Je louerai, si l'on veut, son train et sa dépense, Son adresse à cheval, aux armes, à la danse; Mais, pour loner ses vers, je suis son serviteur; Et, lorsque d'en mieux faire on n'a pas le bon heur, On ne doit de rimer avoir aucune envie, cœur, Avoir trouvé tantôt votre sonnet meilleur; ÉLIANTE. Dans ses façons d'agir il est fort singulier, PHILINTE. Pour moi, plusje le vois, plus sur-tout je m'étonne ÉLIANTE. Cela fait assez voir que l'amour, dans les cœurs, N'est pas toujours produit par un rapport d'hu meurs; Et toutes ses raisons de douces sympathies, PHILINTE. Mais croyez-vous qu'on l'aime, aux choses qu'on peut voir? ÉLIANTE. C'est un point qu'il n'est pas fort aisé de savoir. Comment peut-on juger s'il est vrai qu'elle l'aime? Son cœur de ce qu'il sent n'est pas bien sûr lui même ; ? Il aime quelquefois sans qu'il le sache bien PHILINTE. Je crois que notre ami, près de cette cousine, ELIANTE. Pour moi, je n'en fais point de façons; et je croi faire, Son amour éprouvoit quelque destin contraire, S'il falloitque d'un autre on couronnat les feux, Je pourrois me résoudre à recevoir ses vœux; Et le refus, souffert en pareille occurrence, Ne m'y feroit trouver aucune répugnance. PHILINTE. Et moi, de mon côté, je ne m'oppose pas, Madame, à ces bontés qu'ont pour lui vos appas: Et lui-même, s'il veut, il peut bien vous instruire De ce que, là-dessus, j'ai pris soin de lui dire. Mais, si par un hymen qui les joindroit eux deux, Vous étiez hors d'état de recevoir ses vœux, Tous les miens tenteroient la faveur éclatante Qu'avec tant de bonté votre ame lui présente. Heureux si, quand son cœur s'y pourra dérober, Elle pouvoit sur moi, madame, retomber. ÉLIANTE. Vous vous divertissez, Philinte. PHILINTE. Non, madame; Et je vous parle ici du meilleur de mon ame. SCÈNE II. ALCESTE, ÉLIANTE, PHILINTE. ALCESTE, Ah! faites-moi raison, madame, d'une offense Qui vient de triompher de toute ma constance. ÉLIANTE. Qu'est-ce donc? Qu'avez-vous qui vous puisse émouvoir? ALCESTE. J'ai ce que, sans mourir, je ne puis concevoir; Et le déchaînement de toute la nature Ne m'accableroit pas comme cette aventure. C'en est fait... Mon amour... Je ne saurois parler. ÉLIANTE. Que votre esprit, un peu, tâche à se rappeler. ALCESTE. O juste ciel! Faut-il qu'on joigne à tant de graces Les vices odieux des ames les plus basses! ÉLIANTE. Mais encor, qui vous peut... ALCESTE. Ah! tout est ruiné. Je suis, je suis trahi, je suis assassiné. Célimène... Eût-on pu croire cette nouvelle? Célimène me trompe, et n'est qu'une infidelle. ÉLIANTE. Avez-vous, pour le croire, un juste fondement? PHILINTE. Peut-être est-ce un soupçon conçu légérement? Et votre esprit jaloux prend parfois des chimères... Et ALCESTE. Ah! morbleu, mêlez-vous, monsieur, de vos affaires. (à Eliante.) C'est de sa trahison n'être que trop certain, Que l'avoir dans ma poche, écrite de sa main. Oui, madame, une lettre écrite pour Oronte, A produit à mes yeux ma disgrace et sa honte; Oronte, dont j'ai cru qu'elle fuyoit les soins, Et que de mes rivaux je redoutors le moins. PHILINTE. Une lettre peut bien tromper par l'apparence, ALCESTE. Monsieur, encore un coup, laissez-moi, s'il vous plaît, Et ne prenez souci que de votre intérêt. ÉLIANTE. Vous devez modérer vos transports; et l'outrage... ALCESTE. Madame, c'est à vous qu'appartient cet ouvrage: C'est à vous que mon cœur a recours aujourd'hui, Pour pouvoir s'affranchir de son cuisant ennui. Vengez-moi d'une ingrate et perfide parente, Qui trahit lâchement une ardeur si constante; Vengez-moi de ce trait qui doit vous faire horreur. ÉLIANTE. Moi vous venger ? Comment ? ALCESTE. En recevant mon cœur. Acceptez-le, madame, au lieu de l'infidelle: Je compatis, sans doute, à ce que vous souffrez, pense, Et vous pouvez quitter ce désir de vengeance. sante, Une coupable aimée, est bientôt innocente; Tout le mal qu'on lui veut se dissipe aisément, Et l'on sait ce que c'est qu'un courroux d'un amant. ALGESTE. Non, non, madame, non. L'offense est trop mortelle; Il n'est point de retour, et je romps avec elle: SCÈNE III. CÉLIMÈNE, ALCESTE. ALCESTE à part. O ciel! de mes transports puis-je être ici le maître? CÉLIMÈNE à part. Ouais. (à Alceste.) Quel est doncle trouble où je vous vois paroître? Et que me veulent dire, et ces soupirs poussés, Et ces sombres regards que sur moi vous lancez? ALCESTE. Que toutes les horreurs dont une ame est capable; A vos déloyautés n'ont rien de comparable; Que le sort, les démons et le ciel en courroux N'ont jamais rien produit de si méchant que vous. CÉLIMÈNE. Voilà certainement des douceurs que j'admire. ALCESTE. Ah! ne plaisantez point, il n'est pas temps derire, |