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Je louerai, si l'on veut, son train et sa dépense, Son adresse à cheval, aux armes, à la danse; Mais, pour loner ses vers, je suis son serviteur; Et, lorsque d'en mieux faire on n'a pas le bon

heur,

On ne doit de rimer avoir aucune envie,
Qu'on y soit condamné sous peine de la vie.
Enfin toute la grace et l'accommodement
Où s'est avec effort plié son sentimenť,
C'est de dire, croyant adoucir bien son style:
Monsieur, je suis fâché d'étre si difficile,
Et, pour l'amour de vous, je voudrois de bon

cœur,

Avoir trouvé tantôt votre sonnet meilleur;
Et, dansuneembrassade, on leur a, pour conclure,
Fait vite envelopper toute la procédure.

ÉLIANTE.

Dans ses façons d'agir il est fort singulier,
Mais j'en fais, je l'avoue, un cas particulier;
Et la sincérité dont son ame se pique,
A quelque chose en soi de noble et d'héroïque.
C'est une vertu rare au siècle d'aujourd'hui,
Et je la voudrois voir par-tout, comme chez lui.

PHILINTE.

Pour moi, plusje le vois, plus sur-tout je m'étonne
De cette passion où son cœur s'abandonne.
De l'humeur dont le ciel a voulu le former,
Je ne sais pas comment il s'avise d'aimer;
Et je sais moins encor comment cette cousine
Peut être la personne où son penchant l'incline.

ÉLIANTE.

Cela fait assez voir que l'amour, dans les cœurs, N'est pas toujours produit par un rapport d'hu

meurs;

Et toutes ses raisons de douces sympathies,
Dans cet exemple-ci se trouvent démenties.

PHILINTE.

Mais croyez-vous qu'on l'aime, aux choses qu'on

peut voir?

ÉLIANTE.

C'est un point qu'il n'est pas fort aisé de savoir. Comment peut-on juger s'il est vrai qu'elle l'aime? Son cœur de ce qu'il sent n'est pas bien sûr lui

même ;

?

Il aime quelquefois sans qu'il le sache bien
Et croit aimer aussi, par fois, qu'il n'en est rien.

PHILINTE.

Je crois que notre ami, près de cette cousine,
Trouvera des chagrins plus qu'il ne s'imagine,
Et, s'il avoit mon cœur, à dire la vérité,
Il tourneroit ses yeux tout d'un autre côté;
Et par un choix plusjuste, on te verroit, madame,
Profiter des bontés que lui montre votre ame.

ELIANTE.

Pour moi, je n'en fais point de façons; et je croi
Qu'on doit sur de tels points ètre de bonne foi.
Je ne m'oppose point à toute sa tendresse,
Au contraire, mon cœur pour elle s'intéresse;
Et, si c'étoit qu'à moi la chose pût tenir,
Moi-même, à ce qu'il aime, on me verroit l'unir.
Mais, si dans un tel choix, comme tout se peut

faire,

Son amour éprouvoit quelque destin contraire, S'il falloitque d'un autre on couronnat les feux, Je pourrois me résoudre à recevoir ses vœux; Et le refus, souffert en pareille occurrence, Ne m'y feroit trouver aucune répugnance.

PHILINTE.

Et moi, de mon côté, je ne m'oppose pas, Madame, à ces bontés qu'ont pour lui vos appas: Et lui-même, s'il veut, il peut bien vous instruire De ce que, là-dessus, j'ai pris soin de lui dire. Mais, si par un hymen qui les joindroit eux deux, Vous étiez hors d'état de recevoir ses vœux, Tous les miens tenteroient la faveur éclatante Qu'avec tant de bonté votre ame lui présente. Heureux si, quand son cœur s'y pourra dérober, Elle pouvoit sur moi, madame, retomber.

ÉLIANTE.

Vous vous divertissez, Philinte.

PHILINTE.

Non, madame;

Et je vous parle ici du meilleur de mon ame.
J'attends l'occasion de m'offrir hautement,
Et, de tous mes souhaits, j'en presse le moment.

SCÈNE II.

ALCESTE,

ÉLIANTE, PHILINTE.

ALCESTE,

Ah! faites-moi raison, madame, d'une offense Qui vient de triompher de toute ma constance.

ÉLIANTE.

Qu'est-ce donc? Qu'avez-vous qui vous puisse

émouvoir?

