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>> D'où te bannit ton sexe et ton impiété. >>> Viens-tu du Dieu vivant braver la majesté ? » La reine alors, sur lui jetant un œil farouche, Pour blasphémer, sans doute, ouvroit déjà la

bouche:

J'ignore si de Dieu l'ange se dévoilant
Est venu lui montrer un glaive étincelant;
Mais sa langue en sa bouche à l'instant s'est

glacée,

Et toute son audace a paru terrassée;

Ses yeux, comme effrayés, n'osoient se dé

tourner:

Sur-tout Eliacin paroissoit l'étonner.

JOSABET.

Quoi donc! Eliacin a para devant elle?

ZACHARIF.

Nous regardions tous deux cette reine cruelle,
Et d'une égale horreur nos cœurs étoient frappéss
Mais les prêtres bientot-nous ont enveloppés;
On nous a fait sortir. J'ignore tout le reste,
Et venois vous conter ce désordre funeste.,

JOSABET.

Ah! de nos bras sans doute elle vient l'arracher; Et c'est lui qu'à l'autel sa fureur vient chercher. Peut-être en ce moment l'objet de tant de larmes... Souviens-toi de David, Dieu, qui vois mes

alarmes!

SALOMITн.

Quel est-il, cet objet des pleurs que vous versez?

ZACHARIE.

Les jours d'Eliacin seroient-ils menacés ?

SALOΜΙΤΗ.

Auroit-il de la reine attiré la colère ?

ZACHARIE.

Que craint-on d'un enfant sans support et sans

père?

JOSABET.

Ah! la voici. Sortons: il la faut éviter.

SCÈNE III.

ATHALIE, AGAR, ABNER,
SUITE D'ATHALIE.

AGAR.

Madame, dans ces lieux pourquoi vous arrêter?
Ici tous les objets vous blessent, vous irritent,
Abandonnez ce temple aux prêtres qui l'habitent;
Fuyez tout ce tumulte, et dans votre palais
A vos sens agités venez rendre la paix.

ATHALIE.

Non, je ne puis: tu vois mon trouble et ma foiblesse.

Va, fais dire à Mathan qu'il vienne, qu'il se

presse. Heureuse si je puis trouver par son secours Cette paix que je cherche, et qui me fuit tou

jours!

(Elle s'assied.).

SCÈNE IV.

ATHALIE, ABNER, SUITE D'ATHALIE

ABNER.

Madame, pardonnez si j'ose le défendre:
Le zèle de Joad n'a point dû vous surprendre.
Du Dieu que nous servons tel est l'ordre éternel:
Lui-même il nous traça son temple et son autel,
Aux seuls enfans d'Aaron commit ses sacrifices,
Aux lévites marqua leur place et leurs offices,
Et sur-tout défendit à leur postérité
Avec tout autre dieu toute société.

Hé quoi! vous de nos rois et la femme et la mère;
Etes-vous à ce point parmi nous étrangère?
Ignorez-vous noslois? et faut-il qu'aujourd'hui...
Voici votre Mathan; je vous laisse avec lui.

ATHALIE.

Votre présence, Abner, est ici nécessaire.

Laissons là de Joad l'audace téméraire,
Et tout ce vain amas de superstitions
Qui ferme votre temple aux autres nations:
Un sujet plus pressant excite mes alarmes.
Je sais que, dès l'enfance élevé dans les armes,
Abner a le cœur noble, et qu'il rend à la fois
Ce qu'il doit à son Dieu, ce qu'il doit à ses rois
Demeurez.

SCÈNE V.

ATHALIE, MATHAN, ABNER,
SUITE D'ATHALIE.

MATHAN.

Grande reine, est-ce ici votre place? Quel trouble vous agite, et quel effroi vous glace ? Parmi vos ennemis que venez-vous chercher? De ce temple profane osez-vous approcher? Avez-vous dépouillé cette haine si vive...

ATHALIE.

Prêtez moi l'un et l'autre une oreille attentive.

