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étaient appelées actions de bonne foi, parce que, dans l'intentio, on insérait les mots bona fide. Dans celles-ci, le juge était libre de tenir compte de toutes les circonstances de fait qui pouvaient modifier les obligations. Dans les premières, il devait examiner si la dette était due en vertu d'un acte du droit civil et si elle n'avait pas été payée. Si ces conditions étaient réunies, il devait condamner, bien qu'en équité le débiteur pût opposer de bonnes raisons comme la compensation, etc. Les actions résultant de la vente, du louage, de la gestion d'affaires, de la société, etc., étaient de bonne foi.

C'était en insérant dans l'intentio des actions des fictions que le prêteur arvenait 1 à étendre la portée de ces actions au-delà des règles du droit civil. Ainsi, pour donner à un fils émancipé, auquel il attribuait la possession des biens du père décédé, les actions qui ne compétaient suivant le droit civil qu'au véritable héritier, il rédigeait, par exemple, la formule ainsi : Si Aulus Agerius Lucii Titii hæres esset, tum si paret Numerium Negidium Aulo Agerio sestertium x millia dare oportere (si Numerius Negidius devait 10,000 sesterces à Aulus Agerius, dans le cas où celui-ci serait héritier de Lucius). Ces actions s'appelaient utiles, par opposition aux autres qui étaient données aux ayant droit et qu'on appelait directes. Quelquefois aussi le prêteur, quand il ne pouvait donner des actions qui se référaient à une règle du droit civil, in jus conceptæ, chargeait simplement le juge de chercher si tel ou tel lait s'était passé et de condamner le cas échéant; par exemple, si paret illum patronum ab illo liberto contra edictum illius prætoris in jus vocatum esse, recuperatores illum libertum illi patrono sestertium x millia condemnate;si non paret absolvite (s' apparaît que tel patron a été appelé en justice par tel affranchi, malgré l'édit de tel prêteur, que les récupérateurs ou juges condamnent cet affranchi à 10,000 sesterces, sinon qu'ils l'absolvent). Ces actions s'appelaient in factum conceptæ. Ce même nom s'appliquail, du reste, aussi à des actions in jus conceptæ, mais qui n'avaient pas de nom propre en droit civil et dont la démonstration contenait la deseription du fait sur lequel elles se basaient. A cause de cette description, ces dernières actions s'appelaient aussi præscriptis verbis. Certaines actions ne concluaient pas à une condamnation. C'étaient les actions préjudicielles, præjudicia, celles qui se rapportaient, par exemple, à l'état des personnes, à la question de savoir si le défendeur était libre ou esclave, etc.

A la formule soumise au juge s'ajoutaient souvent d'autres parties que celles que nous avous nommées jusqu'ici. Dans le cas ordinaire il s'agissait d'examiner la vérité ou la fausseté de l'intentio, la dette existe-t-elle ou n'existe-t-elle pas ? et, dans ce cas, la formule d'action suffisait au juge. Mais quelquefois aussi l'intentio pouvait être vraie,

sans cependant que la condamnation fûi légitime; la dette pouvait exister, mais le débiteur avait peut-être été porté par dol ou par violence à s'obliger. L'ancien droit civil concluait dans les cas de ce genre à une condamnation, mais le prêteur rendit cette conclusion impossible, en insérant une exception dans la formule; par exemple, si in ea re nihil dolo malo Auli Agerii factum sit neque fiat (le juge condamnera s'il n'y a pas eu dol de la part du demandeur). De même, une somme pouvait être due, mais par un pacte postérieur les parties avaient pu convenir qu'elle ne serait pas exigible pendant cinq ans. Ce pacte figurait dans la formule àtitre d'exception. Si paret N. N. A. A decem dare oportere, si inter A. A. et N. N. non convenit ut intra quinquennium peteretur, judex N. N. A. A. decem condemnato, si non paret absolvito (s'il apparaît que N. N. doit 10 sesterres à A. A., s'il n'a pas été convenu entre N. N. et A. A. que cette somme ne serait pas demandée dans l'espace de cinq ans, que le juge condamne N. N. à payer 10 sesterces à A. A., sinon qu'il l'absolve). Les exceptions de cette dernière espèce qui ne faisaient que suspendre l'action s'appelaient dilatoires. Celles que nous avons citées plus haut et d'autres du même geure, telles que la com, ensation, qui annulaient l'action, furent nommées perpétuelles ou péremptoires. Daus les actions de bonne foi, les exceptions n'étaient le plus souvent pas nécessaires.

