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main, fournit pour le même ouvrage une correction qui remplace un très mauvais vers par un autre bien plus supportable; c'est le deuxieme du premier chant. Au lieu de

Qui né pour l'air capable et tout bouffi de gloire,

Gresset corrige

Qui né pour les grands airs et pour la belle gloire.

Cette belle gloire ne fait pas un fort bel effet, mais le premier hémistiche de ce nouveau vers est indubitablement meilleur, et des deux vers on peut en faire un bon.

Lorsque je publiai le Parrain, j'ignorois encore s'il restoit du Gazetin autre chose que les cinquante-huit vers que je donnois pour la premiere fois. J'ai depuis acquis la certitude de son existence en un manuscrit complet et correct que possede un parent de Gresset, domicilié à Amiens. Imprimer cette piece comme le Parrain, eût été faire aux amateurs des lettres françoises un cadeau non moins agréable que le premier; et la réunion de ces

deux poëmes auroit formé le troisieme volume des OEuvres; mais, pour cette fois, toutes les sollicitations ont été inutiles. Demandes, prieres, offres de payer tout aussi chèrement qu'il le faudroit; rien n'a servi, et les possesseurs sont restés inflexibles; ils ne veulent ni donner, ni vendre, ni échanger contre un présent en livres; ils ne veulent pas non plus faire imprimer eux-mêmes. On a laissé entrevoir l'opinion, manifestée sans détour au sujet du Parrain, que ces publications étoient une honte pour la mémoire de Gresset. C'est au public à juger si, même avec ses nombreuses négligences, sa prolixité, et tous ses défauts, le Parrain est une œuvre dont la publication soit une tache pour l'auteur. Il est à croire que celle des quatre chants du Gazetin qu'on assure être plus soigné, plus limé, n'auroit pas été plus déshonorante. Si en outre on considere que deux personnes dans Amiens sont réputées savoir par cœur les deux chants si desirés des Pensionnaires et de l'Ouvroir; sans que jamais

on ait pu les déterminer à en faire la révélation, et que ces personnes sont presque octogénaires; tout en respectant les scrupules de ceux-ci, et en trouvant un peu étrange l'espece d'avarice littéraire de ceux-là, on ne peut que regretter qu'un aussi bizarre concours de circonstances prive, peut-être pour jamais, le public d'aussi intéressantes productions. En attendant qu'un changement heureux de résolution, un hasard inespéré détermine à la révélation des deux chants, révélation qui certes ne seroit ni coupable ni indiscrette; en attendant que le ciel touche et amollisse le cœur de ceux qu'on pourroit bien nommer les geoliers du Gazetin, conservons au public et le plan de ces ouvrages, et le peu de vers qu'on connoît de l'ouvroir; suivons l'exemple de ces soigneux éditeurs grecs ou latins qui recueillirent avec scrupule les moindres fragments des ouvrages ou morceaux perdus, et n'hésiterent pas à imprimer même des demi-phrases, des mots isolés, pour servir de pierre d'attente, de

fanal en cas de quelque heureuse découverte. On connoît ce peu de vers du chant des Pensionnaires:

Les petits noms sont nés dans les couvents.

Un jour du monde efface un an du cloître.

Le cœur s'éveille avec l'impatience :
Le desir naît de l'inexpérience.

On ne sait rien, on cherche à deviner.
Car, comme on sait, qui dit religieuse,

Dit femme prude, et sur-tout curieuse.

Dans un morceau sur l'éducation le poëte s'écrie:

O jours heureux du cœur et du bon
Où chaque mere, élevant ses enfants,
Ne laissoit point remplir à l'aventure
Ce devoir saint qu'impose la nature !

sens 2

Gresset récita l'Ouvroir, en 1753, à une séance publique de l'académie d'Amiens, et . à la cour en 1775, lorsqu'en sa qualité de directeur de l'académie françoise, il compli

menta Louis XVI sur son, avènement au

trône.

L'Ouvroir étoit l'histoire abrégée de toutes les occupations, de toutes les petitesses, de toutes les grimaces d'un couvent. En voici le début :

Temple secret des petites sciences,

Il est un lieu tapissé de sentences,
D'emblêmes saints, de mystiques vertus,
D'anges vainqueurs, et de démons vaincus.

Après une description charmante des mysteres qui se célebrent dans ce temple, séjour de la candeur et de l'innocence, on trouvoit ces vers sur les occupations des religieuses:

L'une découpe un agnus en losange,

Ou met du rouge à quelque bienheureux;
L'autre bichonne une Vierge aux yeux bleus,
Ou passe au fer le toupet d'un archange;
Tandis qu'ailleurs la mere saint Bruno
Tout bonnement ourloit un lavabo.

Le chant étoit terminé par le récit d'une représentation d'Athalie, qu'on y donnoit à

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