D'être un peu plus sincère en cela qu'il ne faut. ORONTE. C'est ce que je demande, et j'aurois lieu de plainte, Si, m'exposant à vous pour me parler sans feinte, Vous alliez me trahir, et me déguiser rien. ALCESTE. Puisqu'il vous plaît ainsi, monsieur, je le veux bien. ORONTE. Sonnet. C'est un sonnet. L'espoir... C'est une dame, Qui de quelque espérance avoit flatté ma flamme. L'espoir... Ce ne sont point de ces grands vers pompeux, Mais de petits vers doux, tendres et langoureux. ALCESTE. Nous verrons bien. ORONTE. L'espoir... Je ne sais si le style Pourra vous en paroître assez net et facile, Et si du choix des mots vous vous contenterez. ALCESTE. Nous allons voir, monsieur. Au reste, vous saurez ORONTE. Que je n'ai demeuré qu'un quart-d'heure à le faire. ALCESTE. Voyons, monsieur, le temps ne fait rien à l'affaire. ORONTE lit. L'espoir, il est vrai, nous soulage, Lorsque rien ne marche après lui! PHILINTE. Je suis déjà charmé de ce petit morceau. Quoi! Vous avez le front de trouver cela beau? ORONTE. Vous eûtes de la complaisance; Mais vous en deviez moins avoir, Et ne vous pas mettre en dépense, PHILINTE. Ah! qu'en termes galans ces choses-là sont mises ALCESTE bas à Philinte. Hé quoi! vil complaisant, vous louez des sottises? ORONTE. S'il faut qu'une attente éternelle Le trépas sera mon recours. Belle Philis, on désespère, PHILINTE. La chute en est jolie, amoureuse, admirable. ALCESTE bas à Philinte. La peste de ta chute, empoisonneur au diable! En eusses-tu fait une à te casser le nez! PHILINTE. Je n'ai jamais ouï des vers si bien tournés. ALCESTE bas à Philinte. Morbleu! ORONTE à Philinte. Vous me flattez, et vous croyez peut-être... PHILINTE. Non, je ne flatte point. ALCESTE bas à Philinte. Hé! que fais-tu donc, traître ? ORONTвà Alceste. Mais pour vous, vous savez quel est notre traité, Parlez-moi, je vous prie, avec sincérité. ALCESTE. Monsieur, cette matière est toujours délicate; empire Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire; Qu'il doit tenir la bride aux grands empressemens Qu'on a de faire éclat de tels amusemens; ORONTE. Est-ce que vous voulez mé déclarer par là ALCESTE. Je ne dis pas cela. Mais je lui disois, moi, qu'un froid écrit assomme, Qu'il ne faut que ce foible à décrier un homme; Et qu'eût-on d'autre part cent belles qualités, On regarde les gens par leurs méchans côtés. ORONTE. Est-ce qu'à mon sonnet vous trouvez à redire ALCESTE. Je ne dis pas cela. Mais, pour ne point écrire, Je lui mettois aux yeux comme dans notre temps, Cette soif a gâté de fort honnêtes gens. ORONTE. Est-ce que j'écris mal, et leur ressemblerois je? ALCESTE. Je ne dis pas cela. Mais enfin, lui disois-je, vivre. Croyez-moi. Résistez à vos tentations, Et n'allez point quitter, de quoi que l'on vous somme, 1 Le nom que, dans la cour, vous avez d'honnête homme, Pour prendre de la main d'un avide imprimeur, C'est ce que je tâchai de lui faire comprendre. ORONTE. Voilà qui va fort bien, et je crois vous entendre. Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet... ALCESTE. Franchement, il est bon à mettre au cabinet;. Ce style figuré, dont on fait vanité, meilleur; Et je prise bien moins tout ce que l'on admire, Qu'une vieille chanson que je m'en vais vous dire: Si le roi m'avoit donné Paris, sa grandville, La rime n'est pas riche, et le style en est vieux Si le roi m'avoit donné J'aime mieux ma mie, oh gay! Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris. (à Philinte qui rit.) Oui, monsieur lerieur, malgrévos beaux esprits, J'estime plus cela que la pompe fleurie De tous ces faux brillans où chacun se récrie. ORONTE Et moi je vous soutiens que mes vers sont fort bons. ALCESTE. Pour les trouver ainsi, vous avez vos raisons; Mais vous trouverez bon que j'en puisse avoir d'autres Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres. ORONTE, Il me suffit de voir que d'autres en font cas. ALGESTE. C'est qu'ils ont l'art de feindre, et moi je ne l'ai pas.. ORONTE. Croyez-vous doncavoir tant d'esprit en partage? ALCESTE. Si je louois vos vers, j'en aurois davantage.. ORONTE. Je me passerai fort que vous les approuviez. ALCESTE. Il faut bien, s'il vous plaît, que vous vous en passiez. ORONTE. Je voudrois bien, pour voir, que, de votre ma nière, Vous en composassiez sur la même matière. ALCESTE. J'en pourrois, par malheur, faire d'aussi méchans; Mais je me garderois de les montrer aux gens. ORONTE. Vous me parlez bien ferme, et cette suffisance... ALCESTE. Autre part que chez moi, cherchez qui vous en cense. |