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« Ses attributs consistèrent à connaître des causes qui lui furent soumises directement, à juger les appels et à recevoir les rôles des bailliages.

« Le privilége de Committimus, c'est-à-dire de porter une cause à sa barre sans intermédiaire, fut accordé souvent à des nobles, à des officiers de la maison du roi, à des communautés. Avec le temps il devint plus commun sans cesser d'être une faveur. Il fut accordé à tous les prélats en 1290; on peut croire que les hauts barons en jouissaient aussi.

« Le parlement reçut des appels en trèsgrand nombre, dès que l'usage s'en fut introduit. On y porta d'abord tous ceux des justices royales; on dut y porter ensuite ceux des tribunaux seigneuriaux placés dans les domaines du roi, et qui furent par là privés de leur souveraineté; du moins on trouve cette règle établie en 1270, en ce qui touche les justices séculières des ecclé siastiques dans ces domaines.

«Enfin le parlement reçut et examina les rôles des bailliages; ses fonctions, en cela, n'étaient pas exclusivement judiciaires. Les baillis devaient venir assister eux-mêmes aux séances, d'abord toutes les fois qu'elles avaient lieu, puis deux fois et même une seule fois chaque année, quand elles devinrent plus nombreuses et que le domaine fut plus étendu. Plus tard même le temps de leur voyage fut limité à six semaines, leur présence dans les bailliages étant jugée nécessaire.

Quand la compétence eut été ainsi établie, Philippe le Bel régla la division des chambres suivant les besoins du service. Il y eut trois chambres : 1° celle des requêtes où l'on jugeait les causes portées directement on la divisa même en deux sections, l'une pour les requêtes de droit coutumier, l'autre pour celles de droit écrit; 2° celle des enquêtes, instruisant les affaires sur les quelles l'appel était interjeté; 3° la grande chambre ou chambre du plaidoyer, qui jugeait les affaires préparées aux enquêtes. Les prélats et les barons siégaient seuls dans la grande chambre; ils étaient conseillers-nés du parlement, et ne recevaient aucuns gages. Les légistes n'étaient admis que dans la chambre des requêtes ou celle des enquêtes; ils avaient des gages, recevaient des manteaux deux fois l'an, et portaient la livrée royale.

« Dès que la magistrature fut constituée, les différents corps qui lui sont annexés se constituèrent également. L'ordre des avocats fut ressuscité sans doute par les légistes; ses statuts furent rédigés au nom du roi en 1274, et le clergé inférieur conserva longtemps l'exercice de cette profession.

La formation du barreau fut suivie de celle du ministère public. Autrefois les comtes, sénéchaux et autres présidents des cours de justice ne jugeaient pas; ils ne faisaient que présider chaque tribunal; et comme ils étaient les agents du roi à peu près en toute espèce de services, ils pre

naient aussi la défense de ses droits. Ou sentit bientôt la nécessité de contier cette défense à des agents spéciaux. On trouve déjà, en 1302, des avocats et des procureurs du roi, assistés de substituts, magistrals de création nouvelle, inconnus au temps de saint Louis. Ils étaient chargés spécialement des causes fiscales et domaniales, mais ils pouvaient continuer de plaider pour des particuliers, comme ils l'ont toujours fait en Angleterre, et ils conservèrent cette faculté jusqu'au roi Jean, qui la leur enleva et la restreignit dans des limites étroites (1351).

« Les charges d'avocat et de procureur du roi furent exclusivement occupées par des légistes; on comprit quelle était leur importance, et on en créa successivement auprès de tous les tribunaux, d'abord dans les pays de droit écrit, plus tard dans la France entière. Dès son origine le ministère public ne se borna pas à présenter des conclusions sur les droits du roi. Il eut en main la recherche et la poursuite des criminels, autrefois attribuées aux comtes par les lois barbares.

« Enfin les greffiers et les notaires, dont la profession était libre dans le principe, commencèrent à recevoir l'institution royale. Il y avait, dès 1270, deux greffiers au parlement, qui portaient le nom de notaires du roi, un clerc au civil et un laïque au criminel. Jean de Montluc, chevalier et greffier civil vers cette époque, fut le premier qui publia les Olim ou registres de la cour. En 1302, Philippe le Bel régla, par un tarif, les taxations des notaires royaux ordinaires comme les honoraires des avocats. Il ordonna au parlement de les choisir parmi les personnes de bonnes mœurs et habiles, et voulut qu'ils fissent parapher leurs registres par un tribunal royal. »

