Images de page
PDF
ePub

la souffre quelquefois parce qu'on n'est pas en état de la ressentir; on dissimule pour ne pas s'attirer de nouvelles forces sur les bras; mais nous cherchons ici ce qui est de droit, et non ce que la prudence peut dicter selon les conjonctures. Voyons donc en quoi doit exister cette impartialité qu'un peuple neutre doit garder.

Elle se rapporte uniquement à la guerre et comprend deux choses: 1° Ne point donner de secours quand on n'y est pas obligé; ne fournir librement ni troupes, ni armes, ni munitions, ni rien de ce qui sert directement à la guerre. Je dis ne pas donner de secours, et non pas en donner également; car il serait absurde qu'un Etat secourût en même temps deux ennemis. Et puis, il serait impossible de le faire avec égalité ; les mêmes choses, le même nombre de troupes, la même quantité d'armes, de munitions, etc., fournies en des circonstances différentes, ne forment plus des secours équivalents. 2o Dans tout ce qui ne regardera pas la guerre, une nation neutre et impartiale ne refusera pas à l'un des partis, en raison de sa querelle présente, ce qu'elle accorde à l'autre. Ceci ne lui ôte point la liberté dans ses négociations, dans ses liaisons d'amitié et dans son commerce, de se diriger sur le plus grand bien de l'Etat. Quand cette raison l'engage à des préférences pour des choses dont chacun dispose librement, elle ne fait qu'user de son droit. Il n'y a point là de partialité. Mais si elle refusait une de ces choses-là à l'un des partis, uniquement parce qu'il fait la guerre à l'autre et pour favoriser celui-ci, elle ne garderait plus une exacte neutralité. »

mollement peut-être d'une entreprise si injurieuse à sa dignité et à ses droits. Conduire des prisonniers, mener son butin en lieu de sûreté, sont des actes de guerre, et celui qui le permettrait sortirait de la neutralité en favorisant l'un des partis. Mais je parle ici des prisonniers et du butin qui ne sont pas encore parfaitement en la puissance de l'ennemi, dont la capture n'est pas encore pour ainsi dire pleinement consonmée. Par exemple, un parti faisant la petite guerre ne pourra se servir d'un pays voisin et neutre comme d'un entrepôt pour y mettre ses prisonniers et son butin en sûreté. Le souffrir ce serait favoriser et soutenir les hostilités. Quand la prise est consommée, le butin est entièrement entre les mains de l'ennemi, on ne s'informe pas d'où lui viennent ces effets; ils sont à lui; il en dispose en pays neutre. Un armateur conduit sa prise dans le premier port neatre et l'y vend librement; mais il ne pourrait y mettre à terre ses prisonniers pour les tenir captifs, parce que garder et retenir des prisonniers de guerre, c'est une continuation d'hostilités. »

Evidemment l'Etat neutre devrait être indemnisé, si l'une des parties belligérantes. lui avait causé un dommage quelconque, et les sujets de l'état neutre qui se trouvent sur le territoire de l'une des parties engagées dans la guerre doivent être respectés par l'autre partie comme s'ils se trouvaient sur le territoire de l'Etat neutre lui-même. Passage des troupes. Le passage des troupes d'une des puissances beiligérantes sur le territoire d'un Etat neutre est sujet à difficulté. Il est admis par tous les auteurs modernes que, quand le passage a lieu dans le but de porter plus facilement la guerre sur le territoire ennemi, d'attaquer l'ennemi sur un point imprévu, etc., l'Etat qui permettrait ce passage romprait la neutra

Il peut se faire, cependant, qu'un Etat fournisse des secours à l'une des parties belligérantes, sans rompre la neutralité; c'est lorsqu'il y est obligé en vertu d'un traité antérieur d'alliance, de subsides, etc. Il est admis, dans ce cas, que l'Etat qui alité, et celui qui l'opérerait de force viole

contracté ces obligations peut y satisfaire tout en conservant sa neutralité. Les exemples en sont fréquents dans l'histoire des guerres européennes.