L'exception était donnée en faveur du défendeur contre le demandeur. Celui-ci souvent pouvait avoir une raison à faire valoir contre l'exception même; par exemple, si un second pacte avait modifié celui par lequel on était convenu que la dette ne serait pas exigible pendant un certain temps. Dans ce cas, le prêteur donnait au demandeur une exception qui était dirigéo contre l'acceptation elle-même, et qui s'appelait replicatio ou réplique. A la réplique pouvait être opposée une duplicatio, à celle-ci une triplicatio, etc.

Communément certaines exceptions étaient placées en tête de la formule. Cela avait lieu quand la décision de la question devait rendre inutile le procès même; par exemple, quand la question était déjà pendante devant un autre tribunal, quand on attaquait la compétence du juge. Ces exceptions s'appelaient præscriptiones, prescriptions. La prescription, c'est-à-dire l'acquisition par une possession de 10 et 20 ans des fonds provinciaux, fut introduite de celle manière, le prêteur donnant une exception pareille à ceux contre lesquels on revendiquait ces fonds quand ils les avaient possédés le temps voulu; en général, elle s'appliquait à l'exception résultant de ce que les actions étaient intentées trop tard et de là l'expression præscriptio temporis.

Nous ne parlerons pas ici des mesures d'exécution usitées en droit romain, et que nous avons traitées au mot EXÉCUTION.

DICTIONN. DES SCIENCES POLITIQUES. III.

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ci et le sénat, les celeres; il régla aussi le mariage et la puissance paternelle et réforma la religion. Après avoir vaincu plusieurs villes voisines, la cité naissante fut mise à deux doigts de sa perte par les Sabins, qui, vaincus par les larmes des femmes romaines, s'unirent à elle et dont le chef Tatius régna pendant six ans conjointement avec Romulus. Voilà la tradition: Voici maintenant l'hypothèse de Niebuhr.

Le système des actions subsista dans le droit romain jusque sous Constantin: seulement les différences qui existaient entre les effets des diverses actions, notamment celles de bonne foi, et stricti juris, fut effacée. Mais une modification importante se fit dans la procédure, en ce que la procédure extraordinaire usitée quelquefois dans des cas particuliers, et qui consistait à ce que le magistrat décidât lui-même le procès sans le renvoyer à un juge, devint le mode général et ordinaire, de manière que les anciens jurys disparurent complétement, et que ce furent les magistrats politiques et administratifs ordinaires qui rendirent seuls la justice.

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ROME. Les origines de la grande cité qui devait conquérir tout l'ancien monde civilisé sont obscures comme celles de tous les peuples anciens. Mais cette obscurité se trouve augmentée encore par la forme historique qu'ont reçue entre les mains des historiens des derniers siècles de la république romaine, les traditions en partie fabuleuses qui s'étaient conservées sur la naissance du peuple romain. On sait que ce n'est que dans le dernier siècle que la véracité de ces traditions et des narrations historiques dont elles forment la base a été mise en doute, et que ce n'est que de notre temps qu'un historien profond, Niebuhr, a, parmi beaucoup d'hypothèses qu'il n'est pas possible de vérifier, jeté un jour tout nouveau sur les premiers temps de l'histoire de Rome. La vérité du point de vue général où s'est placé Niebuhr est démontrée par l'histoire des institutions romaines, qui n'ont été bien comprises que depuis les travaux de cet historien et de son école. Quant aux faits de détails, ils resteront pour toujours couverts de l'obscurité qui enveloppe toutes les origines. Comme d'ailleurs ceux de ces faits qui se rapportent aux époques sur lesquelles nous avons des renseignements positifs sont très-connus, nous nous abstiendrons autant que possible dans cet article de rapporter les événements qui ne concernent pas directement la constitution romaine, nous omeltrons complétement l'histoire militaire de la république, les institutions qui la concernent ayant été traitées au mot ORGANISATION MILITAIRE; nous ne parlerons pas davantage ici de la législation civile de Rome, pour laquelle nous renvoyons au mot RoMAIN (droit).