ALCESTE.

J'ai ce que, sans mourir, je ne puis concevoir; Et le déchaînement de toute la nature

Ne m'accableroit pas comme cette aventure. C'en est fait... Mon amour... Je ne saurois parler.

ÉLIANTE.

Que votre esprit, un peu, tâche à se rappeler.

ALCESTE.

O juste ciel! Faut-il qu'on joigne à tant de graces Les vices odieux des ames les plus basses!

ÉLIANTE.

Mais encor, qui vous peut...

ALCESTE.

Ah! tout est ruiné.

Je suis, je suis trahi, je suis assassiné.

Célimène... Eût-on pu croire cette nouvelle? Célimène me trompe, et n'est qu'une infidelle.

ÉLIANTE.

Avez-vous, pour le croire, un juste fondement?

PHILINTE.

Peut-être est-ce un soupçon conçu légérement? Et votre esprit jaloux prend parfois des chimères...

Et

ALCESTE.

Ah! morbleu, mêlez-vous, monsieur, de vos affaires. (à Eliante.)

C'est de sa trahison n'être que trop certain, Que l'avoir dans ma poche, écrite de sa main. Oui, madame, une lettre écrite pour Oronte, A produit à mes yeux ma disgrace et sa honte; Oronte, dont j'ai cru qu'elle fuyoit les soins, Et que de mes rivaux je redoutors le moins.

PHILINTE.

Une lettre peut bien tromper par l'apparence,
Et n'est pas quelquefois si coupable qu'on pense.

ALCESTE.

Monsieur, encore un coup, laissez-moi, s'il

vous plaît,

Et ne prenez souci que de votre intérêt.

ÉLIANTE.

Vous devez modérer vos transports; et l'outrage...

ALCESTE.

Madame, c'est à vous qu'appartient cet ouvrage: C'est à vous que mon cœur a recours aujourd'hui, Pour pouvoir s'affranchir de son cuisant ennui. Vengez-moi d'une ingrate et perfide parente, Qui trahit lâchement une ardeur si constante; Vengez-moi de ce trait qui doit vous faire horreur.

ÉLIANTE.

Moi vous venger ? Comment ?

ALCESTE.

En recevant mon cœur.

Acceptez-le, madame, au lieu de l'infidelle:
C'est par là que je puis prendre vengeance d'elle:
Et je la veux punir par les sincères vœux,
Par le profond amour, les soins respectueux,
Les devoirs empressés et l'assidu service
Dont ce cœur va vous faire un ardent sacrifice.
ÉLIANTE.

Je compatis, sans doute, à ce que vous souffrez,
Et ne méprise point le cœur que vous m'offrez;
Mais, peut-être le mal n'est pas si grand qu'on

pense,

Et vous pouvez quitter ce désir de vengeance.
Lorsque l'injure part d'un objet plein d'appas,
On fait force desseins qu'on n'exécute pas;
On a beau voir, pour rompre, une raison puis-

sante,

Une coupable aimée, est bientôt innocente; Tout le mal qu'on lui veut se dissipe aisément, Et l'on sait ce que c'est qu'un courroux d'un amant.

ALGESTE.

Non, non, madame, non. L'offense est trop

mortelle;

Il n'est point de retour, et je romps avec elle:
Rien ne sauroit changer le dessein que j'en fais,
Et je me punirois de l'estimer jamais-
La voici. Mon courroux redouble à cette approche.
Je vais de sa noirceur lui faire un vif reproche,
Pleinement la confondre, et vous porter après
Un cœur tout dégagé de ses trompeurs attraits.

SCÈNE III.

CÉLIMÈNE, ALCESTE.

ALCESTE à part.

O ciel! de mes transports puis-je être ici le maître? CÉLIMÈNE à part.

Ouais.

Alceste.)

Quel est doncle trouble où je vous vois paroître? Et que me veulent dire, et ces soupirs poussés, Et ces sombres regards que sur moi vous lancez?

ALCESTE.

Que toutes les horreurs dont une ame est capable; A vos déloyautés n'ont rien de comparable; Que le sort, les démons et le ciel en courroux N'ont jamais rien produit de si méchant que vous.

CÉLIMÈNE.

Voilà certainement des douceurs que j'admire.

ALCESTE.

Ah! ne plaisantez point, il n'est pas temps derire,

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