Uu peuple neutre, poursuit Vattel, conserve avec les deux partis qui se font la guerre les relations que la nature a mises entre les nations; il doit être prêt à leur rendre tous les offices d'humanité que les nations se doivent mutuellement; il doit leur donner, dans tout ce qui ne regarde pas directement la guerre, toute l'assistance qui est en son pouvoir et dont ils ont besoin.....

« Les étrangers ne pouvant rien faire dans un territoire contre la volonté du souverain, il n'est pas permis d'attaquer son ennemi dans un pays neutre, ni d'y exercer aucun autre acte d'hostilité. La flotte hollandaise des Indes orientales s'étant retirée dans le port de Bergue en Norwége, en 1666, pour échapper aux Anglais, l'amiral ennemi osa l'y attaquer. Mais le gouverneur de Bergue fit tirer le canon sur les assaillants, et la cour de Danemarck se plaignit trop

rait la neutralité. Il n'en serait pas de même du passage innocent, c'est-à-dire de celui qui ne pourrait pas directement nuire à l'ennemi. « Le passage innocent, dit Vattel, est dû à toutes les nations avec lesquelles on est en paix; et ce devoir s'étend aux troupes comme aux particuliers. Mais c'est au maitre du territoire à juger si le passage est innocent, et il est très-difficile que celui d'une armée le soit entièrement. Les terres de la République de Venise, ceiles du Pape dans les dernières guerres d'Italie, ont souffert de très-grands dommages par le passage des armées, et sont devenues souvent le béâtre de la guerre. » Celui qui veut obtenir le passage doit le demander; mais souvent le plus puissant le prend de vive force, et dans ce cas, on ne pourrait reprocher au plus faible d'avoir rompu la neutralité. en est de même encore quand il ne l'a pu refuser sans s'engager dans une guerre avec un Etat auquel il serait incapable de résister, comme cela est arrivé souvent pour des petits princes d'Allemagne ou d'Italie.

Le passage ne peut être refusé, de même que la retraite sur un territoire neutre, à une armée poursuivie par un ennemi viclorieux. « Mais d'un autre côté, dit Vattel, il est certain que si mon voisin donnait retraite à mes ennemis lorsqu'ils auraient dû fuir et se trouveraient trop faibles pour m'échapper, leur laissant le temps de se refaire et d'épier l'occasion de tenter une nouvelle irruption sur mes terres, cette conduite si préjudiciable à ma sûreté et à mes intérêts serait incompatible avec la neutralité. Lors donc que mes ennemis battus se retirent chez lui, si la charité ne lui permet pas de leur livrer passage et sûreté, il doit les faire passer outre le plus tôt possible, et ne point souffrir qu'ils se tiennent aux aguets pour m'attaquer de nouveau; autrement il me met en droit de les aller chercher dans ses terres. C'est ce qui arrive aux nations qui ne sont pas en état de faire respecter leur territoire; le théâtre de la guerre s'y établit bientôt; on y marche, on y campe, on s'y bat comme en un pays Ouvert à tous venants.»>

[ocr errors]

Commerce des neutres. Le droit de commercer avec les puissances belligérantes n'est pas rationnellement supprimé par l'Etat de guerre, et on concevrait que s'il n'existait pas à cet égard d'autres coutumes, les nations neutres pussent vendre à ces puissances même des munitions de guerre et autres objets semblables, pourvu qu'elles fissent les conditions égales aux deux parties. Mais dans l'usage actuel de l'Europe ce commerce a reçu de notables restrictions, et c'est sur ce point que s'élèvent les questions les plus graves que présente la neutralité. Ces questions sont relatives à la contrebande de guerre, au commerce maritime et à la visite des bâtiments neutres, aux ports bloqués, au transport des biens de l'ennemi sur un bâtiment neutre et réciproquement.

L'usage généralement admis défend aux neutres de transporter dans les pays des puissances belligérantes les objets qui peuvent servir à la guerre, notamment les armes, les harnais de chevaux, les munitions, les objets servant'à l'équipement des vaisseaux de guerre. Tous ces objets sont compris sous la dénomination de contrebande de guerre. L'usage et beaucoup de traités admettent également que la contrebande de guerre qu'une puissance belligé rante trouve sur les bâtiments neutres, peut être contisquée au profit de cette puissance.