L'organisation judiciaire se trouvait done constituée dans ses principaux éléments au commencement du xiv siècle. Cette organisation se développa dans ce siècle et les suivants, mais sans subir de changements essentiels. Le parlement, confondu dans l'origine avec le conseil du roi et les états généraux, en devint tout à fait distinct après Philippe le Bel. Le conseil du roi conserva peu d'attributions judiciaires. Le parlement devint sédentaire et permanentjà la même époque, tandis qu'auparavant il suivait le roi et avait deux sessions annuelles. En 1345, les membres du parlement, qui auparavant n'avaient été nommés que par session, furent nommés à vie. En 1401, le parlement obtint le droit de nommer luimême ses membres, et bientôt ses charges devinrent héréditaires et purent être vendues. Cette vénalité des charges contre laquelle la royauté ct les états généraux luttèrent d'abord, finit peu à peu par s'établir par des raisons fiscales et par s'étendre à toutes les charges judiciaires. Sous François 1", elle devint un des moyens les plus usités de la couronne pour se procurer de

l'argent

D'autres parlements, sur lesquels nous reviendrons plus bas, furent créés successivement dans les provinces acquises au domaine de la couronne.

Les baillis et les sénéchaux continuèrent à tenir leurs assises; mais, au lieu des pairs ou des jurés originaires, on exigea qu'ils eussent des assesseurs qui fussent hommes de loi, et ces magistrats eux-mêmes furent obligés, à la fin du xv siècle, de se faire remplacer par des lieutenants docteurs ou licenciés en droit. Les baillis recevaient l'appel des prévôts et des juges inférieurs ; ils étaient les juges ordinaires et en premier ressort du clergé et de la noblesse. Ils connaissaient un grand nombre de cas royaux. On en appelait de leurs jugements au parlement de Paris.

Les Justices patrimoniales perdirent de plus en plus de leur importance. A partir du XIV siècle, beaucoup de seigneurs firent à ce sujet des concessions volontaires à la royauté. Plus tard on racheta beaucoup de ces justices. Ceux qui subsistaient se virent enlever successivement toutes les affaires importantes et furent soumis à des règle ments et à des mesures de contrôle qui les mettaient presque entièrement dans la dépendance des officiers royaux. En théorie le droit de justice appartenant aux seigneurs fut considéré comme une concession royale tout à fait indépendante des fiefs, et les légistes ne tardèrent pas à poser un principe qui ruinait complétement l'institution féodale, celui que toutejustice émane du roi.

A côté des organes ordinaires de la justice il subsistait néanmoins une foule de juridictions particulières provenant d'anciennes coutumes ou établies en vue de divers services administratifs. Parmi ces juridictions l'une des plus curieuses est celle des maitres de l'hôtel, régularisée lorsque, sous Philippe le Long, le parlement fut séparé définitivement du conseil et que le roi ne parut plus en personne au parlement que dans les circonstances solennelles. Voici, suivant M. Dareste, l'origine de cette institution: L'usage voulait qu'à certains jours les rois jugeassent en personne et sommairement ; tout le monde était admis, les pauvres sur tout, à leur présenter des requêtes sur des causes simples et qu'on pouvait facilement expédier. Leurs assises se tenaient à la porte du palais et souvent, du temps de saint Louis, sous le chêne de Vincennes. Quelques officiers de la cour servaient au roi d'assesseurs, recevaient les plaintes des parties et en faisaient le rapport quand ils croyaient y devoir donner suite.» Telle fut l'origine des maitres des requêtes de l'hôtel du roi, dont la competence, réglée par Philippe le Long, s'étendit à toutes les causes personnelles des officiers du palais, à toutes les contestations élevées au sujet des offices royaux. Leur juridiction était donc toute de privilége. Ils n'étaient institués que pour l'expédition prompte des affaires concernant les personnes de la cour et pour recevoir les requêtes

adressées directement au roi. Près d'eux la procédure était sommaire, les plaidoiries et les conseils pour les pauvres, gratuits.

Au xvi" siècle, fut créé un nouveau degré de juridiction intermédiaire entre les bailliages et les prévôtés. Ce furent les présidiaux, établis au nombre de 43 dans le ressort du parlement de Paris et en nombre proportionnel dans les autres ressorts. Chacun d'eux était composé de 9 juges. Outre les appels des prévôtés, ils eurent à juger certaines causes spéciales.