Rome sous les rois. Qui ne connaît les traditions primitives de Rome? Romulus et Rémus issus de la race royale des princes d'Aibe et fils de Mars fondent une ville nouvelle dont Romulus reste le seul chef. C'est à lui qu'on rapporte l'organisation primitive. I peupla la cité de gens de toute espèce venus de toutes parts. Il leur donna des femmes en enlevant les Sabines. Il choisit parmi eux cent individus qu'il décora du nom de sénateurs et qui devinrent les patriciens, divisa le peuple en trois tribus et créa une classe intermédiaire entre celui

Sur le mont Palatin était l'ancienne ville des Sicules, Roma, petite et peu importante. La colline Agonale était couronnée par une autre cité plus considérable, Quirium. Ces deux villes finirent par s'unir après une lutte vigoureuse. Une troisième ville située sur le mont Cœlius, Lucerum, fut ajoutée plus tard à des conditions inférieures. Ce sont là les trois tribus primi. tives, les Rhamnenses commandés par Romulus, les Titienses ou Quirites comman dés par Tatius, et les Lucères dont la réunion n'eut lieu que sous Tullus Hostilius.

L'histoire de Romulus est le souvenir de l'union entre Rome et Quirium. Nous croyons qu'elle indique de plus l'ouverture d'un asile pour les esclaves fugitifs, pour tous les hommes sans lois et sans famille, pour tous les clients des tribus voisines. Ils formèrent la plèbe avec les clients des familles nobles des trois tribus. Suivant Niebuhr celle-ci ne prit origine que plus tard et se composa en majeure partie de peuplades latines vaincues.

Le règne de Numa Pompilius qui succéda à Romulus marque une époque de paix et d'organisation. Les deux règnes suivants sont plus importants pour l'histoire de la constitution. Au règne de Tarquin l'Ancien se rattache l'influence que la civilisation étrusque exerca sur Rome. Il est certain que beaucoup de particularités de la constitution civile et religieuse de Rome rappe laient les croyances et les mœurs des étrusgues. Ainsi toute la science des augures, qui joua à Rome un rôle si important, était d'origine étrusque; ainsi la fonction royale tout entière avec ses insignes, son sceptre, son diadème, ses licteurs, était une copie de la Lucumonie. Sous Tarquin, Rome fut peut-être, suivant la conjecture de Niebuhr, le chef-lieu d'une confédération toscane. A cette époque, le sénat fut augmenté de cent membres et le nombre des sénateurs porté à 300, ce qui signifie, suivant Niebut:r, l'admission des Lucères dans ce corps.

Sous Servius Tullius eut lieu une impor tante modification sociale. Déjà sans doute avait commencé la rivalité entre les patr ciens et les plébéiens, entre les fail es nobles des trois tribus et les hommes ne veaux qui en nombre considérable s'éla el établis autour d'elles et prenaient part au devoir de la guerre. Des distributions de terres avaient eu lieu entre les plébéiens, *L il se trouvait parmi eux des familles riches et même une noblesse plébéienne, reste peut-être de la noblesse des peuples rou

quis et incorporés à la plèbe de Rome. Quoiqu'il en soit, le règne de Servius Tullius marque l'époque où les plébéiens furent admis pour la première fois aux droits politiques de la cite. Jusque là les curies, c'est-à-dire les assemblées composées uniquement des anciennes familles nobles des trois tribus, avaient seules exercé la souveraineté. Servius créa, par l'établissement des centuries, une nouvelle base, celle de la fortune, aux droits politiques et jeta le pont entre les plébéiens et les patriciens. Nous reviendrons dans quelques instants sur cette organisation.