Pour s'assurer si un bâtiment neutre contient de la contrebande de guerre, les usages généralement admis permettent aux vaisseaux de guerro des puissances belligérantes de le visiter. Lorsqu'un navire neutre rencontre un vaisseau de guerre ou d'armateur d'une puissance belligérante, il doit s'en approcher et lui permettre de s'assurer que le bâtiment est réellement neutre et qu'il ne contient pas de marchandise suspecte. S'il navigue sous convoi, c'est-à-dire, sous l'es

corte de navires de guerre neutres, il suffit que l'officier commandant le convoi donne sa parole d'honneur sur les points qui font l'objet de la visite. Lorsque le navire marchand navigue sans convoi, la vérification se fait au moyen de la production des papiers de mer, des livres de bord, des chartes parties et connaissements; en cas de soupçon, la visite du bâtiment même et des marchandises qu'il contient peut toujours avoir lieu.

Les bâtiments de commerce neutres sont ordinairement admis sans obstacle dans les ports des puissances belligérantes qui ellesmêmes statuent le plus souvent certaines règles à cet égard. Mais cette faculté cesse quand un port est déclaré en état de blocus. Le blocus consiste à entourer une ville, un port, une place de troupes qui empêchent cette ville ou ce port de commu

iquer avec le dehors ou avec la mer. Tout lieu bloqué doit être considéré par les neutres comme étant au pouvoir des puissances belligérantes, et ils doivent parconséquent s'abstenir de tout commerce avec ce lieu. Les puissances belligérantes peuvent, pour empêcher ce commerce, confisquer les navires et les cargaisons des neutres qui ne respecteraient pas le blocus. Dans ce cas, les bâtiments neutres sont de bonne prise, comme ceux de l'ennemi dont on s'empare.

Il peut arriver que des bâtiments neutres transportent des marchandises ou des biens quelconques appartenant à l'une des puissances belligérantes. En principe, ces biens doivent être respectés par l'autre de ces puissances, comme s'ils se trouvaient sur le territoire même de l'état neutre. C'est ce qu'on explique par le principe que le pavillon couvre la marchandise. D'autre part, quand on prend un bâtiment ennemi, et qu'on y trouve des biens appartenant à un neutre, ils doivent être respectés en principe, de même que les sujets et les biens des neutres qu'on trouve sur le territoire ennemi.

Tels sont les principes que dictent l'équité naturelle combinée avec les nécessités de la guerre. Mais on ne s'en est pas tenu jusqu'ici à ces principes.

Dans le dernier siècle, !'Angleterre prétendant à la domination des mers a singulièrement étendu à son profit les droits des puissances belligérantes à l'égard des neutres. Son exemple a été suivi par d'autres puissances. On étendit et on appliqua d'une manière arbitraire les règles relatives à la contrebande de guerre et on confisqua des marchandises qui n'en étaient nullement. L'Angleterre refusa de reconnaître le principe que le pavillon couvre la marchandise, elle prétendit que les neutres respectassent le blocus des ports de ses ennen.is, même quand ce blocus n'était pas effectif et qu'il he se trouvait pas un nombre de vaisseaux de guerre suffisant pour en défendre l'entrée. Les marines de second ordre souffraieut beaucoup de ces prétentions qui furent ap

pliquées surtout avec beaucoup de rigueur dans la guerre de Sept ans. Enfin, en 1780, quand la guerre eut de nouveau éclaté entre la France et l'Angleterre à l'occasion de l'insurrection américaine, la Russie prit l'initiative d'une neutralité armée à laquelle accédèrent immédiatement le Danemarck, la Suède, la Hollande, la Prusse, l'Autriche, le Portugal et les Deux-Siciles. Ces puissances en déclarant leur neutralité avaient déclaré en même temps qu'elles feraient respecter par la voie des armes les principes suivants que nous empruntons à l'ouvrage de Kluber (Droit des gens moderne de l'Europe):

1 Les vaisseaux neutres peuvent naviguer librement de port en port et sur les côtes des nations eu guerre.

« 2 Les effets appartenant à des sujets des puissances en guerre sont libres sur les vaisseaux neutres, à l'exception de la contrebande de guerre.