Nous ne parlerons pas des modifications de détail que subirent successivement ces divers tribunaux, ni des divers règlements qui changèrent à plusieurs reprises l'orga nisation du parlement de Paris. Nous devons dire quelques mots néanmoins des grands la tenue fut réglée par les ordonnances de jours, souvenir des assises anciennes, dont Blois de 1499 et de 1579. D'après ces ordonnances les parlements devaient tenir tous les ans des sessions solennelles dans les villes de leur juridiction les plus éloignées du lieu de leur siége habituel. « On voulait, dit appareil aux provinces qui la connaissaient M. Dareste, montrer la justice avec un sévère le moins et y assurer le maintien de l'ordre qui y était fréquemment troublé, malgré les pouvoirs accordés pour ce sujet aux tribunaux présidiaux. »

Dans l'origine, le parlement de Paris avait de la couronne, et il tendait à devenir la exercé sa juridiction sur tout le domaine cour suprême pour le royaume tout entier. En effet, l'ancien parlement des ducs de Normandie, l'Echiquier de Ronen, dut souffrir que l'appel de ses arrêts fût porté au parlement de Paris; le premier parlement de Toulouse ne fut qu'une chambre du parlement de Paris, chargée spécialement des affaires du Languedoc. Mais peu à peu on préféra donner aux cours supérieures des territoires acquis à la couronne une juridiction souveraine et les assimiler au parlement de Paris, afin de ne pas trop multiplier les degrés de juridiction. Les parlements qui furent ainsi conservés ou créés successivement furent les suivants :

Le parlement de Toulouse, créé d'abord par Philippe le Bel, supprimé et rétabli plusieurs fois, reçut enfin son organisation définitive en 1471.

La cour supérieure du Dauphiné, siégeant à Grenoble, faut érigée en parlement en 1453.

Le parlement de Bordeaux fut institue en 1462.

Le parlement de Bourgogne, institué à Dijon par Philippe le Harti, fut reconnu souverain en 1477 après la réunion de la Bourgogne à la France, et institué déanitivement comme parlement royal en 1480.

L'échiquier de Normandie, qui ne devint permanent qu'à partir de 1499, reçut en 1508 les priviléges du parlement de Paris, et prit en 1515 le titre de parlement de Nor

imandie.

Le conseil souverain d'Aix en Provence,

créé en 1415, fut érigé en parlement en 1501.

La cour supérieure de Bretagne, connue sous le nom de Grand-Jours, devint parlement souverain en 1553.

La petite principauté de Dombes eut aussi son tribunal souverain, qui prit en 1538 le nom de parlement de Dombes, et qui fut plus tard transporté à Trévoux.

Sous Louis XIII, deux parlements furent créés, l'un à Pau, en 1620, pour le Béarn; 'autre à Metz, en 1633, pour les trois évêchés.

Sous Louis XIV, la Flandre française eut son conseil souverain en 1668, qui fut transféré à Douai en 1686, et devint parlement.

Le parlement de Franche-Comté fut élabli à Besançon en 1676.

L'Alsace eut un conseil souverain depuis 1657, et qui fut transféré à Colmar en 1698. Des conseils souverains analogues, et qui avaient la plupart des attributions des parlements furent établis en 1660 à Perpignan, pour le Roussillon, et en 1677 à Arras, pour l'Artois.

Enfin, sous Louis XV, fut institué en 1775, le parlement de Lorraine, siégeant à Nancy. Les rouages secondaires de l'administration judiciaire s'étaient développés en même temps. Le ministère public avait pris une forme très analogue à celle qu'il a aujourd'hui. A côté de la corporation des avocats, il s'en était formé une autre, celle des procureurs, dont la corporation fut érigée en titre d'office en 1620, et qui reçurent ainsi un caractère public. Leurs fonctions étaient à peu près les mêmes que celles de nos avoués actuels. La corporation des procureurs et de leurs clercs formait la basoche, célèbre par les représentations dramatiques qu'elle donnait au palais et par la part qu'elle prit souvent dans les troubles civils. Les notaires n'avaient dans l'origine pour fonction que de rédiger les actes, landis que d'autres agents, les tabellions, étaient chargés de les conserver; ces deux corporations furent réunies au XIV siècle, et plus tard les notaires furent investis en outre des attributions extra-judiciaires, qu'ils remplissent encore actuellement, comme de dresser les inventaires. Enfin les huissiers ou sergents, chargés de l'exécution des actes judiciaires, et qui usaient des mêmes moyens de contrainte dont on se sert aujourd'hui, formèrent aussi une corporation, et leurs actes furent tarifés dès le xiv' siècle.

