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tées à la propriété littéraire. - Mais ces diverses considérations, contre lesquelles avait protesté la généralité des jurisconsultes, furent combattues dans un réquisitoire dont vous avez, messieurs, conservé le souvenir, et qui fit ressortir avec force ce qu'il y aurait d'excessif à perpétuer dans un cas, en lui maintenant son caractère absolu, un droit limité dans tous les autres; ce qu'il y aurait d'injuste à dépouiller en faveur d'un propriétaire fictif le vrai propriétaire; enfin ce qu'il y aurait d'illogique à reconnaître, comme l'avait fait un arrêt du 29 thermidor de l'an xii, rendu sur les conclusions conformes de Merlin, que l'évêque qui compose un livre d'heures ou de prières en a privativement la propriété, dans le sens de la loi de 1793, et à refuser à ses proches, après sa mort, la légitime part qui leur revient de cette propriété, pour la concentrer sur la tête de ses successeurs spirituels. - Ces motifs, messieurs, parurent déterminants à la Cour, qui en reproduisit la substance dans son arrêt du 28 mai 1836. - Plus tard, et le mai 1843, la même question reportée devant vous et élucidée dans un rapport qui ne laissa dans l'ombre aucun des aspects sous lesquels elle se présente, fut jugée dans des termes qui, sans admettre et sans rejeter la distinction consacrée par l'arrêt de 1836 entre la propriété de l'évêque à titre d'auteur, et son droit à titre d'évêque, aboutissent, quant à la poursuite et à la pénalité, aux mêmes conséquences.

Quelques criminalistes, et notamment M. Parant dans son ouvrage sur la législation de la presse, ont rendu hommage au principe sur lequel est appuyée cette jurisprudence; d'autres l'ont combattue. Serait-il vrai, comme le prétendent notamment MM. Dufour et Laferrière, que l'arrêt de 1843, tout en n'accordant pas taxativement aux évêques un droit de propriété sur les livres liturgiques, leur ait, en réalité, conféré un privilége qui les rend complétement maîtres, au préjudice des auteurs ou de leurs héritiers, de cette portion considérable du domaine de l'intelligence? A cela, messieurs, plusieurs réponses. Sans vouloir en préjuger le mérite, notre devoir est de vous les soumettre en peu de mots, comme des arguments nécessaires du débat contradictoire dont vous êtes constitués juges :

Et d'abord, ce qu'il y a lieu de se demander, c'est si toute autre interprétation du décret de l'an XIII maintiendrait efficacement à l'intérêt élevé qu'a eu en vue ce décret, la protection qu'il avait pour objet de lui assurer. Car, ou il faut aller aussi loin que l'un des auteurs sus-mentionnés, et soutenir que l'existence de ce monument législatif est inconciliable avec notre droit public, ou il y a nécessité d'en faire sortir toutes les conséquences qui en dérivent virtuellement. — Or, la première proposition, en se fondant sur l'illégalité prétendue d'une dérogation aux dispositions de la loi du 17 mars 1791 et de notre Charte constitutionnelle, les unes relatives à la liberté de l'industrie, les autres à la liberté de la presse, tombe d'elle-même devant cette règle de tous les temps, qu'il n'existe pas de droit absolu et sans limite; règle dont il a été fait application dans des cas analogues à celui du procès, par exemple, en matière de publication de dessins et emblèmes, où l'autorisation préalable du ministre de l'intérieur est exigée par l'art. 20 de la loi du 9 septembre 1835, sans qu'on ait jamais songé à voir là ni le rétablissement de la censure préventive, ni une atteinte inconstitutionnelle aux franchises commerciales, mais bien et uniquement une condition nécessitée par un intérêt d'ordre auquel n'aurait pas suffi la loi commune. La charte a proclamé, en même temps que les autres libertés, celle du culte catholique. religion soit libre, disait en 1841 un éloquent orateur de l'une de nos chambres législatives, il faut qu'elle se conforme à son principe. Le principe du catholicisme étant l'autorité, si elle n'est pas garantie authentique dans les dogmes, ⚫ dans les pratiques, dans les rapports du chef spirituel avec le fidèle, l'église catholique ne jouit pas de la plénitude d'autorité qui est sa nature, sa foi, sa règle. Cette garantie, messieurs, serait-elle entière si la permission de l'évêque ne s'appliquait qu'au livre, abstraction faite de l'imprimeur?-Mais alors