Servius fut très-populaire, et son règne célèbre dans les souvenirs plébéiens rap pelle certainement la tradition d'un grand triomphe du peuple. Il n'en fut pas de même de son successeur. Tarquin le Superbe marque une époque de despotisme également odieuse aux patriciens et aux plébéiens. Une révolution que la tradition plébéienne a revêtue de couleurs brillantes entraîna l'abolition de la royauté. Lucrèce est violée par un fils de Tarquin; Brutus soulève le peuple; le tyran est chassé et le gouvernement populaire succède à celui des rois.

Voici maintenant quel était le caractère et la constitution de la cité romaine sous les rois.

Rome, plus que toute autre cité de l'antiquité, plus même que Sparte, fut organisée pour la guerre et imbue de l'esprit guerrier. Sa religion, sa morale, ses traditions nationales rappelaient sans cesse ce but suprême. Patriciens et plébéiens se réunissaient dans ce sentiment commun et leurs discordes faisaient silence quand il avait un ennemi à vaincre, un voisin à soumettre.

La religion des Romains, étrusque en beaucoup de points, était intimement liée à leur constitution politique. C'est à Numa qu'on rattache l'organisation définitive du sacerdoce. Quatre pontifes présidés par un grand pontife formaient le conseil religieux. Au-dessous d'eux venaient les flamines, consacrés à Jupiter, à Quirinus et à Mars; les curions, sacrificateurs des curies; les saliens, prêtres de Mars; les fétiaux, chargés des relations avec les peuples étrangers; les restales, vierges sacrées vouées au culle de Vesta; les augures et les aruspices. Les fonctions des augures et des aruspices étaient de la dernière importance; c'étaient eux en effet qui prenaient les auspices de concert avec les magistrats, et il n'était pas d'acte politique, comme nous le verrons, qui ne dût être précédé de cette cérémonie. La religion fut d'ailleurs subordonnée à inté rêt politique et ne le dominait point. Les fonctions des prêtres étaient compatibles avec Jes autres magistratures et électives comme celles-ci. Le roi était aussi chef de la religion et rex sacrorum, charge qui fut translérée, après l'abolition de la royauté, à un pontife particulier qui conserva ce titre.

Les traditions religieuses retraçaient con

tinuellement le but de la nation. Quirinus, c'est-à-dire Romulus déifié, avait prédit en mourant que Rome serait éternelle et deviendrait la capitale du monde. Lorsque Tarquin le Superbe creusa les fondements du Capitole, on trouva une tête d'homme parfaitement conservée; et le dieu Terme, et la déesse de la Jeunesse ne voulurent pas céder leur place à Jupiter. Les interprètes sacrés prédirent que le lieu où la tête avait été trouvée deviendrait la capitale de l'Italie, que jamais les frontières de l'empire ne seraient reculées et que la jeunesse du peuple romain serait éternelle. Les livres sybillins que Tarquin le Superbe reçut d'une femme inconnue, qui avaient des solutions prêtes d'avance pour toutes les difficultés dans lesquelles Rome, pouvait se trouver et pour la conservation desquels des prètres particuliers furent créés, disaient la même chose. Numa avait déposé dans le temple de Vesta le palladium qu'Enée avait apporté de Troie, et qui devait éternellement conserver la ville. De même il confia le bouclier destiné à la garde de la ville, aux prêtres saliens, qui, au nombre de douze, avaient chacun un bouclier semblable, et qui tous les ans e promenaient dans les rues, exécutant des danses solennelles. Le d.eu Mars était représenté par une lance, et cette lance d'un autre côté, devenait le symbole de tous les droits civils, de la propriété, de la puissance dominicale, etc. Ainsi le sentiment de la guerre et de la conquête pénétrait de tous côtés le citoyen romain, et son courage exalté sans cesse devait aboutir enfin à réaliser l'avenir brillant des prophéties.

Dans la constitution primitive de Rome, il faut distinguer avec soin ce qui appartient aux patriciens et ce qui est propre aux plébéiens. Cette distinction, développée aver tant de profondeur par Niebuhr, jette un jour tout nouveau sur cette partie de l'histoire ancienne.

