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1o La diffamation envers un membre de conseil général, relativement à ses fonctions, est justiciable de la Cour d'assises (1).

2o Lorsqu'un même écrit renferme des imputations dont les unes concernent la vie publique, et les autres la vie privée de l'individu qui se dit diffamé, il y a connexité suffisante pour que la Cour d'as· sises connaisse de la poursuite entière (2).

A l'approche des élections d'août 1846, M. Boullenois, électeur de l'arrondissement de Vouziers, distribua une brochure contre la candid a ture de M. Lavocat, ancien membre du conseil général de la Seine, où il lui imputait certains faits relatifs, les uns à la conduite que celui-ci avait tenue dans le procès Fieschi, les autres aux rapports qu'il avait eus pour affaires de la ville de Paris avec le chef de bureau Hourdequin. Sur la plainte de M. Lavocat, la chambre d'accusation de la Cour de Metz, par arrêt du 17 septembre 1846, a renvoyé l'inculpé devant la Cour d'assises des Ardennes pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, à raison de ses fonctions, et pour le fait connexe de diffamation publique envers la même personne, dans sa vie privée. Pourvoi par M. le procureur général, qui soutient 1° qu'un conseiller municipal n'est qu'un simple mandataire, chargé par ses concitoyens des intérêts de sa commune, et ne saurait être assimilé aux dépositaires ou agents de l'autorité publique, ni même aux personnes revêtues d'un caractère public, à l'égard desquelles la diffamation est justiciable de la Cour d'assises suivant l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819; 2o qu'en tous cas, les imputations relatives à la vie privée, lorsqu'elles sont distinctes et indépendantes des autres, doivent demeurer justiciables du tribunal correctionnel, nonobstant la connexité qui résulterait de ce qu'elles sont dans le même écrit que celles-ci.

LA COUR;

ARRÊT (Min. publ., C. Boullenois).

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sur le premier moyen, pris de la violation des art. 13 et 14 de la loi du 26 mai 1819 et 2 de ce le du 8 octob. 1830, 20 de ladite loi du 26 mai et 16 de celle du 17 du même mois : attendu que l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819, en admettant dans certains cas la preuve des faits diffamatoires, porte que cette preuve sera faite devant la Cour d'assises; que, par là, il décide virtuellement que tous les cas de diffamation qu'il prévoit appartiennent à cette juridiction; que c'est dans ce sens que doivent être entendus les art. 13 et 14 de la même loi sur la competence; attendu que ledit art. 20, en ajoutant aux cas de diffamation envers les dépositaires ou agents de l'autorité publique, pré

(1) Cette doctrine était préjugée par les arrêts du rejet des 22 août 1840, 24 août 1844 et 17 mai 1845 (J. cr., art. 2752, 3695 et 3897). Voy., dans ce sens, notre art. 3894, p. 69.

(2) Voy. Dict. cr., p. 182; voy. aussi J, cr., art. 677.

vus par l'art. 16 de la loi du 17 mai de la même année, les cas de diffamation envers toutes personnes ayant agi duns un caractère public, a pour objet d'expliquer, en le généralisant, le sens dudit art. 16 et d'établir une assimilation entière, non seulement entre les personnes qui sont revêtues d'une manière permanente d'une portion de l'autorité publique et celles qui l'exercent temporairement ou pour quelque affaire spéciale, mais aussi entre les personnes qui en sont investies par une délégation du pouvoir royal et celles qui l'ont reçue par la voie d'une élection légalement faite; que la double garantie, qui résulte du droit de faire la preuve et de la compétence du jury, doit, pour remplir l'objet que la loi se propose, trouver son application toutes les fois que les fonctions de la personne attaquée se rapportent aux intérêts généraux, soit de l'État, soit d'une des parties qui le composent, c'est-à dire d'un département ou d'une commune; attendu que parmi les faits imputés au sieur Lavocat dans les écrits incriminés, ceux sur lesquels porte le premier moyen de cassation sont relatifs aux fonctions de membre du conseil municipal de Paris, qu'il exerçait à l'époque où ils se seraient passés ; que c'est donc avec raison que la connaissance de ces imputations a été, par l'arrêt attaqué, attribuée à la Cour d'assises.

