beaux jours, berger, depuis ta perte, Palès ne chérit plus cette vigne déserte, Elle fuit en courroux; Nos prés sont défleuris, de plantes infertiles Et nos jardins n'ont plus que des ronces stériles Nous devions les attraits de toute la contrée Telle, aux raisins brillants dont elle est colorée, Daphnis dans nos cantons accrédita l'orgie Il chanta le premier en vers pleins d'énergie Il étoit les amours et la gloire premiere Faut-il qu'il ne soit plus, en perdant la lumiere, Dans l'oisive langueur de nos douleurs extrêmes Allons rendre l'honneur et les devoirs suprêmes Pasteurs, rassemblez-vous, dépouillez vos guirlandes Paroissez, apportez de funebres offrandes, Marchez sans chalumeau; renversez vos houlettes, Sur ces autels jonchés de pâles violettes Élevez le tombeau du berger que je chante Et, pour éterniser sa mémoire touchante, << Sous ce froid monument le beau Daphnis repose: << Il n'a presque vécu que l'âge d'une rose; << Il étoit le pasteur d'un aimable troupeau, << Lui-même étoit encor plus aimable et plus beau. << Bergeres, qui passez dans ce bocage sombre, << Donnez des larmes à son ombre, « Donnez des fleurs à son tombeau. » MÉNALQUE. Votre chant m'a charmé; cette tendre peinture A celle que ressent l'aride voyageur Quand pour se rafraîchir il trouve une onde claire, Et pour se délasser une ombre solitaire. Mais il faut pour Daphnis que je chante à mon tour: Il m'aimoit, je lui dois ce fidele retour. Je ne mets point sa perte au rang de nos désastres; Daphnis déifié regne au séjour des astres; Ses graces, ses vertus triomphent de la mort: Du sombre deuil tristes compagnes, Du beau Daphnis chantez la gloire: Il est au rang des dieux protecteurs de vos bois; Il peut, porté sur les étoiles, Contempler sans nuit et sans voiles La marche et les clartés des célestes flambeaux: Sous ses pieds il voit les nuages, Les tonnerres et les orages, Et les mondes divers, et l'empire des eaux. Revenez, Jeux, Plaisirs, Naïades, Flore, Cérès, Amours, Dryades; Que tout au dieu Daphnis applaudisse en ces lieux; Qu'il soit chanté sur la musette, Qu'une foule d'échos répete: Daphnis n'est plus mortel, il est au rang des dieux. Déja sous son naissant empire A notre bonheur tout conspire, Dans les mêmes vallons bondissent réunis. De belles nuits, des champs fertiles: Les mêmes dons, le même hommage Que reçoivent de nous les premiers immortels; |