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cours de parlement et des intendans des provinces. Les empiétemens et abus de pouvoir de ces autorités donnèrent lieu à un grand nombre d'édits, de déclarations, d'arrêts et de décisions. Les juridictions que l'ordonnance avoit établies ou maintenues, étoient celles des grands - maîtres, celles des maîtrises particulières, celles des grûries royales, celles des tables de marbre et celles des parlemens.

ayant

Il y avoit aussi des grûries seigneuriales. C'étoient des tribunaux particuliers que les seigneurs hauts-justiciers avoient, à l'exemple du souverain, établis sous l'autorité du roi pour les eaux et forêts de leurs domaines. L'ordonnance n'en dit presque rien, ou du moins elle n'en traite pas d'une manière spéciale; mais un édit du mois de mars 1707 créa, en titre d'office formé et héréditaire, des juges gruyers, procureurs du roi et greffiers, pour être établis en chacune des juridictions des seigneurs, avec pouvoir d'y faire les mêmes fonctions les que gruyers royaux dans les eaux et forêts du roi. Plus tard, ces officiers été réunis aux justices des seigneurs, on s'aperçut qu'ils étoient entièrement dans la dépendance de ces derniers, et qu'ils n'osoient faire aucune poursuite; ce qui détermina une déclaration du roi, du 8 janvier 1715, qui restreignit beaucoup les pouvoirs qui avoient été accordés aux gruyers par l'édit de leur création. Depuis cette époque, leur juridiction fut réduite encore par plusieurs arrêts, tels que ceux des 29 décembre 1733, 6 décembre 1735, 6 mars et 18 septembre 1736, 5 août 1738, 6 janvier 1739, 29 août et 12 septembre 1741, 20 février et 10 juillet 1742, 16 mars et 31 juillet 1745, 12 août 1747, 17 avril 1753,29 janvier 1754, 1er. avril et 6 mai 1755, et 13 janvier 1756. Ces arrêts leur ont défendu de prendre connoissance, 1°. des coupes de futaies, baliveaux sur taillis, ou arbres épars, appartenant aux communautés d'habitans; 2°. de ce qui concerne les bois de gens de main-morte, les prés et pâtis communaux ; 3°. des délits commis dans les bois communaux, et à plus forte raison, dans les quarts de réserve ; 4°. des coupes d'arbres de futaies dans les bois des particuliers; 5o. d'aucun cas royal en matière d'eaux et forêts; 6o. enfin d'aucun fait concernant les usages, délits, abus et malversations dans les eaux et forêts des communautés ecclésiastiques ou laïques. La juridiction de ces gruyers seigneuriaux se bornoit donc en définitive à quelques délits de peu d'importance commis dans les bois des particuliers et sur les rivières non navigables; et quelque qualité qu'ils pussent réunir à leur titre de gruyers, ils étoient toujours obligés de se renfermer dans les termes de l'ordonnance de 1669 et de la déclaration du 8 janvier 1715, qui leur défendoient de connoître des cas royaux.

Les gruyers, pour les cas qui étoient de leur compétence, et les officiers des maîtrises, étoient les seuls qui pussent connoître en première instance des matières d'eaux et forêts, aux termes de l'article XIV du titre Ier., et des articles II, IX et X du titre XIII de l'ordonnance de 1669, et il étoit défendu à tous autres juges, à ceux des tables de marbre, même aux gens du grand conseil, et aux cours de parlement, de les troubler dans l'exercice de leurs charges, et de connoître d'aucune cause appartenant à la matière des eaux et forêts, qui leur seroit déférée en première instance. Malgré ces défenses, nous voyons sans cesse les cours de parlement, les juges de tables de marbre et d'autres juridictions, s'occuper de procédures en première instance ou de matières réservées aux siéges des maîtrises. Ces usurpations de pouvoir nous sont attestées par une foule d'arrêts qni ont eu pour objet de les réprimer: tels sont, entre autres, celui du 27 avril 1683, contre les juges en dernier