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Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 226 et 227 du Code d'instruction criminelle : attendu que les autres imputations dont se plaint le sieur Lavocat présentent seulement le caractère d'une diffamation envers un simple particulier; qu'à ce titre, e les devraient, d'a, rès l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819. être justiciables des tribunaux correctionnels; mais que ces imputations, et celles dont il vient d'être décidé que la Cour d'assises devait connaitre, sont renfermées dans les mêmes écrits; qu'elles sont dirigées contre une même personne qu'ells tendent au même but; que, de ces circonstances, qui les rattachent d'une manière intime les unes aux autres, il résulte, aux termes sainement entendus de l'art. 227 C. instr. crim., une connexité légale, dont l'effet régulier a dû être de les faire renvoyer ensemble à la Cour d'assises, investie de la plénitude de la juridiction en toute matière pénale; rejette.

Du 20 novemb. 1846.-C. de cass.-M. Vincens St-Laurent, rapp.

ART. 4047.

CASSATION. DÉLAIS DE POURVOI.

PARTIE CIVILE.

En matière correctionnelle et de police, le délai du pourvoi en cassation est de trois jours francs à partir du lendemain de la prononciation du jugement ou arrêt, même pour la partie civile qui était présente ou représentée par un avoué au débat immédiatement suivi de la décision (1).

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ARRÊT (Machard).

LA COUR; Ovu les art. 177, 216 et 373 C. instr. cr.; attendu que les art. 177 et 216, en autorisant le pourvoi en cassation en matière de police simple et correctionnelle, ne fixent point le délai dans lequel cette faculté devra être exercée, et renvoient aux dispositions ultérieures du Code; - qu'il est donc nécessaire de suivre, pour ces matières, le délai fixé par l'art. 373 pour les arrêts des cours d'assises; que cet article ne donne au condamné que trois jours francs après celui où son arrêt lui a été prononcé, et n'accorde que le même délai au procureur général et à la partie civile; - qu'à la vérité, en matière de police

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(1) Voy. Dict, cr., p. 132; J. cr., art. 200, 585, 869, 1008, 1724 et 2787.

simple et correctionnelle, où les jugements peuvent être rendus par défaut, il faut, pour ce cas, subvenir aux parties, et ne faire courir le délai du pourvoi que du jour de la signification du jugement; mais que, dans l'espèce, il n'y a pas lieu à une telle extension du délai, puisque le demandeur a été représenté par un avoué et un avocat qui ont conclu et plaidé pour lui le jour même où l'arrêt attaqué a été prononcé ; que le demandeur, en portant son action civile devant les tribunaux correctionnels, s'est soumis aux formes et aux délais de cette juridiction, et qu'il a à s'imputer, si, comme il le soutient, il était absent, de ne pas avoir muni ses conseils des instructions et des pouvoirs nécessaires pour l'exercice des voies de recours ouvertes par la loi. et attendu que l'arrêt attaqué a été rendu le 27 août dernier et le pourvoi déclaré le 10 sept, suivant; déclare Pierre Machard non recevable dans son pourvoi.

-

Du 5 déc. 1846.-C. de cass.-M. Vincens St-Laurent, rapp.

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La citation en police correctionnelle, que donne une partie civile, n'est pas nulle par cela que cette partie, au lieu de se désigner par

son nom de famille, indique seulement son prénom, si ce prénom sert généralement à la désigner et se trouve seul dans l'écrit objet de la poursuite.

Diffamé dans un journal de théâtre, sous le nom d'Octave qu'il a porté à l'Académie royale de musique et qu'il a conservé au théâtre de Toulouse, le sieur Benoît a cité l'inculpé en police correctionnelle et obtenu de la Cour royale de Toulouse une condamnation en dommagesintérêts, outre les peines d'emprisonnement et d'amende. Pourvoi par le condamné, qui articule une violation prétendue des art. 2 de la loi du 20 juin 1790 et 1er de la loi du 6 fructidor an 11, par lesquels il est défendu à toute personne de prendre un nom autre que celui qui lui est donné par son acte de naissance, ainsi que de l'art. 61 du Code de procédure civile, suivant lequel toute assignation doit contenir le nom du demandeur, outre ses prénoms, et des art. 182 et 183 C. instr. cr., se référant à cet art. 61 pour la citation donnée par une partie civile; dispositions qui ont été présentées comme obligatoires d'une manière absolue, pour que l'inculpé connaisse bien le plaignant et que le jugement qui interviendra ne puisse s'appliquer à nul autre.