Nous avons dit que l'ancienne Rome s'était formée de la réunion des trois cités particulières dont les membres en constituérent la première population. Quoi qu'il en soit de ce fait, il est certain qu'il y eut trois tribus primitives, et que c'est dans ces tribus qu'il faut chercher les patriciens primitifs. Chaque tribu était divisée en dix curies ou compagnies de cent familles, chaque curie en dix décuries. C'étaient là ces gentes, ces races primitives dont la réunion forma la cité. Niebuhr prétend que la division par décuries ne reposait pas sur une communau é d'origine entre les familles de la même décurie; mais son opinion est peut-être hasardée. Des sacrifices communs, le culte des mêmes pénates et des cérémonies religieuses liaient entre elles les familles de la même gens ou décurie, ainsi que les différentes gentes de la même curie. Des instilutions rigoureuses sur l'hérédité devaient conserver l'ordre établi.

La réunion des gentes constituait le populus qui, dans ces premiers temps, se composait des patriciens seuls. Le sénat n'était

autre chose que l'assemblée des chefs des gentes. Rome fournit d'abord cent sénateurs, puis ce nombre fut doublé par l'adjonction de Quirium. Sous Tarquin l'Ancien, la tribu des Lucères fut aussi admise au sénat; mais comme elle était subordonnée aux deux premières, on en distingue les membres sous la dénomination de minores gentes.

La souveraineté était entre les mains de toute la nation qui, dans les assemblées ou comices des curies, prononçait sur toutes les questions importantes. C'étaient elles qui votaient les lois, qui décidaient de la paix et de la guerre, qui jugeaient les causes capitales. Le pouvoir était confié à un roi électif dont l'autorité était fort limité. Ses prérogatives consistaient à être chef suprême de la religion, principal magistrat judiciaire, chargé d'une partie de l'administration et général naturel des armées de la cité. Le sénat était un conseil suprême qui préparait les lois et dirigeait les affaires politiques. Après la mort du roi, on choisissait parmi les sénateurs un interroi dont les fonctions étaient bornées à une très-courte durée. Une autre charge publique qui date de cette époque est celle de tribun des célères, probablement chef de la cavalerie.

Dans toute cette organisation primitive, les plébéiens n'étaient comptés pour rien, ils étaient en dehors du populus patricien qui exerçait sur eux une puissance absolue. Cependant leur nombre qui ailait sans cesse en croissant, la part active qu'ils prenaient au but de la cité, la richesse de quelques-unes des familles d'entre eux, et peut-être les réclamations énergiques qu'ils firent entendre dès lors, forcèrent les patriciens à les laisser participer à quelques-uns de leurs droits. Comme nous l'avons dit, c'est le nom de Servius Tullius qui marque cette révolution. Une division de la plèbe en tribus eut lieu; il y en eut quatre dans la ville et vingt-six dans la campagne. On confondit plus tard ees tribus avec celles de Romulus; mais comme il est facile de le voir, elles en sont bien différentes. Niebuhr attribue eu outre l'organisation complète de la tribu à Servius Tullius. I croit que ce prince mit à leur tête des tribuns, d'autres magistrats particuliers, etc. Mais cette hypothèse ne s'appuie sur aucun document positif. Le fait important du règue de Servius, c'est l'établissement du cens et des comices par centuries. Niebuhr a jeté de grandes lumières sur celte matière difficile.

Le but même de la cité, le devoir militaire devint le principe de la nouvelle division des citoyens : la fortune en fournit la base. Servius fit de la cité une armée dans laquelle les corps qui rendaient les plus grands services obtinrent les plus grands droits. I ordonna que tous les cinq ans chaque citoyen fit la déclaration de sa fortune, et que, suivant cette fortune, il fût tenu à un équipement militaire particulier. Ainsi furent formées cinq classes. Les citoyens de Ja 1" durent posséder 100,000 as; une partie d'entre eux étaient tenus de se procurer des

chevaux, et tous devaient avoir une armure complète ceux de la 2, 75,000 as, avec la même armure, sauf la cuirasse; ceux de la 3 50,000 as avec une armure plus légère; ceux de la 4 25,000 as; ceux de la 5' 2,500 as. Les citoyens dont la fortune ne s'élevait pas à 2,500 as étaient compris dans une sixième classe qui n'était pas comprise dans la classification précédente, et ne formait pas par conséquent une classe au même titre que les autres.