ressort de la table de marbre de Paris; celui du 21 octobre 1684 contre les officiers de celle de Dijon; ceux des 30 août et 10 octobre 1687 contre les mêmes officiers et le parlement de Dijon; celui du 29 décembre 1693, qui fait défense à toutes cours et autres juges de la province du Dauphiné de contrevenir aux art. V, VII, XI et XIV du titre Ier. de l'ordonnance de 1669; celui du 8 mai 1696 contenant la même défense au conseil souverain d'Alsace ; celui du 17 novembre 1699, qui casse un arrêt du parlement de Paris, et ordonne que l'instruction des délits qui en avoient fait l'objet, seroit commencée par les officiers de la maîtrise de Troyes; celui du 28 mars 1702 contre la table de marbre de Besançon ; ceux des 27 juin de la même année et 30 janvier 1703 contre le parlement de Tournay; celui du 18 décembre 1703 contre celui de Bretagne; enfin un édit du mois de mai 1708, enregistré dans toutes les cours supérieures, et qui réitère aux tables de marbre, à tous autres juges de connoître d'aucun fait d'eaux et forêts en première instance. Les dispositions de cet édit ont été renouvelées par des arrêts des 14 juin 1729, 26 février et 31 décembre 1737.

Cette grande quantité d'arrêts rendus pour maintenir les cours dans les limites de leurs attributions, et les officiers des maîtrises dans l'exercice dès leurs, démontreroit, s'il en étoit besoin, que toujours les pouvoirs tendent à s'agrandir et à se confondre, si l'autorité suprême n'est attentive à les retenir chacun dans les bornes que la loi a fixées.

De leur côté, les intendans des provinces, les gouverneurs des places, les officiers des seigneurs, les maires et échevins, empiétoient souvent sur les fonctions administratives des grands-maîtres et des officiers des maîtrises, notamment en ce qui concernoit l'administration des bois des communautés d'habitans. Leurs prétentions furent également repoussées par des arrêts du conseil, au nombre desquels nous citerons ceux des 3 mars 1693, 16 juin 1699, 25 novembre 1702, 22 juillet 1704, 29 novembre 1707, 28 mai 1709, 25 juillet et 21 novembre 1724, 22 décembre 1750, 21 septembre 1751, 30 avril 1753 et 6 janvier 1756, qui tous font défense auxdits intendans, maires, échevins et autres officiers de s'immiscer dans les fonctions attribuées aux grands-maîtres et officiers des maîtrises sur la police et l'administration des bois communaux.

Les lois nouvelles ont abrogé toutes les dispositions de l'ordonnance de 1669, qui avoient rapport à la juridiction contentieuse, qu'elles ont attribuée aux tribunaux ordinaires, et elles ont changé l'organisation administrative des forêts.

Nous n'entreprendrons point de donner l'analyse de toutes les lois qui, depuis la révolution, ont été rendues sur cette partie de l'administration publique, la plus tourmentée par l'inconstance de la législation, le tiraillement des circonstances et la diversité des vues politiques. Nulle administration ne fut l'objet de plus d'attaques et de plus d'éloges, de plus d'insouciance et de plus d'attention, de plus de haine et de plus d'admiration, suivant la différence des temps, des hommes et des intérêts.

L'histoire du régime forestier, depuis 1790 jusque aujourd'hui, est l'histoire même de la situation politique de la France pendant tout cet espace de temps. Elle nous présente d'abord le renversement de l'ordre et des institutions établies pour le maintenir ; puis la création de nouvelles institutions destinées à remplacer les anciennes, mais qui, par la difficulté de les mettre en activité et de leur imprimer une force suffisante,

laissent pénétrer les désordres dans toutes les forêts. Bientôt après, ce n'est plus l'insuffisance seule des institutions nouvelles qui cause la dévastation de ces propriétés : elle est en quelque sorte organisée par le pouvoir. L'excès du mal appelle le remède; un régime réparateur est organisé et, produit de bons effets; mais de nouvelles calamités viennent arrêter encore la restauration forestière : les désordres renaissent; les forêts sont livrées au pillage; la nécessité des circonstances commande ensuite des aliénations; on sent moins l'utilité d'une administration conservatrice,et sa suppression est ordonnée. Cet état de choses excite bientôt des réclamations universelles, et l'on rétablit celui que la sanction du temps et ses utiles résultats n'avoient pu préserver de la réforme.

L'analyse suivante des lois nouvelles va développer ce tableau.

Les idées de licence qui s'étoient propagées au commencement de la révolution avoient fait croire qu'il n'y avoit plus de répression à craindre pour les délits forestiers. On se répandoit dans toutes les forêts, et on y commettoit toutes sortes de désordres. Une proclamation du roi, du 3 novembre 1789, défendit à toutes personnes, de plus à l'avenir, d'entrer dans les forêts et bois, par attroupemens ou particulièrement, pour y commettre aucun délit, sous peine d'être poursuivies suivant la rigueur des ordonnances.