ARRÊT (Jemmapes Dupin).

LA COUR; sur l'unique moyen pris de ce que la citation, contenant plainte en diffamation et injure, sur laquelle est intervenu l'arrêt attaqué, ne portait pas le véritable nom du plaignant: attendu qu'il résulte du jugement du tribunal de police correctionnelle de Toulouse, confirmé par l'arrêt attaqué et dont cet arrêt a adopté les motifs, que le sieur Benoît, artiste de l'Académie royale de musique, n'était connu, soit à Paris, où il avait résidé long'emps, soit à Toulouse, où il habitait depuis plus d'un an, que sous le nom d'Octave; que c'est sous ce nom qu'il a traité avec la direction du théâtre de Toulouse; qu'il est ainsi désigné dans les feuilles publiques et notamment dans les articles incriminés, avec l'indication de la qualité de premier ténor, dont il remplit en effet l'emploi ; qu'enfin, le nom d'Octave, qui est publiquement et constamment donné au

attendu

plaignant, lui appartient réellement, et que Jemmapes Dupin, qui l'a ainsi dénommé lui-même, n'a pu être induit en erreur sur son identité; qu'en refusant, dans cet état des faits, d'annuler la citation, l'arrêt attaqué n'a violé ni les art. 182 et 183 C. instr. cr., ni aucune autre loi: rejette.

Du 24 déc. 1846. C. de cass. M. Barennes, rapp.

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LIBERTÉ PROVISOIRE.

ART. 4049.

CAUTIONNEMENT.

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DÉLIT DE PRESSE.

En matière de délit de presse, la quotité du cautionnement nécessaire pour la liberté provisoire, doit se déterminer, non d'après les dommages-intérêts réclamés par la partie civile, suivant l'art. 119 C. instr. cr., mais uniquement d'après l'amende applicable au délit, suivant l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819 (1).

ARRÊT (Sarget C. Macé).

LA COUR ; admet l'intervention dudit Macé, et, statuant sur le moyen formulé dans l'acte du pourvoi, lequel moyen est tiré de la prétendue violation de l'art. 119 du Cod. d'instr. crim., en ce que la Cour d'assises du département d'Ille-et-Vilaine, qui a accordé au susdit Macé sa liberté provisoire sous caution, afin de régulariser le pourvoi par lui formé contre l'arrêt du 30 aût dernier, n'a fixé le cautionnement qu'à 4,000 fr, quoique les dommages-intérêts alloués au demandeur par cet arrêt soient de cette même somme: vu l'art. 38 de la loi du 26 mai 1819, portant: Toute personne inculpée d'un délit commis

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« par la voie de la presse, ou par tout autre moyen de publication, contre laquelle il aura été décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt, obtiendra sa mise en liberté provisoire moyennant caution. La caution à exiger de l'inculpé ne « pourra être supérieure au double du maximum de l'amende prononcée par la loi contre le délit qui lui est imputé ; attendu qu'en toute poursuite concernant les délits commis par la voie de la presse, ou par tout autre moyen de publication, la disposition ci-dessus visée oblige la juridiction qui statue sur une demande de liberté provisoire, à ne prendre pour base de la fixation du cautionnement à exiger de l'inculpé que l'amende dont celui-ci peut être passible; - qu'elle déroge donc virtuellement, en cette matière, au § 3 de l'art. 119 C. instr. crim., d'après lequel le cautionnement doit être triple du dommage, lorsqu'il serait résulté du délit un dommage civil appréciable en argent; que le délit de diffamation dont Macé a été déclaré coupable, dans l'espère n'est puni, par l'art. 16 de la loi du 17 mai 1819. que d'une amende de 50 fr. à 3,000 fr.; — qu'en fixant, dès lors, à 4,000 fr. la caution exigée dudit Macé, l'arrêt attaqué n'a nullement violé l'article invoqué par le demandeur, et s'est conformé à l'art. 28 précité; - rejette.