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pourquoi le décret aurait-il parlé des réimpressions, puisqu'un livre d'église, quel qu'il soit, n'a pu être édité une première fois, sans que la publication en ait été autorisée ? Pourquoi ensuite ces mots : « Les libraires-imprimeurs qui feraient « imprimer, réimprimer sans avoir obtenu cette permission », s'il suffisait que l'imprimeur se prévalût du sauf-conduit une fois donné au livre, sans avoir à réclamer personnellement et d'une manière directe la permission que le législateur veut qu'il obtienne? Qu'on ne répute plus délit le fait seul d'avoir imprimé ou réimprimé sans autorisation spéciale; qu'on subordonne la répression de ce fait à l'événe ment d'une appréciation judiciaire sur le plus ou moins de fidélité dans la reproduction des textes; - il arrivera, d'une part, qu'on soumettra l'évêque à un contrôle à peu près impossible, ce qui rendra son droit de surveillance illusoire ; d'autre part, qu'on livrera à la controverse ce qui est du domaine réservé de la foi; que le principe d'autorité comparaîtra, lui qui ne relève que de Dieu, devant la justice des hommes ; que la responsabilité du magistrat sera substituée à la responsabilité de l'évêque, et les tribunaux érigés en conciles! - Est-ce là ce qu'a voulu le décret de l'an XIII? Atteindrait-on ainsi le but que le législateur s'est proposé, et qui se résume en ceci : Garantir la liberté de l'Eglise catholique par le maintien du dogme; garantir le maintien du dogme par la pleine et entière application du principe d'autorité ? Reste l'objection prise de l'exclusion du droit des auteurs; mais ce droit, pour être soumis à l'épreuve d'une approbation préalable, n'en a pas moins force et effet, quand elle est accordée; et si cette approbation, sans laquelle, en aucun cas, il ne pourrait être exercé, est rendue plus difficile par la nécessité où s'est vu l'évêque d'investir, pour un temps, de sa confiance tel libraire ou tel imprimeur, l'inconvénient qui en résulte a son correctif dans le caractère essentiellement révocable et temporaire de ces sortes de concessions, qui sont, à vrai dire, moins des contrats que des actes de haute juridiction épiscopale. Et c'est là ce qui explique pourquoi l'avis du Conseil d'Etat du 7 juin 1809, invoqué dans le sens de l'opinion contraire, et dont les instructions publiées à diverses époques par les directeurs généraux de la librairie, ont évidemment forcé le sens, a déclaré que le décret n'avait pas voulu donner aux évêques le droit d'accorder un privilége exclusif; privilége qui, en effet, eût été inconciliable avec l'essence même du pouvoir incommunicable en vertu duquel il serait conféré !--- Telles sont, messieurs, les considérations qu'il nous appartenait d'opposer à celles que nous avons fait valoir, au commencement de ce rapport, dans l'intérêt de la défense. Les deux systèmes entre lesquels vous avez prononcer de nouveau, auront ainsi comparu successivement devant vous. Où est la vérité ? où est la loi ? Votre arrêt nous l'apprendra.

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La seconde question du procès, consistant dans le point de savoir si la violation du décret de l'an XIII entraîne dans tous les cas la confiscation des exemplaires indûment imprimés ou réimprimés, est neuve en ce sens que sa solution affirmative, bien que renfermée implicitement dans le dispositif de l'arrêt du 19 mai 1843, n'ayant été, lors des discussions qui ont précédé cet arrêt, l'objet d'aucun débat, il s'agit aujourd'hui d'examiner pour la première fois, si ce qui a été jugé en dehors de toute controverse doit être maintenu, en présence des doutes qui s'élèvent sur la légalité de cette solution. En fait, ni M. l'archevêque de Paris ne revendique, à titre d'auteur, la propriété des ouvrages saisis par suite de sa plainte, ni aucune réclamation de cette nature ne s'est produite au procès. de prononcer dans ce cas, au profit de l'Etat, une mesure dont le bénéfice, aux termes de la loi de 1793 et des art. 427 et suivants du Code pénal, est uniquement affecté à indemniser d'autant le propriétaire du préjudice qu'il a souffert? Cette mesure doit-elle être envisagée comme un mode complémentaire de répression, indépendant de ce préjudice? - Jetons, messieurs, un coup d'œil rapide sur les deux faces de cette grave question : D'une part, et à l'appui de l'argumentation du mémoire en défense, on peut dire qu'il n'en est pas de certaines