Le brigandage continuant toujours, une loi de la fin du même mois, rendue sur un décret de l'assemblée nationale, plaça sous la sauvegarde de la nation et de la loi, les bois et forêts, comme étant un objet de premier besoin. La sévérité des défenses et des injonctions de cette loi fait juger de l'étendue des dévastations.

Les décrets des 2, 17 et 27 novembre, et du 11 décembre 1789, sur la suppression du régime féodal, avoient donné lieu à de fausses interprétations, par suite desquelles des municipalités avoient mis opposition à la coupe des bois des établissemens ecclésiastiques. Une loi du 11 mars 1790 réprima ces écarts, et ordonna qu'il seroit sursis à toute coupe extraordinaire dans ces bois.

Cette loi fut suivie de celle du 26 du même mois, qui défendit aux apanagistes, engagistes, donataires, concessionnaires et à tous détenteurs, à quelque titre que ce fût, des bois et forêts du domaine, de faire aucune coupe de futaie dans lesdits bois, et réitéra la défense déjà faite par celle du II mars de faire des coupes extraordinaires dans ceux dépendant d'établissemens ecclésiastiques. Cette loi eut pour objet d'arrêter les abus relatifs aux bois dans la possession desquels l'état pouvoit être dans le cas de rentrer.

La loi du 28 mars 1790 abolit le droit de triage dans les bois communaux, et le droit de tiers denier dans les provinces de Lorraine, du Barrois, du Clermontois et autres pour les bois possédés en propriété par les communes; mais elle maintint ce dernier droit à l'égard des bois dont les communes n'étoient qu'usagères.

Déjà le droit exclusif de la chasse avoit été aboli par les décrets des 4, 5, 7, 8 et 11 août 1789. La loi du 30 avril 1790 régla la manière dont les particuliers pourroient user de ce droit sur leurs propriétés.

Les désordres et les voies de fait accompagnoient presque toujours l'exécution des lois qui prononçoient alors l'abolition ou la modification de quelques droits et usages. C'est ainsi que l'interprétation du décret du 28 mars, concernant l'abolition du droit de triage, avoit donné lieu à des communautés d'habitans et à des particuliers de commettre des abus. La loi du

26 mai 1790 traça aux communes la marche à suivre pour rentrer dans la possession des bois et terres dont elles prétendoient avoir la propriété.

Par la loi du 25 juillet 1790, la vente des biens nationaux fut décretée; mais cette loi en excepta les forêts.

Les officiers des maîtrises exerçoient toujours la juridiction contentieuse, et cette attribution leur fut continuée par la loi du 20 août 1790, qui en annonça la prochaine suppression. Cette loi rappelle les défenses déjà faites précédemment aux municipalités et aux habitans de se permettre des entreprises sur les forêts.

L'assemblée nationale qui réprimoit constamment les excès que la révolution excitoit dans les forêts, voulut aussi les sauver de l'avidité des spéculateurs. Elle excepta les grandes masses de forêts, de l'aliénation des biens nationaux, par la considération, est-il dit, dans la loi du 23 août 1790, que la conservation des bois et forêts est un des objets les plus importans et les plus essentiels aux besoins et à la sûreté du royaume. Cette loi permit seulement la vente des boqueteaux de 100 arpens et dont la distance des autres bois plus étendus seroit de 1000 toises, et pourvu encore que ces boqueteaux ou bois épars ne fussent point nécessaires pour garantir le bord des fleuves, torrens et rivières, et pour produire des bois propres à la marine.

La loi du 21 septembre 1790 ordonna qu'il ne seroit plus concédé d'apanages réels, et révoqua ceux qui avoient été concédés.

L'exception qui avoit été faite des grandes masses de forêts dans l'aliénation des domaines, fut réitérée par la loi du 1er. décembre 1790.

Cependant les délits se multiplioient dans les forêts et menaçoient de détruire ces propriétés. L'assemblée nationale ordonna qu'ils seroient poursuivis avec la plus grande célérité, et la loi du 25 décembre 1790 chargea les tribunaux de districts de toutes les instances civiles et criminelles pour raison des délits commis dans les bois. Les procureurs du roi des maîtrises portèrent en conséquence devant ces tribunaux toutes les actions en matière forestière. C'est à cette époque que fut supprimée la juridiction spéciale des eaux et forêts, et que les tribunaux ordinaires furent mis en possession de cette juridiction.