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Du 3 déc. 1846. C. de cass. M. Rives, rapp.

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DÉNONCIATION CALOMNIEUSE. — VÉRIFICATION DES FAITS DÉNONCÉS OFFICIER MINISTÉRIEL. POUVOIR DISCIPLINAIRE.

Lorsqu'un officier ministériel a été dénoncé au ministère public pour faits passibles d'une répression disciplinaire, la fausseté des

(1) Voy. Dict. cr., p. 494 et 495.

faits ne peut être suffisamment établie par une lettre du procureur général (1).

:

Des poursuites en saisie immobilière avaient été dirigées contre un sieur Chenu, sous le nom d'une dame Caron, représentée par M. Brocard, avoué nonobstant un paiement, qui comprenait les frais, elles furent reprises au nom d'un sieur Bouillon, par le même avoué. Sur le conseil de Me Coquard, avocat, Chenu a dénoncé l'avoué aux magistrats; de là, plainte en dénonciation calomnieuse contre Chenu et contre Me Coquard lui-même. Le tribunal correctionnel de Montbéliard a pensé que le refus de suivre sur la dénonciation, qui était manifesté dans une lettre du procureur général, établissait suffisamment la fausseté des faits dénoncés; et il a condamné Chenu ainsi que Me Coquard. La Cour de Besançon, par arrêt du 17 juin 1846, a maintenu la condamnation contre celui-ci, en relaxant Chenu à raison de ce qu'il avait réellement payé les frais de l'avoué et dû penser qu'il y avait poursuite frustratoire. Pourvoi par Me Coquard.

ARRÊT (Coquard C. Brocard).

LA COUR; vu l'art. 373 du Cod. pén.; attendu que les lettres adressées au premier président de la Cour royale de Besançon, au procureur-général près cette Cour, et au procureur du roi de Montbéliard, par Frédéric Chenu, et qui auraient été écrites à l'instigation de l'avocat Coquard, contenaient contre l'avoué Brocard des imputations graves sur sa conduite comme officier ministériel; que, pour constituer le délit de dénonciation calomnieuse défini par l'art. 373 du Cod. pén., il faut qu'il soit établi que les faits imputés sont faux et qu'ils ont été dénoncés dans une intention de mauvaise foi; · attendu que la constatation de la vérité ou de la fausseté des faits dénoncés ne peut appartenir qu'à l'autorité compétente pour porter une décision définitive sur ces faits, et que la juridiction, appelée à prononcer sur la poursuite en dénonciation calomnieuse ne peut statuer qu'après la décision légalement intervenue sur l'existence de ces faits; attendu que les faits imputés par Chenu à Brocard, dans la dénonciation à laquelle aurait participé l'avocat Coquard, sont relatifs aux frais de procédures suivies par Brocard en sa qualité d'avoué; que, dès lors, l'appréciation de ces faits rentrait sous le pouvoir disciplinaire auquel Brocard était soumis comme officier ministériel; que si l'art. 45 de la loi du 20 avril 1810 attribue aux procureurs généraux un droit de surveillance sur les officiers ministériels de leur ressort, ni cette loi, ni aucune autre, ne les investit du pouvoir de statuer sur le caractère des infractions dont ces officiers se seraient rendus coupables; d'où il suit qu'en admettant, comme constatation légale de la fausseté des faits articulés dans la dénonciation de Chenu, les lettres du procureur-général près la Cour royale de Besançon, et en ne renvoyant pas pour prononcer sur le mérite de la poursuite en dénonciation calomnieuse jusqu'à ce qu'il eût été préjudiciellement statué par l'autorité compétente sur la vérité ou la fausseté des faits dénoncés, l'arrêt attaqué a violé l'art. 373 du Cod. pén. et les règles de compétence en matière disciplinaire; casse.

Du 18 décemb. 1846. C. de cass. M. Barennes, rapp.

710

(1) Le ministère public n'a que l'exercice de l'action disciplinaire, et non la juridiction (Voy. notre traité sur la Discipline judiciaire, no 688-696 et nos 741). Or, la vérification des faits dénoncés ne peut être faite que par la juridiction disciplinaire compétente. (Voy. notre Revue sur la dénonciation calomnieuse; J. cr., art. 3716, p. 41).

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