Telle était l'organisation judiciaire antérieure à la révolution. Bien qu'elle fût assez simple dans ses traits généraux, elle offrait néanmoins une foule de rouages de détail et de particularités qui, dans la pratique, en compliquaient singulièrement le jeu. Les justices seigneuriales qui subsistaient en partie et qui n'étaient pas réglées uniformé ment dans toutes les localités; les tribunaux particuliers des pays ajoutés successiveinent au domaine de la couronne, qui s'élaient conservés aussi en partie et dont la

position vis-à-vis des tribunaux royaux n'était pas la même partout; la multitude et la diversité des degrés de juridiction; la position moitié politique, moitié judiciaire des parlements (voy. ce mot), ne contribuaient pas à rendre l'action de la justice prompte et facile. Si l'on ajoute que la juslice était très-coûteuse pour les justiciables, car quoiqu'elle fût rendue gratuitement eu principe et que les magistrats reçussent des honoraires de l'État, l'usage s'était néanmoins introduit que les plaideurs leur offrissent des cadeaux appelés épices, et si en outre l'on considère que toutes les charges de la magistrature et des affaires judiciaires étaient héréditaires et vénales, et qu'à cause de la vénalité même, elles s'étaient multipliées à l'infini, le gouvernement en ayant créé indéfiniment par des raisons purement fiscales, on comprendra que cette organisation ait soulevé des plaintes nombreuses et qu'il fut indispensable, au moment de la révolution, de lui faire subir une rénovation complète.

Organisation judiciaire depuis 1789. Dès la première année de sa session, l'assemblée constituante supprima les parlements et toutes les anciennes magistratures, et bientôt elle remplaça ce système par une organisation' toute nouvelle dont voici les traits principaux :

Le décret du 16 août 1790 établit d'abord les tribunaux civils et de police.

La France avait été divisée déjà en départements, districts et cantons. L'assemblée décida qu'il y aurait dans chaque canton un juge de paix, élu par l'assemblée primaire du canton, ainsi que quatre nolables chargés d'être ses assesseurs; que ce juge de paix, assisté de deux assesseurs, connaîtrait en dernier ressort jusqu'à la valeur de 50 francs, à charge d'appel jusqu'à la valeur de 100 fr., qu'en outre il connaîtrait de certaines actions possessoires, des injures verbales etc.

L'assemblée voulut que toute contestation fût portée auparavant devant le juge de paix, afin que celui-ci essayât de concilier les parties. Cette institution comme celle des juges de paix a été conservée dans la législation actuelle.

Dans chaque district il fut établi un tribunal de première instance. Le nombre des districts étant plus considérable que celui des départements actuels, celui des tribunaux de première instance l'était plus également. Chaque tribunal dut être composé de cinq juges, ou de six dans les grandes villes; le juge élu le premier était président du tribunal; les juges étaient élus pour cinq ans comme les juges de paix; mais ils étaient nominés par les électeurs chargés de choisir les représentants.

Les tribunaux de première instance jugeaient en dernier ressort les causes civiles de moins de 1,000 francs.

Auprès de chaque tribunal était établi un officier du ministère public portant le titre de commissaire du roi. Mais ces offi

ciers n'avaient que des fonctions civiles et les attributions criminelles du ministère public actuel appartenaient à d'autres magistrats. Les commissaires du roi ainsi que les greffiers étaient nommés à vie par le roi.

En matière d'appel l'assemblée constituante admit un système singulier. Redoutant la formation de puissants corps judiciaires semblables aux parlements, elle statua que les tribunaux de première instance seraient tribunaux d'appel les uns à l'égard des autres. L'appel de chaque tribunal devait être porté à l'un des sept tribunaux les plus proches. Chaque partie pouvait exclure trois de ces tribu

naux.

Le même décret statuait qu'il serait établi des tribunaux de commerce, dont les juges, au nombre de 5, seraient élus par les notables commerçants.

Enfin, il attribuait le jugement des contraventions de police aux officiers municipaux, et la poursuite de ces contraventions au procureur de la commune. L'appel de ces jugements était porté aux tribunaux de district.

Divers décrets rendus les mois suivants, attribuèrent, soit aux administrations départementales, soit aux tribunaux de district diverses matières d'administration.

Le décret du 27 novembre établit un tribunal de cassation, qui ne devait pas connaître du fond des affaires, et qui avait pour but de surveiller les tribunaux de district, et de maintenir l'unité de législation. Cette cour était composée de 42 men.bres élus pour quatre ans. Ces membres étaient élus par les départements, qui élisaient chacun un membre à tour de rôle. Il était formé dans le tribunal, un bureau des requêtes qui devait prononcer d'abord sur l'admissibilité de chaque demande en cassation.