L'assemblée nationale avoit, dans tous ses décrets concernant les forêts, annoncé le projet d'organiser une nouvelle administration forestière.

La loi du 29 septembre 1791 réalisa ce projet.

Le titre rer. de cette loi soumit au régime forestier les bois du domaine, ceux des établissemens religieux, ceux possédés à titre de concession ou engagement, usufruit ou autre, titre révocable, les bois possédés en grûrie, grairie, etc., et ceux indivis entre l'état et les communes; et quant aux bois possédés en totalité par les communes, les maisons de charité, et les établissemens de main-morte étrangers et de l'ordre de Malte, il statue qu'ils seroient soumis à l'administration forestière suivant ce qui sera déterminé. L'article 6 de ce titre a déclaré que les bois appartenant aux particuliers cesseroient d'y être soumis; cette disposition que le droit naturel de la propriété sembloit réclamer, mais que l'intérêt public condamnoit, a été la cause de la destruction d'une grande quantité de bois et de la privaon d'importantes ressources pour les constructions. On chercha à remédier aux abus par

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la loi du 9 floréal an 11 sur les défrichemens, par le décret du 15 avril 1811 sur les bois de marine, et par l'ordonnance du roi du 28 août 1816 sur le même objet. Mais cette dernière ordonnance n'étoit plus en harmonie avec nos institutions, et elle fut rapportée, en ce qui concerne les bois des particuliers, par celle du 29 septembre 1819 qui a remis en vigueur le décret du 15 avril 1811.

Le titre 2 de la loi du 29 septembre 1791 ordonna la création d'une administration sous le titre de conservation générale des forêts, titre qui fait connoître le but de son institution. Elle devoit être composée de cinq commissaires, de conservateurs, d'inspecteurs, d'arpenteurs et de gardes.

L'article 10 de ce titre vouloit qu'il y eût auprès des conservateurs une ou plusieurs places d'élèves; disposition utile, quoique ne pouvant suppléer l'établissement d'écoles spéciales sans lesquelles il n'y aura jamais en France d'amélioration possible dans l'économie forestière.

Le titre 3 détermine les titres d'admissibilité aux emplois forestiers, l'ordre de l'avancement, les motifs d'incompatibilité et de révocation. Il exige que les choix se règlent surtout d'après les connoissances et la capacité des candidats; mais il n'indique point la manière de procéder à l'examen de ces candidats, objet pourtant d'une très-haute importance et sans lequel l'intention de la loi peut être sans cesse éludée.

Les titres 4, 5, 6 et 7 règlent les fonctions des gardes, des inspecteurs, des conservateurs et des commissaires de la conservation générale.

Le titre 8 charge les corps administratifs de veiller à la conservation des forêts, de s'assurer de l'exactitude et de la fidélité des préposés, de dresser des procès-verbaux de leurs visites et de les envoyer soit à la conservation générale, soit au gouvernement. Ces dispositions dont on reconnut les inconvéniens, en ce qu'elles tendoient à favoriser les empiétemens de l'autorité administrative sur les fonctions d'une administration spéciale et à introduire l'anarchie des pouvoirs, n'ont pas été reproduites par la loi du 16 nivôse an 9, qui a mis en activité l'organisation forestière décretée celle de 1791. par

La loi du 25 décembre 1790 avoit attribué aux tribunaux ordinaires la juridiction contentieuse. Le titre 9 de la loi du 29 septembre 1791 détermina la manière de procéder pour la poursuite des délits. Les inspecteurs furent chargés de poursuivre sur les procès-verbaux des gardes, et les conservateurs reçurent la mission de poursuivre les malversations dans les coupes et les contraventions aux lois forestières. Ces distinctions étoient nuisibles à la célérité des poursuites; elles furent effacées par la suite, et chaque agent forestier eut qualité pour poursuivre toute espèce de délit et de contravention.

Le titre 10 fixe les restrictions sous lesquelles les bois possédés à titre de concession, engagement, usufruit ou échange non consommé, sont soumis à l'administration générale. Le titre 11 porte que les bois possédés en grûrie, ou par indivis avec le ront régis de la même manière que les bois nationaux.

gouvernement, se

Les titres 12 et 13 traitent de l'administration des bois des communes et des établissemens publics; ils chargent les agens forestiers de faire les opérations de balivage, martelage et de récolement ; de reconnoître les cantons de bois qui peuvent être livrés au pâturage des

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