Chaque classe était divisée en centuries, devant fournir chacune un certain nombre de compagnies de 100 hommes. La première se composait d'abord de 18 centuries de chevaliers ou cavaliers, dont 6 patriciennes et 12 plébéiennes; plus de 80 centuries d'infanterie. La 2 se décomposait en 22 centuries, la 3 en 20, la 4 en 22, la 5° en 30. A chaque classe étaient attachées les corporations d'ouvriers nécessaires à la guerre; c'étaient les trompettes, les charpentiers, les maréchaux, etc. Une autre division des classes les divisait en centuries de seniores, âgés de plus de 46 ans, et de juniores moins âgés. Ces derniers seulement étaient susce tibles, dans les temps ordinaires, du devoir militaire. Les individus qui n'étaient pas comptés dans les classes offraient aussi des divisions les assidui, les accensi, les relati et les plus misérables, les proletarii.

Cette organisation par centuries fut la base d'un nouvel ordre dans les comices. On rassembla désormais les comices par centuries dans toutes les occasions où la plèbe était intéressée. Mais bien que les comices par centuries balançassent jusqu'a un certain point le pouvoir des curies, n'en résultait nullement que tous les c toyens fussent égaux dans la cité. En effe, on recueillait les voix par centuries, et not individuellement: or les centuries n'étaiend pas composées d'un nombre égal de citoyens; la première classe en comprenait à elle seu plus que toutes les autres, on commençail par elle, et lorsque la majorité absolue des cen turies s'était prononcée, les autres ne vo taient plus. De cette manière, le pouvoir restait entre les mains des patriciens et des plus riches plébéiens.

Telle était la constitution de Rome sous Jes rois. Sous Tarquin le Superbe, elle ja raît avoir été suspendue. Elle fut rétablie après l'expulsion, avec cette seule différence que la royauté fut abolie, et que les ros furent remplacés par les consuls, qui avaie à peu près les mêmes attributions que les rois, mais dont les fonctions n'étaient qu'a nuelles.

République jusqu'aux guerres civiles. Depuis l'origine de la cité une vive hostlité n'avait cessé de régner entre les pir béiens et les patriciens. Mais après l'expulsion des rois, Tarquin trouve des secours à l'étranger et les nécessités de la défense forcèrent les patriciens à faire quelques concessions aux plébéiens. Les lois Valeris rétablirent en effet les comices des centa ries avec la puissance législative, la juri

dietion suprême pour toutes les causes capitales, la décision de la paix ou de la guerre, l'élection des magistrats. Deux consuls nommés alors préteurs furent placés à la tête du gouvernement. L'un d'eux était le plébéien Junius Brutus; des plébéiens furent également reçus dans le sénat, d'où deux classes de sénateurs, des patres et des conscripti, Cependant, dans la suite les plébéiens durent de nouveau conquérir leur droit d'entrée au sénat et de participation au consulal. En outre les patriciens se réservèrent de confirmer les résolutions votées par les comices des centuries chaque fois que la résolution devait avoir une sanction religieuse. Dans ces cas très-nombreux applicables notamment à l'élection des consuls, la résolution des centuries n'était valide qu'après avoir été sanctionnée par une loi des curies, lex curiata. Les plébéiens avaient du reste un recours contre les mesures arbitraires des magistrats par une sorte d'appel, la provocatio, aux comices des centuries. Mais cet appel n'était possible que dans l'intérieur de la centième pierre milliaire à partir des murs de la ville. Cet appel cependant ne put être dirigé contre le dictateur, qui était probablement dans l'origine le magistrat chargé tous les dix ans, par une loi des curies, d'opérer le cens ou recensement général des citoyens et la distribution des citoyens dans les classes. Cette fonction durait six mois, et ce magistrat étant élu par les curies était indépendant des centuries. Bientôt cette magistrature devint, à cause de cela même, un moyen auquel on eut recours lorsqu'il fallait un pouvoir sans entraves et il fut employé souvent par les patriciens contre les plébéiens. Le dictateur était appelé aussi magister populi, et il avait à côté de lui un chef de la cavalerie, magister equitum.