Je ne veux point ici rappeler le passé,
Ni vous rendre raison du sang que j'ai versé :
Ce que j'ai fait, Abner, j'ai cru le devoir faire.
Je ne prends point pour juge un peuple téméraire:
Quoique son insolence ait osé publier,
Le ciel même a pris soin de me justifier.
Sur d'éclatans succès ma puissance établie
A fait jusqu'aux deux mers respecter Athalie:
Par moi Jérusalem goûte un calme profond;
Le Jourdain ne voit plus l'Arabe vagabond
Ni l'altier Philistin par d'éternels ravages,
Comme au temps de vos rois, désolerses rivages;
Le Syrien me traite et de reine et de sœur;
Enfin de ma maison le perfide oppresseur,
Qui devoit jusqu'à moi pousser sa barbarie,
Jéhu, le fier Jéhu tremble dans Samarie;

L:

De toutes parts pressé par un puissant voisin,
Que j'ai su soulever contre cet assassin,
Il me laisse en ces lieux souveraine maîtresse.
Je jouissois en paix du fruit de ma sagesse :
Mais un trouble importun vient depuis quelques

jours

De mes prospérités interrompre le cours.
Un songe (me devrois-je inquiéter d'un songe!)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le

ronge:

Je l'évite par-tout; par-tout il me poursuit. C'étoit pendant l'horreur d'une profonde nuit; Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée, Comme au jour de sa mort, pompeusement parée: Ses malheurs n'avoient point abattu sa fierté; Même elle avoit encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son

visage, Pour réparer des ans l'irréparable outrage: Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi; >> Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi. >>Je te plains de tomber dans ses mains redou

>tables,

>>> Ma fille. >> En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser :
Et moi, je lui tendois les mains pour l'embrasser;
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chair meurtris et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres.

affreux

Que des chiens dévorans se disputoient entre eux.

ABNER.

Grand Dieu!

ATHALIE.

Dans ce désordre à mes yeux se présente Un jeune enfant couvert d'une robe éclatante, Tel qu'on voit des Hébreux les prêtres revêtus.

Sa vue a ranimé mes esprits abattus:
Mais lorsque, revenant de mon trouble funeste
J'admirois sa douceur, son air noble et modeste,
J'ai senti tout à coup un homicide acier
Que le traître en mon sein a plongé tout entier.

De tant d'objets divers le bisarre assemblage

Peut-être du hasard vous paroît un ouvrage:
Moi-même, quelque temps, honteuse de ma peur,
Je l'ai pris pour l'effet d'une sombre vapeur.
Mais de ce souvenir mon ame possédée,

A deux fois, en dormant, revu la même idée;
Deux fois mes tristes yeux se sont vu retracer
Ce même enfant toujours tout prêt à me percer.
Lasse enfin des horreurs dont j'étois poursuivie,
J'allois prier Baal de veiller sur ma vie,
Et chercher du repos au pied de ses autels >
Que ne peut la frayeur sur l'esprit des mortels
Dans le temple des Juifs un instinct m'a poussée,
Et d'appaiser leur Dieu j'ai conçu la pensée;
J'ai cru que des présens calmeroient son courroux,
Que ce Dieu, quel qu'il soit, en deviendroit plus

doux.

Pontife de Baal, excusez ma foiblesse.
J'entre. Le peuple fuit; le sacrifice cesse;
Le grand-prêtre vers moi s'élance avec fureur :
Pendant qu'il me parloit, ô surprise! & terreur!
J'ai vu ce même enfant dont je suis menacée,
Tel qu'un songe effrayant l'a peint à ma pensée.
Je l'ai vu; son même air, son même habit de lin,
Sa démarche, ses yeux, et tous ses traits enfin :
C'est lui-même. Il marchoit à côté du grand-

prêtre;

Mais bientôt à ma vue on l'a fait disparoître.. Voilà quel trouble ici m'oblige à m'arrèter, Et sur quoi j'ai voulu tous deux vous consulter. Que présage, Mathan, ce prodige incroyable ?

MATHAN.

Cé songe et ce rapport, tout me semble effroyable.

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