3. Ne peuvent être considérées comme contrebande de guerre que les marchandises qui ont été expressément déclarées telles dans les traités.

« Un port n'est bloqué que lorsqu'il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux stationnés et suffisamment proches, un danger évident d'y

[blocks in formation]

de la neutralité.

rompu le blocus dès qu'il y aurait de la probabilité que la déclaration de la mise en état de blocus était parvenue à sa connaissance avant ou durant sa course. >>

Ce furent ces prétentions qui motivèrent le système continental de Napoléon, formulé dans les décrets de Berlin du 21 novembre 1806 et dans celui de Milan du 17 décembre 1807, dont voici le texte :

DÉCRET DE BERLIN.

Napo.éon....

:

Considérant 1° Que l'Angleterre n'admet pas le droit des gens suivi universellement par tous les peuples policés; 2° Qu'elle réputé ennemi tout individu appartenant à l'Etat ennemi, et fait par conséquent prisonniers de guerre non-seulement les équipages des vaisseaux armés en guerre, mais encore les équipages des vaisseaux de commerce et des navires marchands, et même les facteurs de commerce et les négociants qui voyagent pour affaires de leur négoce ; 3° Qu'elle étend aux bâtiments et marchandises du commerce et aux propriétés des particuliers le droit de conquête, qui ne peut s'appliquer qu'à ce qui appartient à l'Etat ennemi; 4° Qu'elle étend aux villes et ports de commerce non fortifiés, aux mers et aux embouchures des rivières le droit de blocus, qui, d'après la raison et l'usage des peuples policés, n'est applicable qu'aux places fortes; qu'elle déclaré bloquées des places devant lesquelles elle n'a pas même un seul bâtiment de guerre, quoiqu'une place ne soit bloquée que quand elle est tellement investie, qu'on ne puisse tenter de s'en approcher sans un danger imminent; qu'elle déclare même en état de blocus des lieux que toutes ses forces réunies seraient incapables de bloquer, des côtes entières et tout un empire; 5° Que cet abus monstrueux du droit de blocus n'a d'autre but que d'empêcher les communications entre les peuples et d'élever le commerce et l'industrie de l'Angleterre sur la ruine de l'industrie et du commerce du continent; 6° Que tel étant le but évident de l'Angleterre, quiconque fait sur le continent le commerce des marchandises anglaises favorise par là ses desseins et s'en rend complice ; 7° Que cette conduite de l'Angleterre, digne en tout des premiers âges de la barbarie, a profité à cette puissance au détriment de toutes les autres; 8° Qu'il est de droit naturel d'opposer à l'ennemi les armes dont il se sert et de le combattre de la même manière qu'il combat, lorsqu'il méconnaît toutes les idées de justice et tous les sentiments libéraux, résultats de la civilisation parmi les homDes Nous avons résolu d'appliquer à l'Angleterre les usages qu'elle a consacrés dans sa législation maritime. Les dispositions du présent décret seront constamment con sidérées comme principe fondamental de l'empire jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu que le droit de la guerre est un et le même sur terre que sur mer; qu'il aux propriétés prine peut s'étendre aux