Les plébéiens cependant ne tardèrent pas à se sentir fort malheureux. Jusqu'à l'introduction de la solde, qui n'eut lieu qu'au milieu du Iv siècle de Rome, ils supportaient les principales charges de la guerre, obligés comme ils l'étaient de s'armer, de s'équiper et de se nourrir à leurs frais. En outre, les impôts qui se percevaient dans la ville ne frappaient pas les patriciens. C'était le tributum ex censu c'est-à-dire proportionnel à la fortune des citoyens constatée par le cens, et qui n'était perçu que quand les ressources de l'Etat ne sullisaient pas à la guerre et le tributum per capita imposé aux citoyens qui se trouvaient dans la classe des prolétaires, inférieure aux cinq classes. Les plébéiens pauvres qui avaient besoin d'emprunter pour payer les impôts et pour subsister, furent naturellement forcés de s'adresser aux riches patriciens pour vivre. D'ailleurs le partage primitif des terres était devenu insuflisant, laudis que les familles patriciennes s'étaient emparées de toutes les terres conquises qui successivement avaient été réunies au domaine public. Elles les possédaient non comme propriété privée, mais par simple concession, et à

titre d'une redevance. Cette redevance était très faible relativement aux fruits qu'ils en tiraient, et de cette manière les patriciens s'étaient rendus maîtres de toutes les riches es de la république. Ils prêtèrent donc aux plébéiens pressés par la faim, mais à gros intérêts qui s'accumulaient avec les capitaux. Or une dure captivité attendait le plébéien insolvable; il devenait l'esclave du créancier et subissait de sa part les plus cruels traitements. Telle était devenue la condition de la plus grande partie de la plèbe romaine et cette condition était devenue insupportable.

L'année 493, au retour d'une campagne, une première insurrection résulta de cet état de choses. Le peuple se retira sur le mont sacré, situé à proximité de la ville. Il ne rentra à Rome qu'au prix de certaines concessions. Probablement les tribus plébéiennes organisées par Servius reçurent à cette époque une nouvelle organisation et devinrent de véritables comices ou assemblées délibérantes ayant le droit de porter des règlements pour les plébéiens. Les chefs des tribus, les tribuns, qui probablement existaient déjà auparavant, recurent des attributions toutes nouvelles. Leur nombre fat porté à cinq, ils ne durent être choisis que parmi les plébéiens et étaient déclarés sacrosancti, c'est-à-dire inviolables. Leur function ne fut pas une magistrature proprement dite, mais le droit leur fut accordé de paralyser par leur veto les décrets et actes de tous les magistrals. Ce veto ils l'exerçaient du reste réciproquement les uns visà-vis des autres, et par conséquent ils devaient toujours être d'accord pour agir. Une vingtaine d'années plus tard, leur nombre fut porté à dix, et l'exclusion des patriciens de cette fonction paraît avoir été supprimée en même temps.

C'était là une grande conquête pour les plébéiens. En outre les dettes furent remises aux débiteurs insolvables, les citoyens réduits à l'esclavage pour dettes furent mis en liberté et on promit de revoir la législation sur les contrats.

Cependant ces concessions n'avaient pas été faites de bon gré et les patriciens coutinuèrent à conspirer contre les plébéiens. Les différences qui subsistaient entre les deux classes n'étaient pas seulement relatives aux droits politiques. Mais les droits civils n'étaient pas complétement les mêmes, il n'existait pas entre les patriciens et les plébéiens de connubium, c'est-à-dire il n'était pas possible à des individus des deux classes de se marier entre eux. Le droit des obligations était toujours le même, ainsi que l'oppression des débiteurs; les patriciens avaient toujours tout seuls l'usage des lerres publiques. En outre, la justice était tout entière entre leurs mains. Un tribunal composé de dix patriciens (judices decemviri) décidait de toutes les causes civiles. Le droit lui-même etait un mystère que les patriciens seuls pouvaient dévoiler.

Nous ne raconterons pas l'histoire des

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