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LA SECONDE.

Sont ses mets les plus agréables.

LA TROISIÈME.

C'est son breuvage le plus doux.

ÉLISE.

Chères sœurs, suspendez la douleur qui vous

presse.

Chantons, on nous l'ordonne, et que puissent

nos chants

Du cœur d'Assuérus adoucir la rudesse,

Comme autrefois David, par ses accords touchans,
Calmoit d'un roi jaloux la sauvage tristesse!

(Tout le reste de cette scène est chanté.)
UNE ISRAÉLITE,

Que le peuple est heureux,
Lorsqu'un roi généreux,

Craint de tout l'univers, veut encore qu'on l'aime!
Heureux le peuple! heureux le roi lui-même!

TOUT LE CHOEUR.

O repos! & tranquillité!

O d'un parfait bonheur assurance éternelle,

Quand la suprême autorité

Dans ses conseils a toujours auprès d'elle

La justice et la vérité!

Les quatre stances suivantes sont chantées alternativement par une voix seule et par le chœur.

UNE ISRAÉLETE.

Rois, chassez la calomnie:
Ses criminels attentats
Des plus paisibles états
Troublent l'heureuse harmonie.

Sa fureur, de sang avide,
Poursuit par-tout l'innocent.
Rois, prenez soin de l'absent
Contre sa langue homicide.
De ce monstre si farouche
Craignez la feinte douceur :

t

La vengeance est dans son cœur,
Et la pitié dans sa bouche.

La fraude adroite et subtile
Seme de fleurs son chemin :
Mais sur ses pas vient enfin
Le repentir inutile.

UNE ISRAÉLITE, seule.
D'un souffle l'aquilon écarte les nuages;

Et chasse au loin la foudre et les orages:
Un roi sage, ennemi du langage menteur,
Ecarte d'un regard le perfide imposteur.

UNE AUTRE.

J'admire un roi victorieux,

Que sa valeur conduit triomphant en tous lieux:
Mais un roi sage et qui hait l'injustice,
Qui sous la loi du riche impérieux
Ne souffre point que le pauvre gémisse,
Est le plus beau présent des cieux.

UNE AUTRE.

La veuve en sa défense espère ;

UNE AUTRE.

De l'orphelin il est le père;

TOUTES ENSEMBLE.

Et les larmes du juste implorant son appui
Sont précieuses devant lui.
UNE ISRAÉLITE, seule.
Détourne, roîi puissant, détourne tes oreilles
De tout conseil barbare et mensonger.
Il est temps que tu t'éveilles :
Dans le sang innocent ta main va se plonger
Pendant que tu sommeilles.
Détourne, roi puissant, détourne tes oreilles
De tout conseil barbare et mensonger.

UNE AUTRE.

Ainsi puisse sous toi trembler la terre entière!
Ainsi puisse à jamais contre tes ennemis
Le bruit de ta valeur te servir de barrière!
S'ils t'attaquent, qu'ils soient en un moment

soumis;

Que de ton bras la force les renverse;
Que de ton nom la terreur les disperse :

Que tout leur camp nombreux soit devant tes

soldats

Comme d'enfans une troupe inutile; Et si par un chemin il entre en tes états, Qu'il en sorte par plus de mille. SCÈNE IV.

4

ASSUÉRUS, ESTHER, AMAN, ÉLISE,

LE CHOF UR.

ASSUÉRUS, à Esther.

Oui, vos moindres discours ont des graces se

crètes :

Une noble pudeur à tout ce que vous faites

Donne un prix que n'ont point ni la pourpre ni

l'or.

Quel climat renfermoit un si rare trésor?

Dans quel sein vertueux avez-vous pris naissance?
Et quelle main si sage éleva votre enfance:
Mais dites promptement ce que vous demandez :
Tous vos désirs, Esther, vous serontaccordés ;
Dussiez-vous, je l'ai dit, et veux bien le redire
Demander la moitié de ce puissant empire.

ESTНЕК.