Pendant la première période de ces guerres, cette question ne fut pas agitée. Mais, en 1800, la Russie renouvela avec la Suède, le Danemarck et la Prusse, la neutralité armée de 1780. Ces conventions cependant furent bientôt modifiées et la conduite de l'Angleterre nécessita bientôt des nouvelles mesures. « La Grande-Bretagne, dit Kluber, employa, surtout depuis 1806, sa prépondérance maritime pour faire valoir contre les neutres le même principe qu'elle avait déjà précédemment établi dans plusieurs traités, notamment dans ceux avec les Etats-Unis et les villes hanséatiques, portant que le pavillon ne couvre point la cargaison ou la marchandise. Elle y joignit la prétention que même les navires marchands naviguant sous convoi devaient se soumettre à la visite de ses vaisseaux de guerre et de ses armateurs. Elle soutint que des côtes et des provinces entières, dans le seus le plus étendu, pouvaient être mises en état de blocus par une simple déclaration (blocus fictif ou sur papier); qu'a cet effet il devait suffire qu'elle donnât une notification publique quelconque en envoyant croiser sur les côtes en question des navires armés en guerre; qu'enfin tout bâtiment neutre, naviguant vers les côtes ou ports désignés, devait être reputé avoir, DICTIONN. DES SCIENCES POLITIQUES. III.

2

vées, quelles qu'elles soient, ni à la personne des individus étrangers à la profession des armes, et que le droit de blocus doit être restreint aux places fortes réellement investies de forces suffisantes. Nous avons en conséquence décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1. Les Iles Britanniques sont déclarées en état de blocus.

Art. 2. Tout commerce et toute correspondance avec les lles Britanniques sont interdits. En conséquence toutes lettres ou paquets adressés en Angleterre, ou à un anglais, ou écrits en langue anglaise, n'auront pas cours aux ports et seront saisis.

Art. 3. Tout individu sujet d'Angleterre, de quelque état et condition qu'il soit, qui sera trouvé dans les pays occupés par nos troupes ou celles de nos alliés sera fait prisonnier de guerre.

Art. 4. Tout magasin, toute marchandise, toute propriété, de quelque nature qu'elle puisse être, appartenant à un sujet de l'Angleterre, sera déclarée de bonne prise.

Art. 5. Le commerce des marchandises anglaises est défendu ; et toute marchandise appartenant à l'Angleterre ou provenant de ses fabriques et de ses colonies, est déclarée de bonne prise.

Art. 6. La moitié du produit de la confiscation des marchandises et propriétés déclarées de bonne prise par les articles précédents, sera employée à indemniser les négociants des pertes qu'ils ont éprouvées par la prise des bâtiments de commerce qui out été enlevés par des croisières anglaises.

Art. 7. Aucun bâtiment venaut directement d'Angleterre ou des colonies anglaises, ou y ayant été depuis la publication du présent décret, ne sera reçu dans aucun port. Art. 8. Tout bâtiment qui, au moyen d'une fausse déclaration, conireviendra à la disposition ci-dessus, sera saisi, et le navire et et la cargaison seront contisqués comme s'ils étaient propriété anglaise.

Art. 9. Notre tribunal des prises de Paris est chargé du jugement définitif de toutes contestations qui pourront survenir dans notre empire ou dans les pays occupés par les armées françaises, relativement à l'exécution du présent décret. Notre tribunal des prises de Milan sera chargé du jugement définitif desdites contestations qui pourront survenir dans l'étendue de notre royaume d'Italie.

Art. 10. Communication du présent décret sera donné par notre ministre des relations extérieures aux rois d'Espagne, de Naples, de Hollande et d'Etrurie, et à nos autres alliés dont les sujets sont victimes, comme les nôtres, de l'injustice et de la barbarie de la législation maritime anglaise.

DÉCRET DE MILAN.

Napoléon.....

Vu les dispositions arrêtées par le gouvernement britannique en date du 11 novembre dernier, quí assujettissent les bâ

timents des puissances neutres, amies ou même alliées de l'Angleterre, non-seulement à une visite par les croiseurs anglais, mais encore à une station obligée en Angleterre et à une imposition arbitraire de tout provient sur leur chargement qui doit être réglée par la législation anglaise Considérant que par ces actes le gouvernement anglais a dénationalisé les bâtiments de toutes les nations de l'Europe; qu'il n'est au pouvoir d'aucun gouvernement de transiger sur son indépendance et sur ses droits, tous les souverains de l'Europe étant solidaires de la souveraineté et de l'indépendance de leur pavillon; que si, par une faiblesse inexcusable et qui serait une tache ineffaçable aux yeux de la postérité, on laissait passer en principe et consacrer par l'usage une pareille tyrannie, les Anglais en prendraient acte pour l'établir en droit, comme ils ont profité de la tolérance des gouvernements pour établir l'infâme principe que le pavillon ne couvre pas la inarchandise, et pour donner à leur droit de blocus une extension arbitraire et attentatoire à la souveraineté de tous les Etats: Nous avons décreté et décretons ce qui suit:

Art. 1. Tout bâtiment de quelque nation qu'il soit, qui aura souffert la visite d'un vaisseau anglais ou se sera soumis à un voyage en Angleterre, et aura payé une imposition quelconque au gouvernement anglais, est par cela seul déclaré dénationalisé, a perdu la garantie de son pavillon et est devenu propriété anglaise.

Art. 2. Soit que lesdits bâtiments ainsi dénationalisés par les mesures arbitraires du gouvernement anglais, entrent dans nos ports ou dans ceux de nos alliés, soit qu'ils tombent au pouvoir de nos vaisseaux de guerre ou de nos corsaires, ils sont déclarés de bonne et valable prise.

Art. 3. Les lles Britanniques sont déclarées en état de blocus sur mer comme sur terre. Tout bâtiment de quelque nation qu'il soit, quel que soit sou chargement, expédié des ports d'Angleterre ou des colonies anglaises, ou de pays occupés par des troupes anglaises, ou allant en Angleterre ou dans les colonies anglaises, ou dans les pays occupés par les troupes anglaises, est de bonne prise comme contrevenant au présent décret; il sera capturé par nos vaisseaux de guerre ou par nos corsaires et adjugé au capteur.

Art. 4. Ces mesures qui ne sont qu'une juste réciprocité pour le système barbare adopté par le gouvernement anglais, qui assimile sa législation à celle d'Alger, cesseront d'avoir leur effet pour toutes les nations qui sauront obliger le gouvernement anglais à respecter leur pavillon. Elles continueront d'être en vigueur pendant tout le temps que ce gouvernement ne reviendra pas aux principes du droit des gens, qui règlent les relations des Etats civilisés dans l'état de guerre. Les dispositions du présent décret seront abrogées et nulles par le

fait, dès que le gouvernement anglais sera revenu aux principes du droit des gens, qui sont aussi ceux de la justice et de l'hon

neur.

Voici, suivant Kluber, les mesures que l'Angleterre opposa à celles qu'avait prises Napoléon:

Par l'exclusion du commerce anglais des ports de l'Allemagne méridionale, que la France avait effectuée dès le mois de mars 1806, la Grande-Bretagne se crut provoquée à prendre aussi de son côté des mesures plus rigoureuses. Il parut le 16 mai 1806 un ordre du conseil par lequel toutes les côtes, rivières et ports, depuis l'Elbe jusqu'au port de Brest inclusivement, furent déclarées en état de blocus, avec cette modification qu'il serait libre aux vaisseaux neutres qui n'auraient à bord ni propriété ennemie, ni contrebande de guerre, d'approcher desdites côtes, d'entrer ou de faire voile desdites rivières et ports, excepté les côtes, rivières et ports depuis Ostende jusqu'à la Seine, pourvu que lesdits bâtiments qui approcheraient ou qui entreraient ainsi, n'eussent pris leur cargaison dans aucun port appartenant aux ennemis de la GrandeBretagne ou en leur possession, et que lesdits bâtiments qui feraient voile desdites rivières et ports, ne seraient destinés pour aucun port appartenant aux ennemis de la Grande-Bretagne ou en leur possession, et n'auraient pas préalablement enfreint le droit de blocus. Un second ordre du conseil du 7 janvier 1807, opposé au décret français de Berlin, déclara qu'aucun bâtiment. ne pourrait faire le commerce d'un port avec un autre, si ces ports appartenaient ou étaient eu la possession de la France ou de ses alliés, ou lui étaient soumis pour n'avoir aucun commerce avec l'Angleterre, et que tout vaisseau neutre averti ou instruit de cet ordre, que l'on trouverait faisant route pour un port semblable, serait capturé, amené et déclaré, ainsi que sa cargaisorr, de bonne et valable prise.

