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Et de tes tours les magnifiques faîtes?
Quand verrai-je de toutes parts

Tes peuplesen chantant accourir à tes fêtes ?

TOUT LE CHOEUR.

O rives du Jourdain! Ochamps aimés des cieux!

Sacrés monts, fertiles vallées
Par cent miracles signalées!
Du doux pays de nos aïeux

Serons-nous toujours exilées ?

SCÈNE III.

ESTHER, MARDOCHÉE, ÉLISE, LE CHOEUR,

ESTHER.

Quel profane en ce lieu s'ose avancer vers nous ?
Que vois-je! Mardochée! O mon père, est-ce

vous ?

Un ange du seigneur sous son aile sacrée
A donc conduit vos pas, et caché votre entrée?
Maís d'où vient cet air sombre, et ce cilice af-

freux,

Et cette cendre enfin qui couvre vos cheveux ?

Que nous annoncez-vous ?

1

MARDOCHÉE.

O reine infortunée!

O d'un peuple innocent barbare destinée!
Lisez, lisez l'arrêt détestable, cruel....

Nous sommes tous perdus! et c'est fait d'Israël!

ESTHER.

Juste ciel! tout mon sang dans mes veines se

glace! MARDOCHÉE.

On doit de tous les Juifs exterminer la race.
Au sanguinaire Aman nous sommes tous livrés;
Les glaives, les couteaux sont déjà préparés:
Toute la nation à la fois est proscrite.
Aman, l'impie Aman, race d'Amalécite,
A pour ce coup funeste armé tout son crédit;
Et le roi trop crédule a signé cet édit.

L

Prévenu contre nous par cette bouche impure,
Il nous croit en horreur à toute la nature:
Ses ordres sont donnés, et dans tous ses états
Le jour fatal est pris pour tant d'assassinats.
Cieux, éclairerez-vous cet horrible carnage!
Le fer ne connoîtra ni le sexe ni l'age;
Tout doit servir de proie aux tigres, aux vautours:
Et ce jour effroyable arrive dans dix jours.

ESTHER.

O Dieu, qui vois former des desseins si funestes,
As-tu donc de Jacob abandonné les restes ?

UNE DES PLUS JEUNES ISRAÉLITES.

Ciel, qui nous défendra, si tu ne nous défends?

MARDOCHÉE.

Laissez les pleurs, Esther, à ces jeunes enfans.
En vous est tout l'espoir de vos malheureux

frères;

Il faut les secourir: mais les heures sont chères;
Le temps vole, et bientôt amènera le jour
Où le nom des Hébreux doit périr sans retour.
Toute pleine du feu de tant de saints prophètes,
Allez, osez au roi déclarer qui vous êtes.

ESTHER.

1:

1

!

Hélas! ignorez-vous quelles sévères lois
Aux timides mortels cachent ici les rois?
Au fond de leur palais leur majesté terrible
Affecte à leurs sujets de se rendre invisible;
Et la mort est le prix de tout audacieux
Qui sans être appelé se présente à leurs yeux,
Si le roi dans l'instant, pour sauver le coupable,
Ne lui donne à baiser son sceptre redoutable.
Rien ne met à l'abri de cet ordre fatal,
Ni le rang, ni le sexe; et le crime est égal.
Moi-même, sur son trône à ses côtés assise,
Je suis à cette loi, comme un autre, soumise;
Et sans le prévenir, il faut pour lui parler
Qu'il me cherche, ou du moins qu'il me fasse

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appeler.

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1

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Quoi! lorsque vous voyez périr votre patrie, Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre

vie!

Dieu parle: et d'un mortel vous craignez le cour

roux!