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En droit, y a-t-il lieu

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peines accessoires comme des peines principales ; qu'à la différence de celles-ci dont le caractère est invariable, celles-là se modifient suivant la diversité des cas auxquels elles se rapportent; que bien que la confiscation spéciale ait été classée, par l'art. 11 du Code pénal, au nombre des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles, elle n'a, pas plus que l'amende, comprise avec elle dans le même article, une signification et une portée qui la constituent nécessairement l'un des éléments de la punition infligée au nom et dans l'unique intérêt de la vindicte publique; que la Cour a, quant à l'amende, admis une exception ayant pour effet de la réduire aux simples proportions d'une réparation civile; qu'elle a reconnu qu'en matière de douanes, cette condamnation peut à la fois peser sur la tête d'un enfant que le juge déclare avoir agi sans discernement, et réfléchir sur les personnes civilement responsables de ses actes; qu'une telle jurisprudence qui, si la condamnation dont il s'agit conservait son attribution pénale, serait le renversement de toute règle d'humanité et de justice, s'est fondée sur des textes dans lesquels la Cour a vu, à bon droit, l'assimilation de l'amende avec les indemnités pécuniaires destinées à compenser le dommage résultant du délit, et qui n'en diffèrent qu'en ce que ces deux sortes de réparations, bien qu'étant de même nature, peuvent être cumulées; qu'aucun de ces textes n'exclut à un plus haut degré que celui dont le demandeur excipe dans l'espèce, l'annexion forcée de la condamnation accessoire à la condamnation principale, en tant que complément de celle-ci, et comme applicable au même titre; que l'article 429 du Code pénal, qui adjuge à l'auteur des ouvrages contrefaits les produits de la contrefaçon, en désintéressant ainsi l'Etat au profit du tiers lésé, a clairement manifesté la pensée que la confiscation qu'il prononce ne répond pas à l'une de ces nécessités d'ordre public desquelles dérive le principe du dédommagement pécuniaire dû par le coupable à la société que l'Etat représente; pensée qu'on ne voit pas empreinte avec la même évidence dans celles des dispositions de la législation sur les douanes qui, tout en modifiant l'amende, en maintiennent le bénéfice à l'Etat ;- que dès lors la destination particulière de la confiscation, dans un de ces cas, est un motif plus puissant que la nature de l'amende, dans l'autre, pour n'attribuer à la première de ces condamnations qu'une signification purement civile, et pour la subordonner à l'événement qui en est la condition; à savoir, l'existence d'un préjudice effectif, appelant une indemnité proportionnée ; qu'au surplus, ce n'est pas seulement au sujet de l'amende que la Cour a cru devoir ne pas s'arrêter au sens général de l'art. 11 précité; qu'en ce qui concerne la confiscation elle-même, un arrêt du 9 décembre 1813 a décidé qu'en cas d'infraction aux lois prohibitives de la culture du tabac, cette mesure n'a rien de personnel, et par conséquent de répressif; et que le décès du prévenu, avant jugement, ne met point obstacle à ce qu'elle atteigne la marchandise prohibée dans les mains de ses héritiers; que si cet arrêt a ainsi interprété l'art. 34 du décret du 1er germinal de l'an x111, à raison de l'intention exclusivement fiscale qu'accuse sa disposition; s'il a, par ce motif, soustrait la mesure dont il s'agit à l'empire des règles du droit commun, on ne comprend pas pourquoi il en serait autrement dans un ordre d'idées où, dégagée de même du lien qui l'unit à l'action publique, la confiscation n'est plus présentée par le texte exceptionnel qui s'y rapporte que comme venant en déduction de la dette privée, créée par le délit. texte, peut-on ajouter, qui révèle le véritable esprit du décret du 7 geminal an XIII, ce n'est pas le Code pénal postérieur à sa promulgation, mais bien la loi de 1793, en regard de laquelle il a été conçu et dont il a emprunté l'assistance; loi toute de réparation privée; loi qui n'avait d'autre but que de retirer la propriété littéraire, compromise sous l'ancienne législation par son alliance avec le privilége, des décombres où la nuit du 4 août avait enseveli tout ce qui présentait ce caractère. Elle a reconnu cette propriété comme un droit, mais sans punir les atteintes qui lui seraient portées par la contrefaçon, comme un délit;