La demande était jugée, si elle était admise par les autres membres formant la section de cassation.

La justice criminelle fut réglée par le décret du 16 septembre 1791. Cette organisation différait en certains points essentiels de celle qui existe aujourd'hui.

Les fonctions de police et de sûreté étaient attribuées aux juges de paix et aux officiers de gendarmerie. C'était à eux à s'enquérir des crimes et à saisir les criminels.

Quand une plainte était formée, elle était soumise à un premier jury de huit membres assemblés chaque semaine dans les chefslieux de district, qui avait à décider si le prévenu devait ou non être accusé. Ce jury appelé jury d'accusation était dirigé par un juge du tribunal criminel qui prenait dans ces fonctions le titre de directeur du jury.

Dans le cas où le prévenu était déclaré accusé, il était traduit devant le tribuDal criminel. Un tribunal criminel composé d'un président élu, de trois juges pris dans les tribunaux de district DICTIONNAIRE DES SCIENCES POLITIQUES.

du département, d'un accusateur public élu, d'un commissaire du roi nommé par le roi et distinct de celui du tribunal de district, et d'un greffier, fut établi dans chaque département. L'accusateur public était chargé de poursuivre l'accusation; le commissaire du roi n'avait que des fonctions de surveillance et de contrôle. Les accusés étaient jugés par un jury composé de douze membres.

Le jury d'accusation décidait à la simple majorité des votes. Le jury définitif ne pouvait condamner qu'à la majorité de neuf voix sur douze.

Pour faire partie du jury il fallait être éligible aux administrations du département; la liste du jury d'accusation de chaque district, composée de trente citoyens, devait être formée tous les trois mois par le procureur syndic et le directeur du district. Le jury de jugement devait être tiré au sort sur une liste de 200 citoyens, formée tous les trois mois par le procureur syndic du département, et revisée par le directeur.

Les jugements des tribunaux criminels n'étaient pas susceptibles d'appel, mais seulement du recours en cassation. Cependant én cas de condamnation, si les juges étaient convaincus que le jury s'était trompé, ils pouvaient soumettre de nouveau la cause au même jury augmenté de trois nouveaux membres, et prononçant alors aux quatre cinquièmes des voix.

Avant de terminer ce décret, la constituante avait distrait de la compétence des tribunaux criminels, les contraventions de police et les délits correctionnels. Le jugement des premières était attribué par le décret du 19 juillet aux municipalités, celui des seconds à des tribunaux correctionnels formés par les juges de paix, qui devaient siéger au nombre de trois suppléés par des assesseurs, dans les lieux où il n'en existait qu'un ou deux.

Enfin, l'assemblée constituante établit une haute cour nationale chargée de juger les crimes qui lui seraient déférés par le corps législatif. Cette cour était composée de quatre grands juges, tirés au sort parmi les membres du tribunal de cassation et de jurés, pris sur une liste formée par des citoyens élus par les départements, au nombre de deux par département.

Cette organisation judiciaire subsista jusqu'à la constitution de l'an III, sans modifications importantes, sauf celles résultant du changement de la forme du gouvernement et des divers tribunaux exceptionnels créés en vue des circonstances politiques. La constitution de l'an III (voy. FRANCE) en conserva également les traits essentiels, et la modification la plus considérable qu'elle y introduisit fut la suppression des tribunaux de district, et leur remplacement par un seul tribuual civil établi au chef-lieu de chaque département.

Les lois du consulat et de l'empire établirent enfin le système qui existe encore aujourd'hui. 3

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La constitution du 22 frimaire an VIII, qui instituait le consulat, statua d'abord qu'il y aurait des tribunaux d'appel, supprima les accusateurs publics des tribunaux criminels, attribua la nomination des juges de paix, de ceux des tribunaux de première instance, criminels, d'appel, de cassation, au gouvernement, et établit en même temps l'inamovibilité de ces juges à l'exception des juges de paix.