Que dis-je ? votre vie, Esther, est-elle à vous ?
N'est-elle pas au sang dont vous êtes issue?
N'est-elle pas à Dieu dont vous l'avez reçue ?
Et qui sait, lorsqu'au trône il conduisit vos pas,
Si pour sauver son peuple il ne vous gardoit pas?
Songez-y bien; ce Dieu ne vous a pas choisie
Pour être un vain spectacle aux peuples de l'Asie,
Ni pour charmer les yeux des profanes humains:
Pour un plus noble usage il réserve ses saints.
S'immoler pour son nom et pour son héritage,
D'un enfant d'Israël voilà le vrai partage:
Trop heureuse pour lui de hasarder vos jours!
Et quel besoin son bras a-t-il de nos secours?
Que peuvent contre lui tous les rois de la terre?
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre
Pour dissiper leur ligue il n'a qu'à se montrer:
Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer.
Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble:
Il voit comme un néant tout l'univers ensemble :
Et les foibles mortels, vains jouets du trépas,
Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étoient

pas.

:

S'il'a permis d'Aman l'audace criminelle, Sans doute qu'il vouloit éprouver votre zèle. C'est lui qui, m'excitant à vous oser chercher, Devant moi, chère Esther, a bien voulu marcher: Ets'il faut que sa voix frappe én vain vos oreilles, Nous n'en verrons pas moins éclater ses mer

veilles.

Il peut confondre Aman, il peut briser nos fers Par la plus foible main qui soit dans l'univers: Et vous, qui n'aurez point accepté cette grace,

Vous périrez peut-être et toute votre race.

STHER.

!

Allez que tous les Juifs dans Suse répandus
A prier avec vous jour et nuit assidus,
Me prêtent de leurs vœux le secours salutaire,
Et pendant ces trois jours gardent un jeûne aus-

tère.

Déjà la sombre muita commencé son tour:
Demain, quand le soleil rallumera le jour,
Contente de périr, s'il faut que je périsse,
J'irai pour mon pays m'offrir en sacrifice.
Qu'on s'éloigne un moment.

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(Le chœur se retire vers le fond du théâtre.) SCÈNE IV.

ESTHER, ELISE, LE CHOEUR.

1

1

O mon souverain roi,

Me voici donc tremblante et seule devant toi! Mon père mille fois m'a dit dans mon enfance Qu'avec nous tu juras une sainte alliance,

Quand , pour te faire un peuple agréable le à tes

yeux,

Il plut à ton amour de choisir nos aïeux
Meme tu leur promis de ta bouche sacrée
Une postérité d'éternelle durée.

Hélas! ce peuple ingrat a néprisé ta loi.

La nation chérie a

violé

sa foi;

DL

T

Elle a répudié son époux et son père, Pourrendre à d'autres dieux un honneur adultère: Maintenant elle sert sous un maître étranger. Mais c'est peu d'être esclave, on la vent égorger: Nos superbes vainqueurs, insultant à nos larmes, Imputent à leurs dieux le bonheur de leurs armes, Et veulent aujourd'hui qu'un même coup mortel Abolisse ton nom, ton peuple, et ton autel. Ainsi donc un perfide, après tant de miracles,

Pourroit anéantir la foi de tes oracles
Raviroit aux mortels le plus cher de tes dons,
Le saint que tu promets et que nous attendons
Non, non, ne souffre pas que ces peuples fa-

+

rouches, Ivres de notre sang, ferment les seules bouches Qui dans tout l'univers célèbrent tes bienfaits; Et confonds tous ces dieux qui ne furent jamais. Pour moi, que tu retiens parmi ces infidelles, Tu sais combien je hais leurs fêtes criminelles, Et que je mets au rang des profanations Leur table, leurs festins, et leurs libations;) Que même cette pompe où je suis condamnéé Ce bandeau dont il faut que je paroisse ornée Dans ces jours solennels à l'orgueil dédiés, Seule et dans le secret, je le foule à mes piés; Qu'à ces vains ornemens je préfère la cendre, Et n'ai de goût qu'aux pleurs que tu me vois ré

pandre.

J'attendois le moment marqué dans ton arrêt
Pour oser de ton peuple embrasser l'intéret:
Ce moment est venu; ma prompte obéissance
Va d'un roi redoutable affronter la présence.
C'est pour toi que je marche: accompagne mes

pas Devant ce fier lion qui ne te connoît pas Commande en me voyant que son courrotux s'ap

paise,

11.0

Et prête à mes discours un charme qui lui plaise. Les orages, les vents, les cieux te sont soumis: Tourne enfin sa fureur contre nos ennemis.

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