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J'irai verser à pleine coupe

Et le lait et le vin sur tes nouveaux autels;
Dans les festins, dans l'alégresse,
Échanffés d'une douce ivresse,

Nous te célébrerons à l'ombre des ormeaux;
Les bergers unis aux bergeres
Formeront des danses légeres,

Et marîront leurs voix au son des chalumeaux.
Tant que l'abeille au sein de Flore
Ravira les pleurs de l'Aurore,
Autant, ô jeune dieu, tes fêtes dureront:
On égalera tes louanges

A celles du dieu des vendanges,
Et toujours en ces lieux tes autels brilleront.

MOPSUS.

J'ai souvent entendu l'agréable murmure
Ou d'un zéphyr naissant, ou d'une source pure,
J'ai souvent entendu les concerts enchanteurs
Des plus tendres oiseaux, des plus doctes pasteurs;
Mais tous ces sons n'ont point une douceur pareille
Aux vers dont votre muse a charmé mon oreille:
Quel don peut égaler tant d'égards complaisants?
MÉNALQUE.

Mon amitié, berger, préviendra vos présents:
Recevez ce hautbois; il fut fait en Sicile;

Il est d'un bois choisi, d'un son doux et facile;
Avec lui j'ai chanté de champêtres appas,

Les fêtes des bergers, leurs amours, leurs combats.

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MOPSUS.

Nul don ne m'est plus cher qu'une telle musette:
Agréez de ma main cette belle houlette;

Sur son airain brillant nos chiffres sont tracés;
J'y vais joindre un feston de myrtes enlacés:
Antigene s'attend que je l'en ferai maître;
Mais mon cœur en décide, et Ménalque doit l'être.

NOTES.

La mort d'un frere de Virgile, nommé Flaccus Maro, et représenté sous le nom de Daphnis, fait le sujet de ce poëme. Mopsus, éleve du poëte, pleure Daphnis : Virgile, sous le nom de Ménalque, en fait l'apothéose.

Chantez Codrus mourant pour sauver sa patrie.

Dernier roi d'Athenes.

Chantez du tendre Alcon la pieuse industrie.

que

Servius écrit qu'Alcon étoit fils de cet Érichthée Minerve éleva elle-même à la campagne, et qu'elle donna ensuite aux Athéniens pour leur roi.

Ou plaignez dans vos chants cette amante célebre...

Phyllis, fille de Lycurgue, roi de Thrace. Son amant Démophoon, fils de Thésée, fut rappelé à Athenes par des raisons d'état : son absence fut longue; Phyllis le crut infidele; elle se donna la mort.

Palès ne chérit plus cette vigne déserte.

Déesse champêtre.

Daphnis déifié regne au séjour des astres.

L'apothéose seroit un peu outrée si le poëte n'en faisoit un dieu champêtre : Virgile a suivi l'exemple des poëtes grecs, qui avoient ainsi divinisé le Daphnis de Sicile.

VI.

SILENE.

PREMIER
REMIER imitateur du berger dont la muse
Est l'honneur immortel des champs de Syracuse,
Dans un heureux loisir je répete en ce bois
Les airs que les Amours jouoient sur son hautbois.

Pour chanter les combats et le dieu de la Thrace
J'allois rêver un jour au sommet du Parnasse ;
Apollon, peu facile à ces hardis projets,
M'ordonna de traiter de plus simples sujets:
Je ne trouble donc plus par l'éclat des trompettes
Des champs accoutumés aux soupirs des musettes.
Si je chante aujourd'hui sur ces paisibles bords,
Muses, ne m'inspirez que d'aimables accords.

Que d'autres, ô Varus, plus chers aux doctes fées, Au temple de Mémoire érigent vos trophées! Ma voix, trop foible encor pour chanter les héros, Apprendra seulement votre nom aux échos. Mais si ce qu'aujourd'hui j'écris sans impostures, Vainquant la nuit des temps, passe aux races futures, On lira que Varus et ses brillants honneurs Etoient même connus au séjour des pasteurs.

Dans un antre champêtre, orné par la nature,
Sous des pampres fleuris, sur un lit de verdure,
Silene, de Morphée éprouvant la douceur,
A des songes riants abandonnoit son cœur ;
On voyoit près de lui sa couronne et son verre
Renversés sur un thyrse entouré de lierre ;*
Un doux jus, bu la veille aux fêtes de Bacchus,
Tenoit encor ses sens assoupis et vaincus,
Quand deux jeunes bergers, Silvanire et Mnasile,
Troublerent à dessein la paix de cet asile.
Depuis long-temps Silene, oracle de ces lieux,
Leur promettoit en vain des chants mystérieux;
Il avoit jusqu'alors éludé leur poursuite;
Mais leurs efforts enfin empêcherent sa fuite:
La jeune Eglé survient, et se joint aux pasteurs
Pour former au vieillard une chaîne de fleurs.
Captif en ces liens, Silene se réveille;

On voit naître les ris sur sa bouche vermeille :
Vous l'emportez, dit-il, et je suis arrêté;
Je vois bien à quel prix on met ma liberté ;
Vous voulez que des temps je vous chante les fastes:
Un jour ne peut suffire à des sujets si vastes;
Commençons cependant, contentons vos desirs:
Pour vous, je vous réserve, Églé, d'autres plaisirs.
Rompez, jeunes pasteurs, cette chaîne inutile,
Et comptez sur la foi de ma muse docile.
Il dit. Tout à l'envi s'apprête à l'écouter;
Ses liens sont brisés: il commence à chanter.

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