Images de page
PDF
ePub

ils veulent en fentir fouvent l'odeur; & ils estiment heureux ceux qui en peuvent manger. Voilà le caractere de ces foibles & lâches penitens. Ils s'abstiennent pour quelque tems du peché; mais c'eft à regret ; ils voudroient bien pouvoir pecher fans, êrre damnez; ils parlent du peché avec je ne fçai quel goût qui leur en fait fentir le faux plaifir; & ils veulent toûjours croire que les autres y trouvent de quoi fe fatisfaire. Un homme quitte dans la Confession le deffein qu'il avoit de fe vanger : Mais auffi-tôt aprés on le trouvera dans une converfation libre de fes amis, avec qui il prendra plaifir de parler de fa querelle; il dira que fans la crainte de Dieu, il auroit fait ceci & cela, que la Loi divine fur cet article du pardon eft bien difficile; que plût à Dieu qu'il fût permis de fe venger. Ah! Que ce pauvre homme tout hors de peché qu'il eft, a le cœur embarraffé de l'affection au peché ; & qu'il eft femblable aux Ifraëlites, dont j'ai parlé. Il faut dire la même chofe de cette femme qui ayant detefté fes mauvailes amours, prend un refte de plaifir, à de vaines affiduitez, & des démonftrations trop vives d'eftime, & d'amitié. Helas que ces peni

[ocr errors]

tents, & ces penitentes font dans un grand danger de leur falut.

O Philothée, puifque vous afpirez fincerement à la devotion, non-feulement vous devez quitter le peché ; mais vous devez encore purifier vôtre cœur de toutes les affections, qui en ont été les caufes, ou qui en font les effets: · Car outre le danger de la rechûte, il vous en refteroit une langueur d'ame, & une pefanteur d'efprit, qui font comme je vous l'ai dit, incompatibles avec la vie dévote. Je compare ces ames qui aprés avoir quitté le peché font fi languiffantes & fi pefantes dans le fervice de Dieu, aux perfonnes qui ont les pâles couleurs Elles ne font pas abfolument malades; mais l'on peut dire que leur air, leurs manieres, & toutes leurs actions font bien malades; elles mangent fans goût; elles rient fans joye; elles dorment fans repos; & elles fe traînent plûtôt qu'elles ne marchent: C'eft de cette forte que ces ames dans leurs exercices, qui ne font pas fort à compter, ni le nombre ni pour le merite font le bien avec tant de dégoût & de lafsitude d'efprit, qu'elles leur font perdre tout le luftre, & toute la grace que la ferveur donne aux actions de picté.

[ocr errors]
[ocr errors]

pour

CHAPITRE VII

Comment l'on peut parvenir à ce Second degré de pureté d'Amc.

I

L faut pour cela fe former une vive & forte idée de tout le mal que porte le peché: Afin que par la componction du cœur, elle nous excite à une forte & profonde contrition, Quelque foible que foit la contrition pourvû qu'elle foit veritable, elle fuffit pour purifier nôtre ame du peché, fur tout quand elle eft foûtenuë de la vertu des Sacremens: Mais fi elle eft vehémente & penetrante, elle va julqu'à purifier le cœur de toutes les mauvaifes affections, qui dépendent du peché. Remarquez ces exemple:Si nous ne haïffons un homme que foiblement, il n'y a guére que fa prefence, qui nous faffe de la peine, & nous nous contentons de la fuir: Mais fi nous le haiffons mortellement & violemment,nous ne nous en tenons pas cette repugnance de cœur,& à cette faite, l'horreur que nous en avons le répand jusques fur les alliez, fes parens, & fes amis, dont nous ne pouvons fouffrir la converfation:Son portrait même nous b'effe les yeux

[ocr errors]

τομε

& le cœur; & generalement tout ce qui a quelque rapport à lui, nous déplaît. Ainfi quand le penitent n'eft que legerement touché de la haine de fes pechez, & n'en a qu'une foible contrition, mais tres-réelle, il ne laiffe pas de fe déterminer de bonne foi à ne plus pecher: Mais quand fa haine eft bien vive, & fa douleur bien profonde, il déteste tout enfemble & efficacement le peché, toutes les habitudes, & tout ce qui lui peut fervir d'attrait & d'occafion. Il faut donc, Philothée, donner à la douleur de vos pechez toute la force, & l'étendue que vous pourrez ; afin qu'elle s'étende aux moindres circonstances du peché: C'est ainsi que la Magdeleine dés le premier moment de fa conversion, perdit tellement le goût de fes plaifirs qu'elle n'en retint pas même l'idée: Ceft ainfi que David proteftoit, qu'il haiffoit le peché, les voyes, & les fena tiers du peché C'eft en cela que confifte ce renouvellement de l'ame, comparé par le même Prophete au renouvellement de l'Aigle.

Mais pour prendre vivement cette idée de la malice du peché, & en concevoir une vraye douleur, il faut vous

appliquer à bien faire les Méditations

fuivantes, dont l'ufage détruira dans vôtre cœur par la grace de Dieu tout le peché jufqu'à les racines. C'est à ce desfein que je vous les ai preparées, felon la methode que j'ai jugé la meilleure: Vous les ferez l'une aprés l'autre, en faivant l'ordre que je leur ai donné, & n'en prenant qu'une pour chaque jour. Je vous confeille,' fi cela eft failable, que ce foit le matin, parce que c'eft le temps le plus propre aux fonctions de l'efprit: Aprés cela vous en repafferez ce que vous pourrez en vous-même durant le jour; & fi vôtre efprit n'eft pas encore fait à la Méditation, ayez recours pour vous la faciliter à la feconde Partie de cet Ouvrage.

CHAPITRE IX.

Meditation fur la Création de l'Homme.

PREPARATION.

1. Mettez vous en la prefence de Dieu. 2. SupplieZ-le qu'il vous infpire.

1.

CONSIDERATION S, Onfiderez qu'il n'y a que tant d'années ; que vous n'étiez pas

C

« PrécédentContinuer »