La loi du 27 ventôse de la même année développa bientôt les principes posés par la constitution. Cette loi supprimait les tribunaux civils et criminels des départements et les tribunaux de police correctionnelle; mais elle laissait subsister les justices de paix et les tribunaux de commerce. Un tribunal de 1" instance était établi dans chacun des arrondissements qui, depuis la constitution de frimaire, formaient les divisions des départements. Ces tribunaux étaient composés de 3, 4, 7 et 10 juges, et d'un nombre proportionnel de suppléants, suivant l'importance des villes. Un commissaire du gouvernement et un greffier étaient établis près de chaque tribunal de I instance, et un ou deux substituts du commissaire dans les centres plus importants. Le président et le vice-président n'étaient nommés que pour trois ans par le premier consul, En même temps la loi établissait 29 tribunaux d'appel, composés de 12 à 30 juges, avec des commissaires du gouvernement, des greffiers, etc. Enfin un tribunal criminel était formé dans chaque département; il était composé d'un président, de deux juges et d'un commissaire du gouvernement et d'un greffier. Les matières de police correctionnelle étaient déférées aux tribunaux de Ir instance.

Cette organisation subsiste encore aujourd'hui, sauf les changements des titres des tribunaux et des magistrats, et les modifications de détail. En vertu du sénatus-consulte organique de 1804 qui établit l'empire (voy. FRANCE), les tribunaux d'appel et de cassation prennent le titre de cours; les tribunaux criminels ceux de justice criminelle; le président de la cour de cassation, le titre de premier président; les commissaires du gouvernement, ceux de procureurs genéraux et procureurs impériaux, etc. Divers lois et décrets, notamment ceux du 30 mars 1808, du 20 avril, du 6 juillet, du 18 août 1810, qui sont encore en partie en vigueur aujourd'hui, complétèrent cette organisation. La loi du 20 avril 1810 changea la dénomination de cours d'appel en celle de cours impériales, et donna le titre de conseillers aux membres de ces cours. Le Code d'instruction criminelle remplaça les cours de justice criminelle par les cours d'assises, qui existent encore aujourd'hui. D'autres changements partiels et de dénominations furent opérés par les gouvernements de la restauration, de Louis-Ph:lippe, de la république de 1848, et le gouvernement actuel. Sans nous arrêter à l'historique de ces changements, sur quel

ques-uns desquels nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir, nous allons retracer l'organisation judiciaire actuelle. La même organisation embrassant la justice civile et la justice criminelle, nous ne pourrons pas séparer ces deux juridictions. Pour la justice administrative, voy. ADMINISTRATION, CONSEIL D'ÉTAT, FINANCES; pour l'organisation judiciaire applicable aux militaires et marins, voy. JUSTICE MILITAIRE; pour les tribunaux chargés de juger les contestations entre patrons et ouvriers, voyez PRUDHOMMES

Justice de paix et police simple. - Au degré inférieur de la hiérarchie judiciaire se trouve la justice de paix en matière civile, et la simple police en matière pénale. Il existe tonjours dans chaque canton un juge de paix chargé de fonctions assez diverses. Les juges de paix jugent en effet en dernier et premier ressort différentes actions civiles; ils forment avec les maires le tribunal de simple police. Ils ont pour mission de concilier toutes les parties à l'origine de toutes les contestations judiciaires; entin ils sont chargés de différentes fonctions extrajudiciaires, telles que l'apposition des scellés, l'exécution des contraintes par corps, la présidence des conseils de famille, la délivrance des actes de noloriété, etc.

La plupart des causes doivent être portées devant le juge de paix au moment où s'engage le procès. Mais, comme on le verra au mot PROCEDURE, il n'est appelé pour le plus grand nombre qu'à concilier les parties, et doit les renvoyer, dans les cas où sa tentative de conciliation reste infructueuse, devant les juges compétents. Mais les juges de paix connaissent eux-mêmnes de certaines causes et même sans appel. Ils jugent en effet en dernier ressort toutes les actions personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 100 fr., et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 200 fr. Ils connaissent également sans appel jusqu'à 100 fr., et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 1,500 fr., et quelquefois à une valeur indéfinie certaines causes spéciales, telles que les contestations entre voyageurs et aubergistes ou voituriers, les actions pour payements de loyers et fermages et celles qui s'y rattachent; les actions civiles pour diffamation et injures, les actions possessoires, les actions en bornages, et autres causes analogues; certaines demandes en pensions alimentaires, etc., etc. L'appel des juges de paix est porté devant les tribunaux de 1" instance.

Quand le juge de paix juge au civil, i! n'est assisté que d'un greffier, sans présence d'un officier du ministère public.

Les tribunaux de simple police sont formés également par les juges de paix, ou à leur défaut par les maires. Ils connaissent de toutes les affaires qualifiées contravention par le code pénal. Dans les tribunaux de police, quand c'est le juge de paix ou

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