Je ne m'égare point dans ces vastes désirs.
Mais puisqu'il faut enfin expliquer mes soupirs
Puisque mon roi lui-même à parler me convie,

(Elle se jette aux pieds du roi.)
J'ose vous implorer, et pour ma propre vie,
Et pour les tristes jours d'un peuple infortuné
Qu'à périr avec moi vous avez condamné.

ASSUÉRUS, la relevant.

A périr! Vous! Quel peuple ? Et quel est ce mys

tère?

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Esther, seigneur, ent un Juif pour son père:

De vos ordres sanglants vous savez la rigueur.

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Ah! de quel coup me percez-vous le cœur! Vous la fille d'un Juif! Hé quoi! tout ce que

j'aime,

Cette Esther, l'innocence et la sagesse même, Que je croyois du ciel les plus chères amours, Dans cette source impure auroit puisé ses jours! Malheureux!

ESTHER.

Vous pourrez rejeter ma prière :

Mais je demande au moins que, pour grace der

nière,

Jusqu'à la fin, seigneur, vous m'entendiez parler, Et que sur-tout Aman n'ose point me troubler.

Parlez.

:

ASSUÉRUS.

ESTHER.

O Dieu, confonds l'audace et l'imposture! Ces Juifs, dont vous voulez délivrer la nature, Que vous croyez, seigneur, le rebut des humains, D'une riche contrée autrefois souverains, Pendant qu'ils n'adoroient que le Dieu de leurs

pères

Ont vu bénir le cours de leurs destins prospères.
Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux,
N'est point tel que l'erreur le figure à vos yeux.
L'Eternel est son nom; le monde est son ouvrage:
Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage,
Juge tous les mortels avec d'égales lois,
Et du haut de son trône interroge les rois :
Des plus fermes états la chute épouvantable,
Quand il veut, n'est qu'un jeu de sa main redou

table.

Les Juifs à d'autres dieux osèrent s'adresser :
Roi, peuples, en un jour tout se vit disperser;
Sous les Assyriens leur triste servitude
Devint le juste prix de leur ingratitude.

Mais, pour punir enfin nos maîtres à leur tour,

Dieu fit choix de Cyrus avant qu'il vit le jour,
L'appela par son nom, le promit à la terre,
Le fit naître, et soudain l'arma de son tonnerre,
Brisa les fiers remparts et les portes d'airain,
Mit des superbes rois la dépouille en sa main,
De son temple détruit vengea sur eux l'injure :
Babylone paya nos pleurs avec usure.
Cyrus, par lui vainqueur, publia ses bienfaits,
Regarda notre peuple avec des yeux de paix,
Nous rendit et nos lois et nos fêtes divines;
Et le temple déjà sortoit de ses ruines.
Mais, de ce roi si sage héritier insensé,
Son fils interrompit l'ouvrage commencé,
Fut sourd à nos douleurs. Dieu rejeta sa race,
Le retrancha lui-même, et vous mit en sa place.
Que n'espérions-nous point d'un roi si généreux!
Dieu regarde en pitié son peuple malheureux,
Disions-nous; un roi règne, ami de l'innocence.
Par tout du nouveau prince on vantoit la clé

mence:

Les Juifs par-tout de joie en poussèrent des cris. Ciel! verra-t-on toujours par de cruels esprits Des princes les plus doux l'oreille environnée, Et du bonheur public la source empoisonnée! Dans le fond de la Thrace un barbare enfanté Est venu dans ces lieux souffler la cruauté : Un ministre ennemi de votre propre gloire...

AMAN.

De votre gloire! moi ! Ciel! le pourriez-vous

croire?

Moi qui n'ai d'autre objet ni d'autre dieu...

ASSUÉRUS.

Tais-toi.

Oses-tu donc parler sans l'ordre de ton roi?

ESTHER.

Notre ennemi cruel devant vous se déclare. C'est lui; c'est ce ministre înfidelle et barbare Qui, d'un zèle trompeur à vos yeux revêtu, Contre notre innocence arma votre vertu,

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