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plus d'emprisonnement, plus d'amende, comme dans la série non interrompue de dispositions légales qui s'étaient successivement transmis de l'une à l'autre cette double pénalité du règlement de 1618; une indemnité en argent; une satisfaction accordée à un intérêt civil, au nom et sur la réclamation de cet intérêt, rien de plus. En recourant à elle pour assurer son exécution, le décret du 7 germinal a virtuellement assimilé au contrefacteur l'imprimeur ou le libraire qui, alors même qu'il aurait été autorisé par l'auteur d'un livre liturgique à l'imprimer et à le publier, n'aurait pas obtenu, à cet effet, la permission expresse de l'évêque; il a étendu à ce dernier, quand ce livre est son œuvre, la protection due aux auteurs, l'investissant, comme eux, dans tous les cas, du droit de demander aux tribunaux que la publication projetée ou faite, au mépris de son autorité épiscopale, soit interdite ou arrêtée, mais restreignant au fait de la propriété réelle de l'écrit le dédommagement pécuniaire soumis par la loi commune à cette condition. Le principe qu'en certaines matières la confiscation n'est, comme le dit Massé dans son Traité du droit commercial, qu'une partie intégrante des dommages-intérêts a été hautement reconnu et consacré lors de la discussion de la loi du 5 juillet 1844, relative aux brevets'd'invention. --- A la Chambre des députés, nous voyons un orateur, M. Vivien, proposer un amendement ayant pour objet de prescrire cette mesure même en cas d'acquittement. - L'amendement fut adopté, Or, si ce n'est là qu'un élément de répression, comment concevoir l'application d'une peine à qui n'est pas déclaré coupable? - A la Chambre des pairs, un autre orateur, M. Siméon, rappelant que les objets contrefaits étaient, aux yeux de la loi, hors du commerce, demanda que la destruction en fût ordonnée. Que répondit le commissaire du roi ? - Que la remise de ces objets au breveté était une compensation naturelle du dommage qui lui avait été occasionné, qu'il pourrait en tirer un parti utile dans l'intérêt de sa fabrication, et que leur destruction ne profiterait à personne, démonstration de plus en plus évidente (dira-t-on en terminant) de cette vérité que l'infliction pénale disparait là où se produit uniquement une nécessite d'ordre privé; d'où la conséquence que cette nécessité n'existant pas, la satisfaction qui lui était due n'a plus de base.

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Dans le sens du pourvoi, au contraire, on peut ajouter aux arguments exposés dans la requête de M. le procureur général près la Cour royale de Paris, que la confiscation, telle que la définit l'art. 11, indique, par l'énumération des cas auxquels elle est alternativement applicable, le but du législateur d'en faire, toutes les fois qu'elle rentre dans un de ces cas, un mode d'infliction et comme un appoint de la peine. - Que dit, en effet, cet article? « La confiscation spéciale, « soit du corps du délit, quand la propriété en appartient au condamné, soit des <«< choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre, est une peine commune aux matières criminelles et correction« nelles. Dans toutes ces hypotheses, l'intérêt auquel est assurée cette satisfaction est nécessairement un intérêt public; car le grand principe sur lequel repose la justice sociale est celui-ci : réprimer pour prévenir; et c'est en vertu de ce principe que la loi a voulu mettre obstacle à la réitération de l'infraction reconnue constante par le juge, en enlevant au condamné ce qui en a été ou l'occasion, ou le moyen, ou le produit. - Peu importe, dès lors, que dans un cas donné, l'une de ces choses, le produit de l'infraction, ait une affectation autre que celle qui lui est assignée dans les cas ordinaires; ce qu'il faut considérer, ce n'est pas en faveur de qui la confiscation peut être ordonnée, mais le motif qui la rend obligatoire. L'effet ici disparaît devant la cause. Si on jugeait de la cause par l'effet, on ne comprendrait pas que la confiscation n'eût d'autre point de départ qu'un intérêt privé, auquel la loi commune a pris soin de subvenir par la faculté impartie au juge d'allouer au tiers lésé des réparations aussi étendues que le préjudice; et que la loi spéciale, dans la prévoyance de l'impossibilité où se trouverait le contrevenant de satisfaire à ces réparations, n'eût pas restreint

