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Dans son sang inhumain les chiens désaltérés,
Et de son corps hideux les membres déchirés;
Des prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du ciel sur l'autel descendue;
Elie aux élémens parlant en souverain;
Les cieux par lui fermés et devenus d'airain,
Et la terre trois ans sans pluie et sans rosée;
Les morts se ranimant à la voix d'Elisée?
Reconnoissez, Abner, à ces traits éclatans,
Un Dieu tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les

temps.

Il sait, quand il lui plaît, faire éclater sa gloire; Et son peuple est toujours présent à sa mémoire.

ABNER.

Mais où sont ces honneurs à David tant promis,
Et prédits même encore à Salomon son fils?
Hélas! nous espérions que de leur race heureuse
Devoit sortir de rois une suite nombreuse;
Que sur toute tribu, sur toute nation,
L'un d'eux établiroit sa domination,
Feroit cesser par-tout la discorde et la guerre,
Et verroit à ses pieds tous les rois de la terre.

JOAD.

Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-vous?

ABNER.

Ceroi, fils de David, où le chercherons-nous?
Le ciel même peut-il réparer les ruines
De cet arbre séché jusques dans ses racines?
Athalie étouffa l'enfant même au berceau.
Les morts, après huit ans, sortent-ils du tombeau?
Ah! si dans sa fureur elle s'étoit trompée;
Si du sang de nos rois quelque goutte échappée...

JOAD.

Hé bien! que feriez-vous ?

ABNER.

O jour heureux pour moi!

De quelle ardeur j'irois reconnoître mon roi! Doutez-vous qu'à ses pieds nos tribus empressées.. Mais pourquoi me flatter de ces vaines pensées?

Déplorable héritier de ces rois triomphans,
Ochozias restoit seul avec ses enfans:

Par les traits de Jéhu je vis percer le père;
Vous avez vu les fils massacrés par la mère.

JOAD.

Je ne m'explique point; mais quand l'astre du jour Aura sur l'horizon fait le tiers de son tour, Lorsque la troisième heure aux prières rappelle, Retrouvez-vous au temple avec ce même zèle. Dieu pourra vous montrer, par d'importans

bienfaits,

Que sa parole est stable, et ne trompe jamais. Allez: pour ce grand jour il faut que je m'apprête, Et du temple déjà l'aube blanchit le faite.

ABNER.

Quel sera ce bienfait que je ne comprends pas?
L'illustre Josabet porte vers vous ses pas:
Je sors, et vais me joindre à la troupe fidelle
Qu'attire de ce jour la pompe solennelle.

SCÈNE II.

JOAD, JOSABET.

JOAD.

Les temps sont accomplis, princesse: il faut

parler;

Et votre heureux larcin ne se peut plus celer.
Des ennemis de Dieu la coupable insolence,
Abusant contre lui de ce profond silence,
Accuse trop long-temps ses promesses d'erreur :
Que dis-je ? le succès animant leur fureur,
Jusques sur notre autel votre injuste marâtre
Veut offrir à Baal un encens idolâtre.

Montrons ce jeune roi que vos mains ont sauvé,
Sous l'aile du Seigneur dans le temple élevé.
De nos princes hébreux il aura le courage;
Et déjà son esprit a devancé son âge.

Avant que son destin s'explique par ma voix,

Je vais l'offrir au Dieu par qui règnent les rois: Aussitôt assemblant nos lévites, nos prêtres, Je leur déclarerai l'héritier de leurs maîtres.

JOSAВЕТ.

Sait-il déjà son nom et son noble destin?

JOAD.

1

Il ne répond encor qu'au nom d'Éliacin,
Et se croit quelqu'enfant rejeté par sa mère,
A qui j'ai, par pitié, daigné servir de père.

JOSABET.

Hélas! de quel péril je l'avois su tirer!
Dans quel péril encore il est près de rentrer!

JOAD.

Quoi! déjà votre foi s'affoiblit et s'étonne?

JOSABET.