Napoléon ayant alors déclaré les Iles Britanniques en état de blocus par le décret de Berlin, le gouvernement anglais ordonna par un troisième ordre du conseil en date da 11 novembre 1807, « que tous les ports et toutes les places de France et de ses alliés, ceux de tout autre pays en guerre avec la Grande-Bretagne, ceux des pays 'Europe dont le pavillon anglais était exclu, quoique ces pays ne fussent pas en guerre avec la Grande-Bretagne, qu'entin tous les ports et places des colomes appartenant aux ennemis de celle puissance, seraient désormais soumis aux mêmes restrictions relativement au commerce et à la navigation, que s'ils étaient réellement bloqués de la manière la plus rigoureuse; que tout commerce des articles provenant du sol et des manufactures des pays sus-mentionnés, serait désormais regardé comme illégal, que tout autre navire quelconque partant de yes pays ou devant s'y rendre serait capturé légitimement, et la prise avec de sa car

gaison adjugée au capteur; que tout navire qui porterait un certificat d'origine d'après lequel les objets embarqués ne provenaient ni de possessions ni de manufactures anglaises, serait déclaré, si le propriétaire avait eu connaissance de l'ordre en question, de bonne prise et adjugé au capteur, avec toutes les marchandises appartenant aux puissances par lesquelles ou pour lesquelles le certificat aurait été pris. Ce même ordre du conseil avait fait plusieurs exceptions à ces mesures, et il en fut admis dans trois autres ordres datés des 25 novembre et 18 décembre 1807, et 30 mars 1808, surtout en ce qu'il fut permis aux neutres d'entrer dans les ports non anglais, à la charge seulement de mouiller en Angleterre, d'y prendre des licences et d'y acquitter certains droits. »

En 1809 le gouvernement britannique révoqua ses ordres du conseil relativement à une partie des côtes. En 1811 et 1812, la France et l'Angleterre révoquèrent leurs décrets à l'égard des bâtiments américains. Les événements de 1814 et 1815 annulèrent complétement toutes ces dispositions.

Depuis cette époque les questions agitées au sujet de la neutralité sont restées en suspens, aucune guerre européenne n'ayant donné l'occasion, jusqu'à ces derniers temps, de les mettre en pratique. Mais la guerre qui a éclaté récemment entre la Russie d'une part, la Porte, la France et l'Angleterre. de l'autre, doit de nouveau en motiver l'application, et jusqu'ici il est permis de croire que cette application sera couforme aux règles de la justice, et qu'elle respectera les droits de la neutralité. A la suite de la déclaration de guerre, la France et l'Angleterre ont pris en effet des mesures analogues, dont la première est une déclaration qui accorde un délai de six semaines aux navires russes pour sortir des ports français ou anglais, et qui ordonne aux croiseurs de relâcher ceux de ces bâtiments qui établissent, par leurs papiers de bord, qu'ils se rendent directement à leur port de destination, et qu'ils n'ont pu encore y parvenir. La secoude déclaration relative aux neutres, aux lettres de marque, est ainsi conçue pour la France:

S. M. l'empereur des Français ayant été forcée de prendre les armes pour soutenir un allié, désire rendre la guerre aussi peu onéreuse que possible aux puissances avec lesquelles elie demeure en paix. Atin de garantir le commerce des neutres de toute entrave inutile, S. M. consent pour le présent à renoncer à une partie des droits qui lui appartiennent comme puissance belligérante, en vertu du droit des gens. - II est impossible à S. M. de renoncer à son droit de saisir les articles de contrebande de guerre, et d'empêcher les neutres de transporter les dépêches de l'ennemi. Elte doit ainsi maintenir intact son droit comme puissance belligéraute, d'empêcher les neutres de violer tout blocus effectif qui serait Ds à l'aide d'une force suffisante devant

« PrécédentContinuer »