du moins à cette éventualité le sacrifice entier ou partiel des droits du fisc. - Il est si vrai, ajoutera-t-on, qu'il s'agit ici d'une peine, et qu'il ne peut s'agir que d'une peine, qu'une jurisprudence constante interdit aux tribunaux d'en altérer la nature en substituant à la confiscation des objets saisis l'adjudication de leur valeur; qu'elle leur interdit également, hors les cas prévus par la loi du 5 juillet 1844, et par le décret sus-mentionné du 1er germinal an x111, de la prononcer contre un individu renvoyé des fins de la plainte, bien que, nonobstant ce renvoi, il fût passible, si la demande en était régulièrement formée, de condamnations civiles, à raison du fait dépouillé par la déclaration de non culpabilité de tout caractère de délit. D'où il est naturel de conclure que la confiscation est toujours et nécessairement une conséquence non de ce fait en lui-même, non du dommage matériel qu'il entraîne, mais de ce qu'il y a en lui de contraire à l'ordre général; de ce qui provoque contre son auteur une punition propre non-seulement à rassurer la société dans le présent, mais encore à la préserver dans l'avenir. C'est en vue de cet intérêt de préservation que la Cour a décidé qu'il y avait obligation pour le juge, quand il punissait un délit forestier commis à l'aide d'une serpe au d'une hache, d'ordonner la confiscation de ces instruments du délit, alors même qu'ils n'auraient pas été saisis par le garde sur le délinquant, nijplacés antérieurement au jugement sous la main de la justice. — Une autre règle sanctionnée de même par vos arrêts, c'est celle qui ne permet pas aux tribunaux de répression de déclarer une contravention constante et d'en laisser subsister les traces; règle qui a servi de fondement à la jurisprudence en matière de constructions non autorisées. N'y a-t-il pas, pourra-t-on dire, une raison plus péremptoire, empruntée à un ordre de considérations plus élevé, tirée d'une nécessité plus pressante, pour arrêter par la confiscation l'émission d'ouvrages auxquels s'attache, par la volonté du législateur, une présomption de non-conformité à l'unité liturgique d'une religion qu'il a proclamée libre, et qu'il n'a réputée telle qu'au moyen du contrôle préventif dont cette émission s'est affranchie? Qu'on parcoure un à un tous les monuments de la législation en matière de contrefaçon d'écrits: ils se divisent, quant à l'époque antérieure à la révolution de 1789, en deux sortes d'actes constituant deux phases bien distinctes ; ceux qui, comme l'ordonnance de Moulins, la déclaration de Charles IX du 16 avril 1571, les lettres-patentes de Henri III de 1586 et 1617, n'accordaient aux droits des auteurs qu'une protection timide et en quelque sorte dérisoire. - Et ceux dont le principe fut de racheter l'insuffisance reconnue de cette protection par des dispositions plus expresses et une pénalité énergique; tels, entre autres, que l'édit du mois d'août 1686, le règlement du 18 février 1723, les arrêts du Conseil du 30 août 1777 et 30 juillet 1778; · prononçant la double peine de l'amende et de la confiscation, et donnant à cette dernière mesure l'effet d'anéantir toute trace du délit ; car il y était dit que les éditions contrefaites seraient mises au pilon. — Quand le législateur de 1793 sentit qu'il fallait combler la lacune qu'avait créée la ruine de ces derniers règlements, s'il parut principalement se préoccuper de la lésion de l'intérêt privé, peut-on admettre qu'il n'ait eu en vue que cet intérêt, et que la confiscation par lui édictée de nouveau différât essentiellement de celle que prononçait la législation antérieure? - S'il en eût été ainsi, si cette grave modification avait été par lui apportée à un système répressif dont les avantages ressortaient des inconvénients produits par son abolition; si, des deux phases législatives que nous venons de rappeler, il n'avait voulu faire revivre que la première, oubliant la nécessité où on s'était vu dans la suite des temps d'y substituer la seconde, n'aurait-il pas déclaré en termes formels cette intention que rendait si invraisemblable le démenti qu'elle eût donné aux enseignements du passé ? Mais il y a plus. Supposons qu'en effet la loi de 1793 n'eût remis debout de l'ancienne législation que le principe de l'indemnité privée, et que la confiscation par elle rétablie

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