A vos sages conseils, seigneur, je m'abandonne,
Du jour que j'arrachai cet enfant à la mort,
Je remis en vos mains tout le soin de son sort;
Même, de mon amour craignant la violence,
Autant que je le puis j'évite sa présence,

De peur qu'en le voyant, quelque trouble indis

cret

Ne fasse avec mes pleurs échapper mon secret. Sur-tout j'ai cru devoir aux larmes, aux prières, Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières. Cependant aujourd'hui puis-je vous demander Quels amis vous avez prêts à vous seconder? Abner, le brave Abner viendra-t-il nous défendre? A-t-il près de son roi fait serment de se rendre?

JOA.

Abner, quoiqu'on se pût assurer sur sa foi,
Ne sait pas même encor si nous avons un roi.

JOSABET.

Mais à qui de Joas confiez-vous la garde?
Est-ce Obed, est-ce Amnon que cet honneur re-

garde?

De mon père sur eux les bienfaits répandus...

JOAD.

A l'injuste Athalie ils se sont tous vendus.

JOSABET.

Qui donc opposez-vous contre ses satellites?

JOAD.

Ne vous l'ai-je pas dit? nos prêtres, nos lévites.

JOSAВЕТ.

Je sais que, près de vous en secret assemblé, Parvos soins prévoyans leur nombre est redoublé; Que pleins d'amour pour vous, d'horreur pour

Athalie,

Un serment solennel par avance les lie
A ce fils de David qu'on leur doit révéler.
Mais, quelque noble ardeur dont ils puissent

brûler,

Peuvent-ils de leur roi venger seuls la querelle ? Pourun si grand ouvrage est-ce assez de leur zèle? Doutez-vous qu'Athalie, au premier bruit semé Qu'un fils d'Ochozias est ici renfermé,

De ses fiers étrangers assemblant les cohortes, N'environne le temple, et n'en brise les portes? Suffira-t-il contre eux de vos ministres saints, Qui, levant au Seigneur leurs innocentes mains, Ne savent que gémir et prier pour nos crimes, Et n'ont jamai Tersé que le sang des victimes? Peut-être dans leurs bras Joas percé de coups...

JOAD.

Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour nous?

Dieu, qui de l'orphelin protége l'innocence,
Et fait dans la foiblesse éclater sa puissance;
Dieu, qui hait les tyrans, et qui dans Jezraël
Jura d'exterminer Achab et Jézabel;
Dieu qui, frappant Joram le mari de leur fille,
A jusques sur son fils poursuivi leur famille;
Dieu, dont le bras vengeur, pour un temps sus-

pendu,

Sur cette race impie est toujours étendu?

JOSABET.

Et c'est sur tous ces rois sa justice sévère Que je crains pour le fils de mon malheureux frère. Qui sait si cet enfant, par leur crime entraîné, Avec eux en naissant ne fut pas condamné? Si Dieu, le séparant d'une odieuse race, En faveur de David voudra lui faire grace?

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Hélas! l'état horrible où le ciel me l'offrit Revient à tout mome effrayer mon esprit. De princes égorgés la chambre étoit remplie : Un poignard à la main l'implacable Athalie Au carnage animoit ses barbares soldats, Et poursuivoit le cours de ses assassinats. Joas, laissé pour mort, frappa soudain ma vue: Je me figure encor sa nourrice éperdue, Qui devant les bourreaux s'étoit jetée en vain Et, foible, le tenoit renversé sur son sein. Je le pris tout sanglant. En baignant son visage Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage; Et, soit frayeur encore, ou pour me caresser, De ses bras innocens je me sentis presser. Grand Dieu, que mon amour ne lui soit point

funeste !

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Du fidelle David c'est le précieux reste :
Nourri dans ta maison, en l'amar de ta loi,
Il ne connoît encor d'autre père que toi.
Sur le point d'attaquer une reine homicide,
A l'aspect du péril si ma foi s'intimide,
Si la chair et le sang, se troublant aujourd'hui,
Ont trop de part aux pleurs que je répands pour

lui,

Conserve l'héritier de tes saintes promesses, Et ne punis que moi de toutes mes foiblesses!

JOAB.

Vos larmes, Josabet, n'ont rien de criminel :
Mais Dieu veut qu'on espère en son soin paternel.
Il ne recherche point, aveugle en sa colère,
Sur le fils qui le craint l'impiété du père.
Tout ce qui reste encore de fidelles Hébreux
Lui viendront aujourd'hui renouveler leurs

vœux.

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